Chapitre 8

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Lizzie était en train de chanter « L'arbre du Pendu » aux garçons perdus. Cette chanson qui me rappelait tant de souvenirs. J'ai comme... l'impression d'avoir perdu mon nom, mon identité, mon cher moi... ma Lizzie.

C'est vrai, il a dû se passer tant de choses en trente ans. Et moi je n'étais pas là pour les vivre. Et un autre a pris ma place. Elle a refait sa vie, et moi j'essaye de reprendre la mienne, en chamboulant la sienne. Je ne sais plus me battre, je ne sais plus voler, je ne sais plus pousser mon cri. Qui je suis si je ne suis plus Peter Pan ?! Je suis devenu un orphelin sans passé, sans famille... sans amour. Où est passé Peter Pan ?! Ce n'est pas moi. Jamais Peter Pan ne se lamenterait sur son sort, assis seul dans son lit la tête entre les mains.

Alors que j'envisageais de partir, retourner dans l'autre monde une bonne fois pour toute, du mouvement se fit sur ma droite. Je tournai la tête mais ne vis rien, si ce n'est mon ombre.

Je ne peux pas abandonner Lizzie, pas une deuxième fois. Et cette fois ce serait vraiment l'abandonner. Mais a-t-elle vraiment besoin de moi ?! Elle a Rufio maintenant, et tous ses enfants perdus.

Mon ombre se leva soudainement, comme si ce que je pensais ne lui plaisait pas. Mon ombre... Mon ombre !! J'avais complètement oublié qu'elle n'en faisait qu'à sa tête. Elle me fit signe de la suivre et partie sans m'attendre. Je me levai en quatrième vitesse et lui courus après. Elle traversa presque toutes l'ile et moi je la suivais en courant à travers la jungle. Elle finit par enfin s'arrêter et je m'écroulai complètement épuiser. Je suis sûre que j'ai perdu un poumon en chemin.

Je levai la tête et reconnu immédiatement la clairière dans laquelle j'avais passé toute ma vie. Un arbre noir et mort se dressait en plein milieu. Je m'avançai vers lui et tirai la liane qui pendait devant le tronc. Une porte s'ouvrit et je me laissai glisser le long du tobogans pour finalement arriver dans la pièce principale. Elle était beaucoup moins carbonisée que l'extérieur mais elle restait en ruine. Une grande table s'y trouvait encore avec, à ses deux extrémités, deux grandes chaises. La mienne et celle de Lizzie. Les quelques champions géants qui nous servaient de fauteuils étaient pourris, l'arbre imaginaire qui, chaque jour, essayait de pousser au centre de la pièce, et que chaque jour on devait scier, avait fini par gagner cette bataille et se tenait fier, me narguant de toute sa hauteur.

Je passai mes doigts sur les couchettes suspendus des garçons. Les jumeaux dormaient l'un sur l'autre, Bonzigue, juste au-dessus d'eux, Le Frisé et La Plume dormaient chacun dans une niche creusée à même le bois, et La Guigne sur une grosse racine. J'entrais dans ma chambre et celle d'Elizabeth. Avant, elle était fermée par un grand drap blanc, mais maintenant ce n'est plus qu'un lambeau noir.

Je m'assis sur notre lit et observai la pièce. Tout était brulé mais j'arrivais à reconnaitre la table sur laquelle on posait nos couteaux chaque nuit, ou bien les petites étagères sur lesquelles on mettait nos petits trésors. La lueur de la lune se refléta sur un objet caché sous la table. Je m'approchais et découvrit la dague que je lui avais offert et qu'elle ne quittait jamais. Il était en parfaite état, bien que recouvert de suit.

Je partie au point d'eau le plus proche et nettoyai la lame. Lorsqu'elle fut propre, je pu voir mon reflet dessus. Il me renvoyait le reflet d'un garçon. Non... D'un jeune homme. Qui a passé trop de temps dans l'autre monde. Je pensais que l'étincelle de mon regard c'était rallumée depuis mon retour, mais le vert de mes yeux était éteint. Ma bouche d'habitude rieuse, était tournée dans le mauvais sens. Un jeune homme simple, commun, sans pensée heureuse. Un jeune homme qui ne peut plus voler.

Mais cette dague, elle peut-être le salut de ma Lizzie ! Je partie vers le campement à toute vitesse. Il faisait sombre et calme. Tout le monde dormait. Je montai dans la cabane d'Elizabeth, qui est la seule à être une VRAIE cabane -c'est vrai qu'en tant que fille, elle a droit à avoir son intimité. Je l'ouvris sans même toquer. La belle brune était allongée dans son lit, les yeux clos et la respiration calme et régulière. Je m'approchai, remontai le drap sur ses épaules, soufflai la bougie et quittai la chambre.

~

-Peter debout réveille-toi c'est aujourd'hui c'est aujourd'hui !!! Le combat contre Crochet et tu vas le massacrer !!!! hurlait La Puce en sautant sur mon lit.

-Oui oui, mais si tu continues de sauter comme ça tu vas finir par me casser une jambe. Et là je ne pourrais pas le battre.

Il descendit et sortie de ma cabane en hurlant dans tout le campement. Je sortie de ma cabane et descendis rejoindre les autres. Ils se tenaient tous devant moi, Elizabeth en première ligne les bras croisés.

-Tu es prêt Peter ?! demanda-t-elle.

-Oui.

-Le combat aura lieu quand le soleil sera au zénith, m'apprit Clochette. Tu dois t'entrainer.

-Non, avant un combat on doit être seul, réfléchir. Rejoins-nous une heure avant le début de la bataille, la contredit Elizabeth.

Ils se dispersèrent tous, chacun vacant à une occupation. Lizzie s'approcha de moi et j'en profitais pour lui donner son poignard. Elle le prit dans ses mains et sourit. Je ne lui laissai pas le temps de parler que je quittai le campement. Je retournai à l'arbre et m'assis sur mon ancien siège de chef.

Sur le même siège, le sourire aux lèvres, j'écoutai Lizzie chanter pour les garçons perdus. Ça leur arrivait de temps en temps, qu'ils demandent une chanson avant d'aller dormir. Sa voix était si belle. Aussi magnifique que la jeune fille. Lorsqu'elle chantait, elle avait le pouvoir de tous nous calmer, nous, alors que nous sommes constamment plein d'énergie. Lorsqu'elle chantait, le silence se faisait enfin dans la clairière du pendu. Même les animaux ne faisaient plus aucun bruit, et son chant raisonnait parfois dans toute la forêt imaginaire.

Les garçons la regardaient attentivement, avalant chacune de ses notes. Moi, je baissai le regard vers la plume avec laquelle je jouais distraitement depuis qu'elle avait commencé. Cette plume était tombée de sa chevelure. Elle aimait bien y accrocher quelques plumes colorées, comme les indiens. Cela contrastait avec le blanc de sa robe. Enfin, blanc, parfois gris, voir noir. On ne fait pas vraiment attention à notre apparence quand on joue. On préfère s'amuser, sans se soucier de rien, quitte à nettoyer après.

Sans que je ne l'aie vu venir, sa chanson s'arrêta, plongeant l'Arbre dans un silence qu'il est rare d'entendre. Les Jumeaux dormaient déjà, Bonzigue n'était pas très loin de ronfler, et les trois autres souriaient paisiblement. La fille perdue leur fit un signe de la main, et partie vers notre chambre. J'avais suivi des yeux toute sa traversée de la pièce, ce qui l'a fait sourire, tournant son regard vers moi, avant qu'elle ne disparaisse derrière le drap blanc.

Sans attente une seconde de plus, je souhaitai bonne nuit aux garçons, et partie dans ma chambre. La brune était en train de retirer une à une les plumes qui décoraient ses cheveux. Sans la lâcher du regard, je m'assis sur notre lit, l'observant faire. Le temps s'arrêtait lorsqu'il n'y avait que nous. Je sais, je vis sur une île où le temps ne tourne pas vraiment, mais vous avez tous comprit ce que je voulais dire.

-Pourquoi tu me regardes comme ça ? fini par demander la jeune fille.

-J'aime bien quand tu te coiffe comme ça. C'est joli. Et c'est joyeux.

-C'est pour ça que je mets plein de couleur. Ça apporte un peu de gaité à ses cheveux tout sombre.

Elle ria doucement, faisant un tour sur elle-même. Puis elle passa une main dans ses cheveux maintenant libre. Elle finit par enfin venir s'assoir près de moi et empoigna sa dague, ce que je fis. Nos lames s'entrechoquèrent légèrement, d'un côté, puis de l'autre, avant qu'on ne les pose, comme chaque soir, sur la petite table au pied de notre lit. Et enfin, assis côte à côté, on se laissa tomber en arrière, atterrissant sur nos oreillers. Et c'est ainsi, l'un en face de l'autre qu'on s'endormi.

Je n'ai jamais voulu t'abandonner.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant