La sonnerie, stridente, a probablement résonné pendant plusieurs dizaines de secondes avant que je n'en prenne conscience.
Il est un peu plus de sept heures trente. Nathan est déjà parti. Je n'ai absolument rien entendu, seul le deuxième matelas, au sol, me rappelle qu'il était là il n'y a pas si longtemps.
Précautionneusement, je me redresse, et secoue la tête. Aucune sensation, je ne sens rien à part le poids de mes cheveux qui se replacent. Je n'ai pas mal, aucune douleur ne m'embrase le crâne, aucune nausée ne me recouche. Tout va bien. C'en est presque bizarre. Je n'ai, je crois, plus l'habitude de cette normalité.Je n'ai pourtant pas tant dormi, six heures peut-être. Mais pas le temps, je dois avancer, bouger : j'ai rendez-vous à huit heures. Doucement encore, je me redresse, me lève, et toujours rien. pas de douleur ou de rancoeur de corps, aucune des courbatures dont j'ai l'habitude. J'attrape quelques vêtements, et descend l'échelle à grands pas. Je tire le volet : il ne fait pas encore jour.
Pas de petit-déjeuner, je dois rester à jeun.
D'abord, prise de sang au laboratoire, dans le bras gauche. À pied, ce n'est pas si loin. Ensuite, je marche cinq bonnes minutes jusqu'à la tour d'imagerie médicale Elithis, pour un scanner je crois. Je ne comprends pas tout ce qu'indique l'ordonnance. La secrétaire ne me demande rien. On m'injecte un produit par un cathéter dans le bras - le droit cette fois - et je me retrouve allongée sur le dos dans une pièce toute blanche, la tête dans un tunnel blanc. C'est un peu angoissant, trop blanc, trop pur, trop parfait pour que ça semble réel. J'ai du mal à appréhender la pièce, et je comprends mal ce qui se passe autour de moi. Quelqu'un, une femme, s'agite autour de moi et règle la machine.
"Ne pensez à rien" lance-t-elle avant de sortir de la salle. Je me retrouve seule. C'est facile à dire. Arrêter de penser, ça paraît toujours plus facile à dire qu'à faire. C'est oppressant cette atmosphère, si tôt le matin. Je pourrais dormir peut-être ? Je n'ai pas le droit de bouger la tête. Et je ne suis pas sûre d'avoir le temps de toute façon. Je ne suis pas si fatiguée. A quoi penser ? Ne pas penser. Je dois arrêter de réfléchir, faire le calme. Inspiration. Expiration. Non, c'est définitivement angoissant. Je suis seule, seule dans ma tête, seule dans la pièce. Je ne peux rien faire, rien ne peux me distraire de mes pensées. Ca ne va pas, je ne veux pas être ici. J'ai peur : c'est trop blanc, trop vide, trop grand. Je ne veux pas rester ici, je veux partir. Je ne me sens pas en sécurité, je suis trop seule, trop noire dans cet océan de blanc. J'aimerais être toujours restée dans mon lit : je n'ai rien à faire ici. Je veux fuir, m'échapper de cet espace blanc qui semble ne connaître aucune finitude. J'ai trouvé, c'est ce qui cloche : je ne vois pas la fin de cette pièce. C'est blanc jusqu'à n'en plus finir. Ca ne peut pas exister. Ca ne doit pas exister. Il n'y a pas d'infini. La vie est finie, le monde l'est forcément aussi. Tout comme la planète, ou les murs du lycée : tout ce qui commence, termine. Mais je ne vois pas la fin de la blancheur qui m'entoure. Je suis venue avec un pantalon foncé. Je ne vois plus rien. Pourquoi suis-je ici ? Est-ce que ça a une fin ? C'est peut-être moi qui vais me terminer ici.
Je suis finalement sauvée par l'appareil qui se met en route et commence à tourner autour de moi. Je ne bouge pas, j'observe. Ce n'est pas de sitôt que je me retrouverai ici. Ca tourne vite, très vite. Le bruit n'est pas dérangeant en soi. J'ai un peu l'impression d'être dans un film de science-fiction, ma tête entourée par les rotations qui s'enchaînent rapidement.
Et c'est fini.
Le retour, comme toujours, me paraît plus rapide que l'aller. J'ai peut-être quand même un peu sommeil. Il est encore tôt, j'ai sûrement le droit de finir ma nuit. Je retourne dans mon appartement, remonte mon échelle, je me débarrasse de mes vêtements, et je crois, je m'endors. Point de blanc cette fois, seulement du noir, et la douce sensation de disparaître dans du coton.
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Une Semaine en Enfer EN PAUSE / REECRITURE
General FictionCamille est en deuxième année de prépa littéraire. Depuis toujours, c'est une brillante élève, une amoureuse fidèle, une amie loyale. Pourtant, le château de cartes qui constituait sa vie s'écroule, alors que le travail s'accumule, que sa santé se...