L'infirmerie est en fait assez excentrée. Je suis les panneaux, vagues : je n'étais encore jamais venue. Je me perds plusieurs fois, les pas inconscients. Il se met à pleuvoir assez fort. Il faisait grand soleil il y a à peine trois heures. Le temps à Dijon fait rarement sens. Je ne trouve pas mon parapluie. Mes vêtements sont vite humides, et se retrouvent complètement trempés.
Je finis par arriver à l'infirmerie. Il y a une petite salle d'attente, avec une quinzaine de chaises serrées les unes contre les autres. Elles sont rassemblées autour d'une table basse sur laquelle sont éparpillées plusieurs liasses de brochures.
Trois garçons sont assis là. Ils sont plus jeunes que moi de quelques années. Ce sont sûrement des lycéens. Deux sont assis en face de moi, derrière la table basse. Ils discutent à voix haute, d'une voix un peu aigüe qui se cristallise dans mon crâne.
L'autre est assis à côté de moi, à gauche. Il a un bras plâtré.
Des pas se rapprochent. Une porte s'ouvre : une jeune fille en sort. Elle est suivie d'une femme, l'infirmière j'imagine. Elle nous interpelle : « C'est à qui ? ».
L'un des deux garçons bavards se lève et se dirige vers la porte. L'autre l'accompagnait, il s'en va. Je reste seule avec le garçon au plâtre. La migraine, sollicitée par les voix criardes des deux lycéens, est revenue. Aucune position n'est confortable : à chaque mouvement, c'est comme des milliers de piquants qui s'enfoncent dans mon crâne. Alors, je ne bouge plus : plus vite je serai rentrée chez moi, mieux ce sera. Fermer les yeux ne m'aide pas non plus. J'abandonne et les garde ouverts, un peu hagards. Il fait de toute façon assez sombre. Les nuages ont eu raison de la luminosité de la pièce : de grosses gouttes ruissellent contre la vitre embuée. Le bruit de la pluie contre les carreaux est léger, comme un doux roulement. Il me berce quand je parviens enfin à placer ma tête dans un recoin de la chaise. J'ai vraiment mal, peut être que je devrais rentrer immédiatement, sans attendre que l'infirmière s'occupe de l'autre élève. C'est peut-être en rapport avec son plâtre ? Peut-être une longue paperasse administrative à remplir ? D'ailleurs, le garçon me fixe depuis quelques secondes.
« Tu veux passer avant moi ? Demande-t-il finalement. J'ai français, ça ne me dérange pas de rater le cours. Tu veux passer devant moi ?
– Oui je veux bien, merci beaucoup. Merci beaucoup. »
« Alors, dis-moi, qu'est-ce qu'il t'arrive ?
– J'ai mal à la tête. Ça m'arrive souvent ces dernières semaines, mais là mon professeur principal - Mr Buchanan - m'a demandé de venir vous voir avant de rentrer chez moi, pour qu'il y en ait une trace dans le dossier comme ça arrive souvent.
– Ça arrive souvent ? Qu'est ce que tu veux dire par souvent exactement ?
– Bah... à peu près tous les jours ? C'est pas toujours de la même intensité mais en général je me réveille le matin et une demi-heure plus tard j'ai mal à la tête. Après ça dépend vraiment des jours. »
Mes yeux s'embuent. Je suis vraiment fatiguée, j'en arrive à une hypersensibilité gênante. Ma gorge commence déjà à se nouer aussi. Parler d'une migraine ne devrait pas me mettre dans tous mes états. C'est embarrassant, je viens seulement de m'asseoir.
« Tu t'appelles comment ? Je vais dire à la Vie Scolaire que tu es là.
– Camille Bottero. De HK3 (hypokhâgne 3).
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Une Semaine en Enfer EN PAUSE / REECRITURE
Genel KurguCamille est en deuxième année de prépa littéraire. Depuis toujours, c'est une brillante élève, une amoureuse fidèle, une amie loyale. Pourtant, le château de cartes qui constituait sa vie s'écroule, alors que le travail s'accumule, que sa santé se...