Considérer

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Il était midi, du moins c'est ce qu'elle croyait avoir entendu au clocher de l'église. C'était le premier jour de ses vacances de Noël, elle allait retrouver sa famille dans pas longtemps et ils allaient fêter dignement cette fin d'année.

Pourtant, à ce moment précis, elle n'était qu'une larve dans un cocon. Ses joues avaient avec cela le reste de ses larmes séchées de la nuit. Elle ne voulait plus y penser. Les séances d'examen étaient passées mais persistait ce sentiment d'impuissance et un autre, qu'elle n'arrivait point à nommer. Elle voulait s'enfuir le plus loin possible, au pôle nord, loin de toutes civilisations humaines.

Tout était de sa faute, et les mesures qu'elle avait prise la semaine dernière, lui paraissait à présent vaines.

Elle fixait le plafond de ses yeux globuleux, parfaitement réveillés. Elle n'avait même pas la force de tourner la tête vers son réveil, le mental était à sec. Il avait épuisé toutes ses ressources à s'acharner sur elle, lui montrant le peu de chances qu'elle avait de valider sa deuxième année et qu'elle n'était pas faite pour ces études et pour aucune autre d'ailleurs. Que dans tous les cas, elle n'arriverait à rien si ce n'est pleurer et se lamenter sur elle-même.

Aujourd'hui, son mental n'avait même plus la force de l'accabler. Par contre, son ventre en avait lui, pour lui indiquer que c'était l'heure de le nourrir. Sans entrain elle se leva et ouvrit les volets. Devant elle, la ville était déjà en pleine ébullition cherchant les derniers cadeaux de Noël. Le ciel était d'un bleu hivernal, sans aucun nuage. Le soleil éclairait tout.

- Pas un jour à avoir le moral dans les chaussettes, marmonna-t-elle avant de tourner le dos à la fenêtre.

Elle traina des pieds jusqu'au salon. Personne n'était là. Le mot sur la table lui était destiné :

« Salut la marmotte, tu mangeras seule ce midi, ton petit-déjeuner ou ton déjeuner, sa dépendra de l'heure de ta fin d'hibernation. On passe notre journée aux cadeaux de Noël.

Ps : Tu n'as pas joué ta vie aux partiels, prendre du recul sur la situation, sors un peu aujourd'hui quand même. Aline et Lou. »

- Oui, mamans, marmonna encore Ollie, un léger sourire sur son visage.

C'était sa journée off, sa journée canapé télé. Elle mangea une pizza congelée devant des téléfilms de cette saison et cela lui remonta un peu le moral. C'était un peu trop romantique et du tout vu, mais elle rigola et critiqua ouvertement, ce qui lui permit d'extérioriser.

Vers 17h30 tout de même, elle se força à aller faire un tour en ville, la nuit étant tombée, les décorations allaient s'allumer et elle aimait voir cette magie du moment.

Emmitouflée dans un gros manteau et une écharpe, elle fit le tour des plus beaux lieux de la ville, regardant les passants apprêtés de pleins de sacs de boutique et des enfants heureux d'avoir eu une gaufre ou d'avoir pu rencontrer le père Noël.

A cet instant précis, elle se rendit compte de la beauté de la vie. En voyant tous les types d'humains, de tous les âges, de toutes les nationalités, la beauté lui sembler obligatoirement passer par la différence. Chaque personne dans les rues avait sa propre vie, ses propres problèmes, ses propres personnes à aimer et à détester. Ils avaient aussi leurs propres rêves, ambitions, métiers et tout cela.

Elle rentra chez elle frigorifiée mais plus en forme que le matin même. Relativiser. C'était un bon moyen que de se rendre compte que finalement nos problèmes sont un peu insignifiants par rapport au monde. Qu'il y a tellement d'autres choses sur lesquelles se focaliser que de rester bloquer sur quelque chose que l'on ne peut absolument plus contrôler.

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- C'est bon, celle-là c'est ma dernière, lança Ollie avant de s'affaler de tout son être sur le canapé, une bière en main.

Je la regardais boire avec ses amis depuis un peu de temps déjà et ils étaient tous bien amochés. Il y avait des gens que je ne connaissais pas mais lorsqu'elle leur parlait, j'avais bien évidemment accès à leurs informations personnelles.

Ils étaient une petite dizaine en tout, dont parmi eux, Lou Aline et Mathieu, puis aussi les jumeaux du repas. Ollie semblait s'amuser et l'objectif premier, qui était de la détourner du sujet des examens, était complétement réussi.

Je restais avec eux parce que cela m'amuser de voir une fête de jeunes en 2020. A mon époque, cela ne se passait pas du tout comme ça. On dansait des valses, des slows, du jazz. Et on avait de longues jupes ou robes. Ici, c'était un peu une soirée improvisée, et il y avait quand même une bonne atmosphère. Lorsque la musique se finissait et avant que l'autre ne se lance, dans cet instant de silence, on entendait le vomissement d'un prénommé Tim. J'avais été voir, ce n'était pas plaisant à regarder. Puis, c'était son amie Ophélie qui avait ensuite conquis les toilettes. Une charmante ambiance dans ce côté de l'appartement.

Par la suite, en même pas trente minutes, le climat avait été complètement affaibli. Ils s'étaient tous regroupés en rond, mettant la musique un peu moins fort et avaient commencé à parler et libérer leurs pensées. Je n'avais rien vu venir. J'étais donc accolée à un mur, les regardant assis en tailleur dans le salon.

Quand vint le tour d'Ollie, je savais ce qu'elle avait en tête. Les discours de ces camarades ne m'avaient pas réchauffée le cœur et je me demandais dans quel état ma protégée allait sortir de cette discussion. J'étais là pour elle, mais les autres n'avaient pas de doubles. Pourquoi toute la population n'avait-elle pas un double ? C'était une question à poser à ma petite bille. Mais pour plus tard, Ollie avait enfin trouver le courage de se lancer.

- Comment je me sens maintenant ? Perdue. Je pense que si je devais résumer ma vie en un mot, ça serait celui-ci. Je me sens tiraillée par des sentiments complétement opposés, je ne suis pas sûr de marcher vers la bonne voie. Je change à chaque instant. Une journée, je me sentirais abattue, je vais me flageller de tous les noms, puis d'un coup je me rendrais compte de la beauté de la vie et je voudrais toucher des montagnes. Qu'est-ce que je veux ? c'est la question qui tourne en boucle depuis des jours. Et ma réponse est toujours la même : je ne sais pas. J'ai même l'impression que je ne saurais jamais. Perdue au milieu de cette masse de personne qui ont l'air de savoir où elles vont, qui semblent si sûres d'elles. Perdue parmi les gens qui attendent quelque chose de moi, que j'aimerais rendre fière. Perdue à l'intérieur de moi-même aussi, car je ne me connais pas tant que ça. Je suis fatiguée de l'être. Je veux juste réaliser ma vie.

Lorsqu'elle eut terminé sa phrase, j'eu le fameux frisson froid qui me parcourra tout l'échine. Je soufflais un gros coup, encaissant ses paroles que je connaissais déjà, mais qui n'étaient jamais sorties de son esprit. Il fallait qu'on se bouge. Le ressenti de cette disposition sur sa personne, lui et me semblait insupportable. C'était comme être dans une pièce complétement dans le noir, voir des murs nous enfermer sans issue possible, alors que la porte était là, elle-même de couleur noire, et on ne pouvait pas la voir. On avait l'impression d'être bloqué.

Je ne connaissais pas la sortie, Horst l'avait dit : « tester des choses ».

Je souris. C'était le début des vacances, elle n'allait retrouver sa famille que dans une petite semaine, il y avait le temps de lui faire découvrir de belles choses.

La poursuite d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant