Un début d'au revoir

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J'attachais ma longue chevelure en une tresse rapide. Depuis que j'avais cette mission, il ne m'était plus désagréable de les avoir lâchés pendant des jours et je ne les lavais et coiffais même plus. Après tout, ce n'était même pas des vrais cheveux. Mais en ce jour, j'étais heureuse et j'avais eu envie de me les arranger.

Ollie venait de finir sa matinée à la maison de retraite et rentrait chez elle. Moi, je me situais dans sa chambre, calme et dont les rayons du soleil transperçaient les rideaux rayés aux couleurs pales. Il y avait une ambiance de renouveau et de changement à venir.

J'étais heureuse depuis que j'avais retrouvé ma protégée. Elle avait réussi sans moi à continuer sur cette lancée, ce qui me permettait d'être au summum de mon bien-être. Bientôt, elle allait prendre une décision qui allait changer sa vie, et je croisais les doigts pour que rien ne l'entrave. Une fois que j'eu placé mon élastique de façon à ce que ma tresse tienne, je me regardais dans le miroir. J'avais pris l'habitude d'arrêter, puisque je n'y voyais plus l'intérêt, néanmoins je pouvais faire une exception aujourd'hui.

S'y reflétait dedans mon teint légèrement orangé par mes taches de rousseur. Des petits cheveux rebelles qui ne voulaient pas se coincer dans ma coiffure me créaient une crinière autour de mon visage. Ce que je reconnaissais le moins était mes yeux gris puisqu'ils avaient perdu de leur intensité mais s'étaient révélés être plus profonds et signifiants. Je passais mon pouce sur le contour de mon front, sentant le contact avec mon visage et ma main que j'avais matérialisé. Je ne restais pas longtemps et disparut, voyant s'effacer mon reflet du miroir.

Ils pouvaient voir ce que je faisais et était au courant quand je me matérialisais, si bien que juste avant, j'avais envoyé un mot grâce à ma bille pour les prévenir. Mot qui allait sans doute être inutile puisqu'ils pouvaient savoir en un quart de seconde ce qu'il se passait aux alentours.

Ollie ouvrit la porte de sa chambre et se laissa tomber sur le lit. Elle sortit de la poche de sa veste la photo que lui avait donné mon frère. Je souris à son souvenir. Comme je me rappelais de cette journée d'été où Nicole avait été insupportable et où Elie et moi l'avions emmenée courir dans les champs et faire la connaissance de nos cousins. Elle la contempla un bref instant puis se leva et alla l'accrocher sur le bord d'un cadre. Mon post-it s'y trouvait à l'intérieur et lorsque j'avais découvert cette initiative, mon cœur avait fondu pour ce petit être.

J'étais ainsi décidée à ne jamais avoir de remord sur l'action que j'avais posé, parce-que cette fille méritait de vivre sa plus belle vie.

- Merci, murmura-t-elle dans le vide, sans doute à mon intention.

C'est bon, je mourais d'amour pour elle.

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Les partiels venaient de se terminer et Ollie prenait enfin l'air, après une journée enfermée dans la salle d'examens. Comme à son habitude, elle ne réfléchit pas à ce qui venait de se dérouler, mais plutôt au projet auquel elle pensait depuis un mois entier.

Depuis qu'elle avait été dans cette maison de retraite et qu'Elie lui avait dit de se faire confiance, elle avait planifié son escapade. Trente jours ne suffisaient clairement pas mais elle ne cherchait pas à ce que toutes les dates soit réglées comme des horloges.

Elle partirait début juillet pour un an au moins. A l'heure actuelle, la jeune fille n'en avait pas parlé à sa famille mais comptait le faire dans les prochaines semaines. Seul Ales était au courant ainsi que Gabin. Lou et Aline le serait ce soir. Elle avait encore des doutes quant au voyage et essayait tant bien que mal de les effacer.

Les résultats ne l'importaient plus trop puisqu'elle allait quitter l'université. Ollie s'était interdit de penser à ce qu'elle ferait lorsqu'elle rentrerait puisque tout aurait changé. Le sac de cours posé dans sa chambre, sur le pied du bureau, elle s'y attarda un peu et pensa qu'un retour en arrière était encore possible. Mais sa tête se pencha instinctivement vers le cadre où le post-it et la photo étaient accrochés et se dit que si retour en arrière elle faisait, elle allait le regretter toute sa vie.

Sur son bureau était installé un globe et une pile de plusieurs livres sur les pays. Elle commencerait par l'Europe en un mois puis partirait en Amérique du nord. Lorsque le temps se gâterait elle descendrait dans l'hémisphère sud puis passerait pas l'Australie. Elle remonterait par l'Asie et pour finir, fréquenterait les grands froids. Ses économies qu'elle gardait depuis plus de cinq ans, au cas-où, étaient sa principale source de financement. Elle ne partirait pas chargée ni voyagerait dans des transports de luxe. Puisqu'elle était étudiante, elle bénéficiait d'un prix avantageux pour l'Europe. Elle avait choisi cette destination en premier lieu parce-qu'elle avait trouvé une expédition pour les jeunes que proposait une compagnie ferroviaire.

Une bonne mise en bouche de ce qui l'attendait, quand après elle serait seule à diriger. Revigorée face au projet, elle arbora le repas du soir avec tranquillité. A ses côtés, les deux colocataires discutaient des vacances qu'elles prévoyaient de faire et furent surprise du peu de plans qu'elles avaient.

Ollie se lança :

- Je reviendrais pas à l'université l'année prochaine.

Les deux filles coupèrent court à leur discussion et la regardèrent, éberluées.

- J'ai prévu de partir pour un an au moins faire le tour du monde, précisa-t-elle en continuant de manger calmement.

Ses amies avaient laissé tomber la fourchette et prirent un peu de temps pour se regarder et comprendre.

- Je... Et tu nous le dis que maintenant, alors que ça fait depuis un mois que tu te trimballes avec des bouquins de voyage, rétorqua Aline.

Elle eut un sourire en coin et la jeune femme le remarqua. Lorsqu'elle croisa le regard de Lou, celle-ci lui confirma la phrase d'Aline.

- On se doutais que quelque chose se trimait mais tu aurais pu nous en parler plus tôt pour qu'on t'aide.

Ollie rigola, contente qu'elles ne le prennent pas mal :

- Je ne pars pas tout de suite mais c'est vrai j'aurais encore besoin de votre aide.

L'annonce du côté de sa famille se fit plus en douceur mais fut moins bien reçue. Les parents craignaient que seule, leur fille ait des problèmes. Cette dernière essaya de les rassurer, leur disant qu'elle partait en Europe avec un tas d'autres jeunes et qu'elle avait essentiellement besoin de ce regain d'aventures. Ils y concédèrent à contrecœur à la fin de la soirée et lui rajoutèrent une liste de choses à emporter, pour qu'elle puisse les contacter à tout instant et ne court aucun danger.

Ales, qui était venu avec Tabata, rigola à la vue de sa petite sœur qui n'en avait pas démordu. Lorsque fut l'heure pour Ollie de rentrer chez elle, sa mère la prit à part :

- Je veux que tu acceptes ce que je vais te remettre. C'est une étape importante pour ta vie, ma fille, et je veux que tu en profites à fond. Même si on est réticent, ton père et moi, sache que nous sommes très fiers que tu suives tes envies et tes rêves.

La dame, qui ne ressemblait en zéro point à sa fille, remit en place des mèches de ses cheveux blonds et sortit de sa poche une enveloppe. Elle attrapa la main d'Ollie et la lui remit.

- Merci maman, dit-elle en l'attirant vers elle.

Comme elle aimait bien le faire, elle cala son menton sur l'épaule de sa mère adoptive et la serra fort.

Son père aussi lui remit un petit porte-clefs, qui lui avait donné espoir et lui avait servi comme porte bonheur. Ce n'était pas des adieux, puisqu'elle ne comptait pas partir avant trois semaines, mais c'était un début d'au revoir.

La poursuite d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant