Une aide

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Le jardin de la maison de retraite n'était pas immense, mais il suffisait à pouvoir se promener pendant une bonne demi-heure. Le monsieur qui l'avait emmenée s'appelait Elie et était né en 1930. Il lui avait un peu raconté sa vie et elle apprit qu'il avait deux sœurs dont l'une les avait quittés cette année. Il avait aussi perdu sa femme et un fils. Cependant, malgré les épreuves qu'il avait traversées, il respirait encore la joie de vivre et inhalait pleinement cet air donné par la nature.

- Et toi ma petite, que faites-tu dans la vie ?

La jeune fille hésita, puis se dit qu'elle n'avait rien à perdre.

- Je fais des études en mathématiques mais j'ai depuis quelques temps une envie d'arrêter. J'ai eu une période qui m'a laissée dans le noir mais comme j'en suis sortie, je pense qu'il faut que je vive ma vie.

Alors qu'ils marchaient entre les pares-terres de fleurs sur un petit chemin rempli de cailloux, Elie remit son pull marron sur ses épaules et leva le regard pour considérer le visage de son interlocutrice.

- Qu'est-ce que tu aimerais faire ?

Elle haussa les épaules et ils se remirent à marcher.

- Je ne sais pas, c'est cette question qui me trotte dans la tête depuis janvier. Tout quitter c'est bien, mais pour aller où ?

- Si j'ai un conseil à te donner, plus tu te poseras cette question, moins tu trouveras la réponse. Par exemple, ma sœur s'est souvent demandé qui elle marierait et cette question la rendait folle, jusqu'au jour où elle s'est rendue compte qu'elle n'en avait finalement pas besoin et qu'elle était en meilleure forme en restant avec elle-même.

Après cette phrase, il s'arrêta de marcher. Ils étaient toujours sur le chemin parallèle à la maison de retraite et après la lignée d'herbe qui longeait les murs, un banc vert foncé s'y dressait et n'attendait plus qu'eux. Ollie aida le monsieur à s'asseoir et tous les deux regardèrent le centre du jardin, abondant de fleurs et de buissons. Un mini-jardin de Versailles dit-il pour plaisanter.

- Elie, que diriez-vous si je vous dis que j'aimerais parcourir le monde et partir à l'aventure, pour une durée indéterminée ?

La métisse tourna sa jeune tête en direction du nonagénaire. Elle attendait une réponse franche. Ses yeux grands ouverts et ses cheveux partant un peu dans tous les sens, elle frissonna.

Il se retourna lentement vers elle et posa sa main sur le banc froid.

- Je pense que si tu as assez murement réfléchi cette idée et que, au plus profond de toi, tu sens que c'est la meilleure des choses à faire, alors fonce et n'hésite pas deux fois. Tu es une fille qui n'a pas l'air de se prendre à la légère et semble peser chaque décision avec une mure réflexion, cela ne me fait aucun doute que tu pars sur la bonne voie.

Ollie considéra sa réponse en hochant la tête. Ses paroles résonnaient en elle et à cet instant précis, elle fut prête à tout quitter pour partir à l'autre bout du globe.

- Je pense que tu détiens déjà la réponse au plus profond de toi, il suffit juste que tu t'écoutes.

C'est cette phrase qu'Ollie retint le plus de cette escapade et qui resta gravée dans son cœur, tout autant que le post-it de sa bonne étoile.

Leur échange dans le parc se termina ici, mais Elie voulait lui montrer une dernière chose, une photo selon lui, qui pourrait l'aider. Elle fronça les sourcils et le suivit jusque dans la grande salle, qui faisait aussi office de cantine.

Un homme d'une trentaine d'années qui travaillait ici vint à leur rencontre et Elie s'enquit d'une tache pour lui. Il accepta et s'éclipsa.

Lorsqu'il revint avec un petit bout de papier dans la main, ils s'étaient assis à une table grise et autour d'eux on jouait au scrabble et au tarot.

Elie prit la photo et la regarda avec douceur. Ses joues rosies par l'extérieur s'étirèrent et il fit bouger le cliché entre ses doigts. Il releva la tête. Ollie avait assez de curiosité pour vouloir à tout prix voir ce qu'il contenait.

- Tu m'as posé beaucoup de questions sur ma vie et je t'ai parlé de mes sœurs. J'ai la sensation que ce cliché te servira, ne me demande pas pourquoi. Avec l'âge, j'ai appris à m'écouter. Tiens.

Il fit glisser la photo en noir et blanc sur la table grise. Ollie la réceptionna et contempla trois personnes. Celle du milieu, un garçon qui devait avoir dans la vingtaine, tenait son chapeau d'une main et l'autre était passée autour des épaules d'une jeune fille. Elle devait être peu plus jeune que lui, mais ses longs cheveux clairs et sa robe blanche en dentelle lui sautèrent aux yeux. Elle ressemblait étrangement à sa bonne étoile. La jeune fille manqua de s'étouffer, la pointa du doigt et bafouilla difficilement :

- Qui est-elle ?

Pour mieux savoir qui elle désignait, Elie se pencha et tourna sa tête. Lorsqu'il fut sûr de savoir de qui elle parlait, il sourit.

- Ça c'est Acacia, ma première sœur. Nous portions ces habits pour le mariage d'un de nos cousins. Elle avait dix-neuf ans, tiens comme toi.

Lorsqu'il parlait d'elle, il rayonnait.

- C'est celle qui ne s'est jamais marié ?

- Non, c'est Nicole, juste là » dit-il en montrant du doigt la deuxième fille, qui était bien plus petite et portait son chapeau, qu'elle tenait par le dessus. « Elle avait treize ans et disait que ses chaussettes ne faisaient que tomber et que ça la gênait..

En effet, sur le cliché, c'était la seule à avoir des chaussettes courtes et plissées près de la cheville.

- De quelle couleur était les cheveux d'Acacia ?

- Ah ça, c'était la source principale de ce qui faisait Acacia, Acacia. Ses cheveux était roux flamboyants. Ils reflétaient les rayons du soleil comme personne et elle en était très fière.

Des cheveux roux.

La poursuite d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant