La sonnerie de 9h50 me tire de ma torpeur. Le cours s'est déjà terminé. J'ai somnolé presque une heure et demie, inconsciente de la présence des autres et de la voix du professeur. Impossible de savoir si quiconque a remarqué que je dormais. Au vu de ma place dans la salle - tout devant, à droite vers la porte - c'est assez probable. Le stylo est toujours dans ma main, pointe appuyée contre la feuille. Il faudra que je rattrape ce cours. Je me sens vraiment très mal. Ma tête me lance, mais c'est encore pire que d'habitude : c'est tout mon crâne qui brûle, hurle et grince. La douleur est partout : dans la nuque, de chaque côté de la tête et même au sommet de celle-ci. J'ai la bouche pâteuse de m'être endormie. Ma peau est suintante, mes vêtements sont trempés par une sueur qui m'est inconnue. J'ai chaud, très chaud et pourtant mon corps est parcouru de frissons gelés.
Les élèves se précipitent dehors, pour profiter de l'air frais qui se raréfie dans une classe de cinquante personnes, ou pour être les premiers à la machine à café, moteur de l'énergie après une soirée à disserter. Il ne nous reste que quelques minutes avant le prochain cours - de l'anglais - à 10h05. Il faut que je me lève, que je me dépêche. J'ai besoin d'aller aux toilettes, de boire, de me rafraîchir. J'essaie de me lever : ma chaise reste immobile, muette de mouvement. Je m'extirpe finalement, mais perds l'équilibre, et mes cuisses frappent violemment la table. Je ne sens aucune douleur, si douleur il y a. La douleur dans ma tête s'impose et s'accapare de tout.
Je récupère Manon un peu plus loin, et nous nous dirigeons vers les toilettes. Il y a la queue dans le couloir. Je m'appuie contre le mur. J'ai mal, j'ai l'impression que je vais faire un malaise. J'ai pris une telle dose de médicaments pourtant, à se demander comment je tiens effectivement debout. Ma poitrine palpite : BOUM BOUM BOUM BOUM BOUM. Les battements très rapides raisonnent dans ma tête. Lentement, je place ma main sous mon sein gauche, à l'emplacement du coeur qui s'emballe, comme s'il cherchait à s'échapper. PAM PAM PAM PAM PAM. J'ai peur, peur que mon coeur éclate, peur d'exploser moi-même. Mon souffle s'accélère encore. Soudain, tout s'arrête : les battements ralentissent et ne se font plus entendre. Ma respiration se régularise plus lentement, mais elle y parvient finalement.
Manon - les doigts pianotant sur son téléphone - me fixe, sceptique :
« Putain t'as vraiment l'air à l'ouest ! Tu veux pas aller voir l'infirmière scolaire ? Ou rentrer chez toi littéralement, franchement tu devrais rentrer chez toi... Ça sert à rien d'aller en cours dans cet état là ! Rentre chez toi, repose-toi !
– Hors de question, je souffle. J'ai déjà complètement raté le cours de philo, je ne peux pas rater en plus celui d'anglais. Ça ferait trop à rattraper : j'ai déjà bien assez de devoirs comme ça.
– Mais tu ne tiens même pas debout ! Ça va faire un mois que tu te plains d'une migraine constante, tu ne dors pratiquement plus, tu te bourres de médicaments... Il faut t'arrêter Camille, prends ta journée et repose-toi pour une fois ! »
Je secoue la tête. Je ne travaille pas assez, je n'ai encore rien foutu du week-end: j'ai traîné chez Lilian. Parlons-en d'ailleurs de Lilian.
C'est notre tour aux toilettes. Je me dirige à grands pas mal assurés vers les lavabos, et m'asperge le visage d'eau glacée. L'effet énergisant attendu tarde à arriver. Il n'arrive pas. Je reste engourdie debout le lavabo, de l'eau coulant le long de mes joues.
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Une Semaine en Enfer EN PAUSE / REECRITURE
General FictionCamille est en deuxième année de prépa littéraire. Depuis toujours, c'est une brillante élève, une amoureuse fidèle, une amie loyale. Pourtant, le château de cartes qui constituait sa vie s'écroule, alors que le travail s'accumule, que sa santé se...