Chapitre 6

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Le voyage d'une vie

Voyager consiste à partir d'un endroit et revenir soit au même endroit soit aller à un autre. Mais généralement on part de chez soi pour revenir chez soi.

Partir. Toujours partir. Comme si le plus beau voyage n'était pas celui que l'esprit invente quand il rêve d'impossibles lointains.

Le plus beau voyage est celui que l'on imagine idéalement loin des contingences et lourdeur du réel où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté.

Pourquoi vouloir voyager toujours plus et toujours plus loin ?

Toutes les villes finissent par se ressembler. On va d'aéroport en aéroport comme des mendiants vont de stations de métro en stations de métro, accablés par cette lourdeur de vivre.

On ne va jamais nulle part, on emmène avec soi ses blessures, ses chagrins. Les cieux de là-bas sont les cieux d'ici. Et fin ne se passe jamais sous le soleil que la révision de jours dont les heures nous étranglent pour mieux nous précipiter vers la fin des mondes.

Si au moins on partait pour ne jamais revenir, mais non, un beau matin, les valises nous attendent dans le corridor de l'hôtel.
Elles ont cet air rigide des personnes insatisfaites de nature et quand on s'en empare, elles sont si lourdes de regrets qu'on aimerait les laisser là, s'en aller, disparaître pour de bon et s'enfoncer à tout jamais dans la brume de ses souvenirs.

Quel est le voyage d'une vie ?

Il est peut-être dans la construction et le souvenirs des voyages effectués. Voir et revoir des photos, raconter et expliquer ses aventures permet de voyager à nouveau. Mais en transmettant ces récits, on prend le risque de déformer, d'imaginer ou d'enjoliver la réalité.

Le rêve est-il le voyage d'une vie ? En rêvant éveillé, l'imagination se perd jusque sur la lune et nous aussi. Ce voyage imaginaire permet de lâcher prise.

L'esprit lui-même est le voyage d'une vie, c'est un perpétuel voyage, en déplacement sur lui-même. Ce voyage permet, en se connaissant mieux, de se changer, il s'agit d'une introspection.

Se plonger dans certaines histoires c'est se hasarder et errer dans les temps qui ne sont pas nôtres. On ne peut nier que ce vagabondage dans le temps constitue une merveilleuse et instructive manière de sortir de soi pour aller à la rencontre d'autrui.

Parfois l'immobilité du corps se compense par des vagabondages de l'esprit et de la plume à travers des souvenirs, des réflexions ou encore des expériences.

Le décentrement produit en son être une modification imperceptible qui pourra s'avérer éphémère et superficielle ou, au contraire, durable et profonde.

Le corps immobile. L'esprit considérablement dilaté.

Le voyage d'une vie c'est celui qu'on créer à l'intérieur de soi, un univers dans lequel on pourra se rendre à chaque fois qu'on en ressent le besoin. Parce que ce voyage est plus beau que tous les voyages qu'on fera au bout du monde sans jamais trouver sa place.

L'amertume de ma plume Où les histoires vivent. Découvrez maintenant