Chapitre 4 - Menaces

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- Tu tiendras le rythme ?

- Vous ne me connaissez pas, rétorquai-je en franchissant la porte.

Jason Tale, l'un des chanteurs les plus en vogue du moment, dont bien des filles donneraient tout ce qu'elles avaient rien que pour quelques secondes avec lui, s'élança en courant dans l'allée. Je vérifiai mon apparence - cheveux plaqués, baskets aux pieds et pistolet à la ceinture. J'avais enlevé ma chemise et enfilé un tee-shirt plus adapté au sport. Plus que jamais, on voyait mes bras qui, bien que très musclés pour une femme, semblaient trop frêles pour ceux d'un homme.

J'emboitai le pas à Jason en trottinant et revint à son niveau. Il courait à un bon rythme, soufflant avec régularité, le regard droit devant lui. Les muscles de son dos nu étaient plus visibles que jamais, attirant inlassablement mon regard. Quand il m'avait dit faire un jogging tous les matins, je n'avais pas vraiment été surprise. On entretient pas un corps comme le sien en restant assis toute la journée sur le canapé à fumer. Et, heureusement pour moi, mes cinq années à l'armée m'avaient apprises à être endurante. Après les parcours que j'avais fais - courir, sauter, grimper, escalader et recommencer-, un jogging dans un quartier de riche était une simple ballade de routine.

La route était parfaitement entretenue et nous pouvions nous permettre de nous mettre en plein milieu, ne croisant que peu de voitures. Nous courûmes devant un nombre incalculable de villas toutes plus grandioses que la précédente, dans un silence juste brisé par le bruits de nos pas sur le bitume et le son des vagues. La route semblait faire une boucle qui nous ramenait jusqu'à la maison de Jason. La moitié du trajet se passa sans un mot puis, subitement, il demanda :

- Tu sais pourquoi je t'ai embauché ?

Je lui jetai un rapide coup d'oeil. Son visage était légèrement rouge, ses cheveux décoiffés et légèrement humides mais ses yeux étaient pétillants. Je me concentrai sur le chemin en m'efforçant de ne pas loucher sur son torse nu.

- Pour tenir tête à votre père ?

- Pour ta répartie, rétorqua t-il sans me regarder. Je suis ton patron, et tu oses quand même me répondre. Peu de gardes le font.

- Les gardes du corps ne sont pas sensés parler, mais obéir.

Nous courions toujours, nos phrases entrecoupées par nos souffles saccadés. Il m'adressa un petit regard et arqua un sourcil.

- Tu parles, toi.

- Tout le monde à ses défauts.

Je me concentrai sur le chemin pour ne pas avoir à croiser son regard de braise. Oui, je parlais, et peut-être même un peu trop. Du coin de l'œil, j'observai tout le quartier, chaque maison, chaque voiture, chaque voisin que nous croisions. J'enregistrai tout dans un coin de mon cerveau.

- T'as l'air d'être un mec bien, reprit-il.

Un mec bien ? Je ne crois pas, non. Je ne répondis rien et, subitement, il s'arrêta. Je crus pendant un instant qu'il était trop fatigué pour continuer mais je vis assez vite sur son visage que ça n'avait rien à voir. Je m'immobilisai à mon tour, coulant vers lui un regard interrogateur. Il me fixa longuement.

- Ce n'est pas mon cas, finit-il par lâcher. Je suis même tout le contraire de "bien", tu t'en rendras vite compte. Je suis un salaud. Et tu sais quoi ? J'adore ça. Alors si tu t'avises d'essayer de me contrôler, de moucharder auprès de mon père ou de me faire des leçons de morales, je te vire et je m'assurerais que tu ne trouves plus jamais le moindre emploi de ce genre. Je suis clair ?

Je le fixai en silence, la mâchoire serrée. Oui, pour être un salaud, il en était un. Il savait que j'allais voir son père. Il savait que j'étais du genre à trop parler. Bien que sacrément égocentrique, il n'était pas aveugle. Et il avait mené cette discussion dans l'unique but d'en arriver là. Je pinçai les lèvres.

Aegis - Protection RapprochéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant