La poursuite d'une vie

L'Immaculée

Toc. Toc.

Les coups me paraissaient étouffés tandis que j'enlevais ma main de la porte blanche. Je ne savais pas où j'étais. Je ne me rappelais de rien, mais, je me sentais bien. C'était un sentiment très étrange. Autour de moi il n'y avait rien, que du blanc et un couloir qui se prolongeait indéfiniment sur mes côtés.

Par contre, quelque chose n'était pas normal. Je baissais mon regard sur mon corps. Je ne reconnaissais pas ce que je portais, une robe droite, toute simple qui s'accordait parfaitement à l'environnement. Ce qui me tracassais était la jeunesse de mon apparence. Mes mains n'étaient creusées d'aucunes rides, mes jambes à moitié découvertes étaient lisses et ne souffraient d'aucune tache de l'âge.

Je me demandais à quoi ressemblait mon visage ? Serait-il le même qu'à mes vingt ans ? Ou étais-je totalement une autre personne ?

Je me souvenais vaguement des chaussures que j'avais aux pieds. Des Mary Jane, évidemment blanche, dont le contour entre ma peau nue et le cuir était percé de minuscules trous. J'en avais porté étant plus petite, mais leur couleur avait été rouge. Je me rappelais qu'elles brillaient sous la lumière.

Clic.

La porte venait de s'ouvrir. Je relevais mes yeux et aperçu, petit à petit, l'intérieur d'une immense pièce. Tout était aussi blanc, aussi immaculé. Je franchissais l'entrée et lorsque je posais un pied devant l'autre, je n'avais pas l'impression de marcher. L'endroit était perturbant, mais pas autant pour moi que je ne l'aurais pensé. Quand je souhaitais regarder vers les extrémités de la pièce, les murs semblaient s'échapper, fuyant sous mon regard, donnant à mes yeux comme une continuité infinie. Cependant, lorsque je n'y faisais point attention, les murs se rabattaient, finissant la pièce.

Je me retournais d'un coup au faible bruit de la porte qui venais de se claquer, me séparant du couloir. Je ne me sentais pas en danger. Tout était calme et je n'avais peur de rien. L'intérieur de la salle me faisais penser à une salle d'attente, chez un docteur. Il y avait deux petites tables basses en verre dont les pieds blancs formaient des gouttes d'eau. Elles étaient entourées de quatre fauteuils à même le sol, ressemblants à des coquilles d'œufs. Trois étaient occupés par des personnes.

Ils ne paraissaient pas m'avoir vu, alors je m'approchais lentement. A gauche, sur une des tables, une jeune fille d'environ 10 ans jouait à un jeu d'échec transparent. Je ne pouvais voir son adversaire, dont le fauteuil me tournait le dos. Sur un fauteuil à ma droite, derrière la deuxième table, une autre petite fille lisait un livre, ses jambes croisées et de longs cheveux noirs tombant sur ses épaules.

- Ne te gêne pas pour t'asseoir, le dernier t'es réservé.

Sa voix grave brisa le calme ambiant, et les deux jeunes levèrent les yeux vers moi. Je leur fis un sourire et je vis s'approcher la dernière personne. Un grand blond, qui me dépassait d'au moins une tête. Il me tendit sa main :

- Je m'appelle Horst, se présenta-t-il avec un peu d'enthousiasme.

Je ne répondis pas tout de suite, car ne me souvenant pas de mon prénom. Il n'en fit rien et je le suivis vers le dernier siège, qui se situait entre les deux petites.

- Et voici Faith et Poe.

Elles me saluèrent d'un geste de la main, visiblement contente d'avoir une nouvelle personne. Poe était la fille aux longs cheveux noirs.

- J'aime beaucoup ton visage, m'adressa la deuxième en me regardant.

Je la remerciai et finit par lui demander de décrire ce à quoi je ressemblais. La pièce n'étant pas pourvue de miroir. Étais-je une autre personne ?

- Hum... T'as les cheveux roux et ils doivent t'arriver là », elle me montrait avec sa main le haut de sa poitrine, « ensuite t'as beaucoup de taches de rousseur, plus que Poe et après t'as des yeux bleus mais terne.

Je fixai toujours la petite fille et réalisais qui j'étais. J'étais moi quand j'avais eu vingt ans. C'était mon corps, et mon visage. Énormément de questions s'empilèrent dans ma tête, mais bizarrement je n'avais aucune envie d'y répondre, comme si j'allais tout connaître bientôt.

- Et voilà » finit Faith le visage rosi.

La jeune fille ne possédait aucun cheveu sur son crâne, ni même de sourcils. Juste des yeux d'un bleu hypnotisant et de belles couleurs aux joues. Elle dégageait une bonté naturelle mais ce que je distinguais surtout était une innocence volée.

- Quand est-ce que tu es née ?

Je me tournais vers Horst, qui avait arrêté de jouer avec les pièces de l'échiquier. Il était penché, les coudes sur ses genoux.

- 1933, le 30 décembre.

- Avec Faith on est née en 1990, lança Poe tout en se levant de sa chaise.

Elle posa son magazine, remit bien ses lunettes rondes sur son nez, et s'avança vers nous.

- Est-ce que quelqu'un pourrait m'aider à bouger le fauteuil comme ça je le rapproche de vous.

Je n'eus même pas le temps de bouger qu'Horst avait déjà rejoint la jeune brune et soulevait l'assise. Lorsqu'il le déposa au sol et que Poe s'y installa, un grésillement parvient à nos oreilles et une voix forte s'éleva.

- Je vais faire un test, si la lumière est trop forte pour vos yeux, ne regardez pas.

Juste après, quelque chose de puissant m'aveugla. Je ne tentais même pas de tourner la tête dans la direction mais fermais instinctivement mes paupières et me courba. J'entendis Horst faire de même mais les deux filles semblaient pouvoir regarder et disaient bonjour à la voix.

Puis, la lumière disparut. J'ouvris mes yeux et des flashs blancs apparurent tout autour de moi pendant quelques minutes avant que je puisse retrouver la vision entière.

- Il était super grand et avait des ailes comme ça, » s'enthousiasmait Poe et Faith en élargissant leurs bras pour montrer la grandeur des ailes, « il était trop beau. »

Je souris en regardant l'autre personne qui n'avait pu voir cette créature extraordinaire. Il me fit un hochement d'épaules, mais ne semblait pas vouloir contredire la version des plus jeunes. Moi non plus. Je les croyais.

- Horst, Poe, Faith et Acacia, vous avez une mission, résonna la voix de la créature, sans réapparaitre.