Chute libre

Chapitre 42 : Le présent

Drago ne s'était pas rendormi. Il fixait la peinture blanche du plafond depuis environ deux heures. Il avait l'impression qu'il se noyait dans le tumulte de ses réflexions, il ne savait plus ce qu'il devait penser.

Il avait longtemps rêvé de cette nuit avec Hermione, à vrai dire, il pensait qu'elle n'arriverait peut-être jamais. Il était heureux, mais ce bonheur avait un arrière-goût. L'amertume de la culpabilité emplissait ses sens. Avait-il fait le bon choix en cédant à la demande d'Hermione ? Cette question le taraudait, il avait vu que quelque chose n'allait pas, qu'Hermione était perturbée, au bord de l'effondrement. Aurait-il dû l'empêcher de continuer de faire ce qu'il désirait si ardemment ? Il ne savait pas quoi penser et cela le rendait fou. Tous se mélangeaient et s'entrechoquaient dans son esprit.

Hermione lui avait dit qu'elle avait retrouvé la mémoire. Comment allait-elle gérer ce retour brutal à la réalité ? Allait-elle sombrer dans une dépression si profonde qu'il serait impossible pour elle de vivre normalement ? Devait-il lui donner la lettre que Blaise lui avait confié ? Ces questions se bousculaient tellement dans sa tête qu'il sentait qu'une migraine commençait à pointer le bout de son nez. Son cœur battait dans ses tempes, et le simple fait de réfléchir lui provoquait une douleur sourde, comme si son cerveau subissait des contractions.

Il sentit la jeune femme à ses côtés se tourner. Elle avait l'air paisible et Drago se remercia d'avoir pensé à préparer des potions de sommeil. Hermione en aura besoin pour gérer cette charge mentale considérable. Il s'extirpa doucement des draps pour aller prendre l'air et s'aérer un peu l'esprit.

Il attrapa sa robe de chambre et erra dans les couloirs du manoir. Il avait la sensation que la vieille bâtisse essayait parfois de lui murmurer des choses, elle qui avait abrité et vu tant d'horreurs. Il avait la sensation qu'elle le suppliait de la laisser s'en aller, de la laisser vivre un peu en paix. Drago ne s'était pas rendu compte qu'il s'était dirigé naturellement en direction du bureau de son père.

Il entra dans la pièce et se dirigea vers le bar. Il sortit un verre et fit couler le liquide ambré à mi-hauteur. Il s'installa dans l'un des canapés et laissa son corps s'enfoncer dans le cuir moelleux. Il bu une grande gorgée de whisky, bascula sa tête en arrière et ferma les yeux. Il savait pertinemment que l'alcool ne serait pas la solution à ses problèmes, mais le whisky lui brouillerait quelque peu l'esprit et cela lui permettrait de souffler un peu avant d'affronter la réalité.

Une larme coula le long de la joue de Drago pour finir dans la commissure de ses lèvres. Hermione et lui n'étaient encore que des adolescents, à l'aube de leur vie d'adulte et pourtant, ils avaient tant de choses à gérer. Ils n'avaient pas pu profiter de l'innocence qui berçait les esprits des plus jeunes. On les avait plongés dans une guerre qu'ils subissaient jour après jour, les obligeant à mûrir avant l'heure.

Qiro entra dans la pièce et Drago se redressa en posant son verre presque vide sur la table basse.

"Je suis navré maître, je ne savais pas que vous vous trouviez en ces lieux, je repasserai faire le ménage plus tard." Lui adressa Qiro en se recroquevillant.

"Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te faire de mal." Lui répondit Drago. "Tu tombes bien d'ailleurs, assieds toi un instant s'il te plaît."

Qiro le regarda avec méfiance, mais ne voulant pas désobéir à son maître, il s'exécuta. Drago se leva et farfouilla dans un placard. Il attrapa un vêtement et retourna s'asseoir.

"Qiro, je pense qu'Hermione et moi allons partir d'ici rapidement. Je tenais à faire une chose avant de quitter les lieux." Lui dit Drago en le regardant comme s'il était son égal. Il prit le vêtement et le tendit à Qiro. "Je te libère de la famille Malfoy." Enchaîna-t-il en lui adressant un sourire.

Qiro le regarda, il était complètement abasourdi par la nouvelle qu'il venait d'entendre. Il accepta le t-shirt que Drago lui tendait, assimilant peu à peu ce que cela représentait pour lui. Une vague de terreur s'empara de lui, qu'allait il devenir ? Un elfe libre en ces temps sombres, ça ne courait pas les rues.

Drago, voyant le regard de l'elfe s'emplir de panique, ajouta, "si tu le désires, tu peux rester au manoir. Une propriété pareille, c'est de l'entretien et tu pourras t'occuper de ça tout en logeant ci."

Qiro leva son regard du t-shirt blanc, il n'avait jamais rien possédé d'aussi beau, pour être honnête, il n'avait jamais rien possédé du tout. Il regarda son ancien maître droit dans les yeux, sa vision se brouillant à cause de larmes. "Je ne sais quoi vous répondre Maî... Monsieur Malfoy, merci, merci pour tout." Offrit Qiro, il reprit une bouffée d'air, "Je resterai loyal en veillant sur les lieux, c'est un véritable privilège." Conclut Qiro en joignant ses mains.

Drago lui adressa un sourire sincère, et les yeux de Qiro se baissèrent sur le verre de whisky posé sur la table. "Monsieur, désire-t-il une tasse de thé ?" Lui demanda Qiro. 

"Volontiers, prends toi aussi une tasse." Lui répondit Drago.

Qiro quitta la pièce sans magie, sans doute trop chamboulé pour pouvoir transplaner. L'amertume dans la bouche de Drago revint de plus belle. Il avait la sensation de ne pas en faire assez avec l'elfe qu'il avait traité comme un moins-que-rien durant des années. Il s'était promis de devenir quelqu'un de meilleur, mais le chemin allait être long. Il avait tant fait souffrir les personnes se trouvant dans son entourage. Le visage de sa mère imprégna sa mémoire et l'estomac de Drago se tordit.

Qiro apparut dans la pièce au même moment, posant le plateau sur la table. Il prit place à nouveau dans le canapé, serrant son bien contre lui, les yeux humides.

"Je suis désolé Qiro, sincèrement. Je n'avais pas le droit de te faire subir tout ça, je t'ai traité comme un moins..." Les mains de Drago tremblaient légèrement et Qiro posa ses mains abîmées sur les siennes.

"Monsieur, j'ai compris, il y a bien longtemps que vous n'aviez pas choisi votre vie. Votre éducation et les valeurs qui vous ont été inculquées vous ont conduit sur un sinistre chemin. Malgré tout, je vous ai vu vous remettre en question en grandissant." Drago releva la tête pour regarder l'être qui se trouvait devant lui. "Et puis un jour Mademoiselle est arrivée, j'ai vu que cela a provoqué un véritable bouleversement chez vous. Elle vous a changé Monsieur, et aujourd'hui elle a besoin de vous plus que jamais." Lui dit Qiro doucement.

Les paroles de l'elfe résonnaient dans le crâne de Drago, il ne s'était pas douté que Qiro était empli d'autant de sagesse. Ils burent leurs tasses de thé dans un silence apaisant et Qiro se dirigea vers la porte pour prendre congé, il se tourna vers Drago.

"Reviendrez-vous me voir un jour avec Mademoiselle ?" Lui adressa-t-il.

Drago le regarda avec un sourire, "bien sûr, ce sera avec grand plaisir."

L'elfe essuya une larme avec son index et passa la porte.

Drago passa ses mains dans ses cheveux, sa migraine s'était calmée. Il reprit ses pensées là où il les avait laissées. Le visage de sa mère se dessinait à nouveau dans son esprit. Elle n'avait pas été parfaite, mais elle lui avait donné autant d'amour qu'elle avait pu. Cette affection qu'elle devait taire en société.

Il repensa à son dernier jour sur terre, c'était le lendemain de la bataille à Poudlard, le manoir était plongé dans un silence religieux. Tout était arrivé très vite, Voldemort en personne avec deux partisans avaient débarqué dans le salon alors qu'ils prenaient le petit-déjeuner en famille.

Il avait accusé Narcissa de lui avoir menti en ce qui concernait Potter, qu'à cause d'elle, la bataille aurait pu prendre une tout autre tournure. Drago avait été surpris par l'aplomb de sa mère, elle n'avait pas l'air d'avoir peur. Il avait le sentiment qu'elle savait pourquoi Voldemort était venu, et qu'elle acceptait la sentence que son acte allait lui coûter. 

Il avait vu son père piétiner le peu de fierté qu'il lui restait pour implorer son maître à genoux, lui demandant d'épargner celle qu'il aimait. Il avait dit qu'elle était bouleversée parce qu'elle ignorait si son fils était en vie, mais Voldemort n'avait rien voulu entendre. Drago avait amorcé un geste en direction de sa baguette, mais sa mère lui avait attrapé le bras et il s'était stoppé net.

Il avait détendu son bras et il avait pris la main de sa mère dans la sienne, les cachant sous la table. Il avait senti sa prise se relâcher quand le sort de Voldemort l'avait touché en pleine poitrine. Une rage profonde s'était emparée de lui, mais il n'avait rien laissé transparaître.

Voldemort avait ajouté "Que cela vous serve de leçon." Et dans un mouvement de cape, il était parti. Lucius ne s'était pas relevé, il était resté sanglotant à même le sol froid. Drago lui, n'avait pas encore lâché la main de sa mère, il ne voulait pas croire que la seule personne au monde qui l'aimait venait de mourir.

Drago sortit de ses pensées quand il entendit le bruit de la douche, Hermione devait s'être réveillée. Il se reprit en se disant que son esprit ne devait être focalisé que sur elle pour l'instant. Il partit à son tour en direction de sa salle d'eau pour se préparer à aller prendre le café avec Hermione Granger.