Liées

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Ollie était en cours de mathématiques et comme elle avait pu arriver un peu plus tôt, elle s'était retrouvée vers les premiers rangs de l'amphithéâtre. C'était lundi matin et elle voulait se motiver à suivre tous les cours, pour enfin décrocher ses partiels avec mention. Malheureusement, elle commençait déjà à ne plus suivre, malgré le fait qu'elle se concentrait sur les tableaux remplis de chiffres.

10 :00 retentit. Elle se leva d'un bond et s'étira. L'étudiante avait pourtant dormi 8 heures cette nuit mais ses paupières se fermaient sans son consentement. En entendant tout autour d'elle le vacarme de ses camarades, elle soupira. La jeune métisse rangea alors son ordinateur dans sa pochette et le glissa dans son sac à dos. Elle enfila sans entrain son manteau et fut pousser vers la sortie par des étudiants qui n'attendaient que leurs cafés.

A sa grande joie, son lundi n'était pas chargé et sa matinée venait de s'achever. Elle sortit sur le pavillon de l'université, les mains dans les poches, un bonnet kaki qu'elle avait positionné sur les oreilles. Pas grand monde n'osait s'aventurer dehors avec ce froid, mais apparemment ses deux colocs l'avaient fait. Si elles ne lui avaient pas promis un chocolat chaud gratuit après les cours, Ollie ne serait surement pas en train de descendre les marches, une fine buée sortant de sa bouche.

- T'es venue finalement, lança Lou assise sur un banc vert, les jambes en tailleur.

- Le chocolat chaud avant tout, » ironisa la jeune femme qui cala son sac entre ses mollets, « vous avez cours après ? »

- Bien évidemment, j'espère que tu vas réviser à la B.O toi ?

- Oui maman, répondit-elle à Aline, sa deuxième colocataire.

Cette dernière se décala et fit un geste de la main pour qu'Ollie puisse s'asseoir. Le contact du banc avec ses fesses la fit frissonner.

- Ce matin dans les couloirs, j'ai vu un gars pas mal, il était tout à fait ton style meuf, dit-elle en touchant le bras d'Ollie.

L'intéressée roula des yeux.

- J'ai pas de style de mec.

- D'accord, d'accord j'arrête mais tu devrais essayer de le repérer, il a un blouson orange, tu ne devrais pas le rater.

- Je prends note, répondit-elle, sans prendre grand intérêt de ce qu'elle lui disait.

Puis ses deux amies se levèrent pour rejoindre leurs classes respectives. La brune s'assoupit sur le blanc glacé et ressentit la température même sous trois couches de vêtements. Lorsqu'elle fut bien positionnée, elle sortit courageusement ses mains des poches pour enlever ses lunettes et les ranger. Puis, elle attacha le plus de ses cheveux crépus en une maigre queue de cheval. Ce n'était pas une bonne première impression, pensa-t-elle mais elles étaient gentilles. Une fois fini, elle glissa ses mains au chaud dans son manteau.

Ce gars en orange ne l'intéressait pas. La spirale infernale de l'amour tout simplement ne l'intéressait pas. Plus elle avançait dans le temps, plus elle se rendait compte qu'elle n'aimait plus grand chose. Rien ne l'animait. Sa vie n'était pas palpitante mais elle était terne. Elle allait en cours tous les matins alors qu'elle n'aimait pas ça. Elle ne connaissait pas l'amour et préférait penser que c'était par choix. En somme, elle ne vivait pas.

Ce n'était pas Ollie qui était en train de passer les jours, ce n'était qu'un corps vide.

Et ça, elle l'avait réalisé il y a quelques temps déjà, dans une de ces multiples nuits où elle pensait trop, tournait et se retournait sans parvenir à trouver le sommeil. Ces nuits où elle ne comprenait pas pourquoi elle était là, ce qu'elle devait faire. Ces nuits où elle se sentait extrêmement seule mais avait tout de même envie de tout changer.

Rien ne la faisait vibrer. Elle n'avait pas de grand rêve. Comme une coquille vide. Elle n'avait rien à offrir, aucun talent, aucun don. Un faible rire de désespoir sortit de sa bouche face à ce qu'elle se disait.

Les pensées s'arrêtèrent et après s'être flagellée, elle récupéra ses affaires et se dirigea le pas lourd vers la bibliothèque. Même si elle se contentait de s'insulter, intérieurement elle n'acceptait pas cette situation.

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Je la regardais s'en aller vers les marches, la tête baissée et les épaules rentrées. C'était mon premier jour « de travail » et j'étais juste en face de ce grand bâtiment qu'était l'université. Je portais là encore une robe blanche car c'était la couleur majoritaire des doubles. Elle m'arrivait à mi genoux et était affabulée de manches courtes bouffantes. Juste devant mes yeux, deux rangées d'arbres menées aux marches de la façade. A droite, avant les arbres et après la grille, se situait le banc sur lequel s'étaient assises les trois filles. Je ne ressentais pas le froid ni l'humidité, ce qui me faisait très plaisir.

Cependant, j'étais encore très secouée par ce que je voyais autour de moi. Revenir sur Terre et s'avoir que je n'étais plus humaine me perturbais beaucoup. Tous les étudiants marchaient et discutaient et ils ne me voyaient pas. Je ne passais jamais devant cette rue lorsque j'étais encore vivante. En fin de compte, je comprenais que je ne faisais vraiment plus attention à toutes les choses qui m'entouraient, car j'avais perdu la vue lentement.

Ce qui me perturbais aussi était les pensées d'Ollie. C'était dur ce qu'elle s'adressait à elle-même. A cet instant, je ne savais pas vraiment quoi faire, ni comment m'y prendre pour l'aider.

Avant de me lancer dans la réflexion d'un plan, je devais lui inscrire quelque chose qui me permettrait d'établir un lien avec elle. De sorte que si je m'éloignais un peu, je pouvais revenir vers elle. Je m'approchais de ces marches en béton, mes cheveux roux lâchés dans mon dos. Je sentais la bille de mon collier rebondir sur ma clavicule, je pouvais ainsi ressentir mes pas. Malgré le vent que je supposais être froid, mes cheveux restaient bien coiffés sur mes épaules. Était-il possible d'apprécier cet air, encore une fois ?

Décembre était sur ses débuts, l'ambiance de Noel avait déjà dû s'installer. Pourrais-je continuer de le fêter ?

J'emprisonnais la bille dans ma main et demandais mentalement à ressentir l'environnement. En même temps, j'avançais pour monter l'escalier. Doucement, mes cheveux se mirent à bouger, je fermai les yeux, la main close sur la bille jaune autour de mon cou. Le vent devint froid, presque glacial. J'eu envie de frissonner mais je ne pouvais pas. Ce n'était pas un vrai corps. Je souris face à toutes ses sensations que j'avais trop connues. Lorsque tout mon être franchit la porte d'entrée, j'arrêtai. J'ouvris mes paupières et souffla de contentement, c'était magique.

Mon attention se fixa ensuite sur ce que je voyais. Un hall d'où partait diffèrent couloirs et un escalier en colimaçon prenant tout le côté droit. La machine à café, rassemblant un amas de jeunes personnes se dressait dans un recoin de gauche, protégée du froid de l'extérieur. Je pris les escaliers de pierre.

Elle était à une table, dans la bibliothèque au plafond haut, des bouquins et des exercices devant elle. Penchée sur tout cela, on pourrait croire qu'elle travaillait à fond, qu'elle aimait ce qu'elle faisait. Mais, c'était à s'y tromper. Ollie n'était pas du tout dans les maths. Elle se lamentait, elle ne comprenait pas.

Cependant, la pensée qui me faisait sourire était le fait qu'elle rêvait d'autre chose, quelque part. Il restait en elle une petite parcelle d'espoir. Son taux de suicide ne diminuait pas. Cet espoir était donc ancré en elle. Elle l'avait juste étouffé.

De partout, des étagères de livres nous entouraient et une fenêtre fermée lui permettait d'avoir une belle vue sur le dehors.

Je m'approchai derrière elle. Je pourrais lui toucher la main, mais le grain de beauté qui apparaitrait serait trop visible et elle se rendrait compte de quelque chose. La nuque. J'avançai ma main tout en serrant de l'autre la bille. Il fallait vouloir cette connexion, vouloir l'aider de toutes mes forces. Je l'entendis gratter sur le papier, elle avait le cou toujours dégagé. Je la touchai donc et me dégageai presque aussitôt. Elle l'avait senti. D'un revers de bras elle chassa l'air juste là où je me trouvais il y a une seconde. Je me penchais. Le grain de beauté était apparu et une lumière jaune émanait de mon collier. Parfait.

Bonne journée Ollie, on va y arriver toutes les...» lui lançais-je avant de me faire traverser par un étudiant.

La poursuite d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant