Le clapotis distinctif d'une goutte d'eau parvint à l'oreille de Matthew. Un sol dur et humide s'étendait sous sa joue. Son corps et son esprit émergeaient doucement. Ses yeux ne voulaient pas s'ouvrir pour le moment. Ses paupières étaient lourdes, bien trop lourdes pour que sa volonté ne les soulève. L'onde d'une douleur à la tête se dispersa dans la nuque et le dos. Sa langue râpeuse amenait tant bien que mal de la salive à sa bouche pâteuse. La contraction de sa mâchoire appuyait sa chair, encore un peu plus, contre le sol. Ses doigts commencèrent à se déployer lentement, interrompu dans leur mouvement par de brefs tremblements. Les battements de son cœur résonnaient dans sa cage thoracique et venait rejoindre le rythme que jouait le clapotis.
Il ouvrit enfin les yeux. Une toux lui arracha un petit gémissement qui lui fit froncer les sourcils et refermer directement le rideau du décor qui venait d'apparaître. Nouvel essai. Avec le peu d'énergie que contenait son corps, il rouvrit les yeux : un brouillard. Il cligna plusieurs fois des paupières afin de disperser cette brume épaisse. Le décor d'une modeste pièce assez sombre émergea. C'était encore un peu flou.
Un unique rayon de soleil parvenait d'une fente en haut d'un mur. Les milliers de petites particules apparaissaient sous sa lumière, flottant majestueusement au grès de leur envie. Cela avait quelque chose de divin. Avec précaution, Matthew décolla sa joue du sol, lui laissant une marque rouge et quelques traces de saleté à cet endroit. Dans un geste, qui lui demanda tout un effort, il se retourna sur le dos. Les bras le long du corps, étendus tel un cadavre. La douleur de la tête lui revint comme un raz de marée. Il porta sa main à son crâne. Ses doigts touchèrent ses cheveux. Une sensation de poils agglutinés par un liquide poisseux comme de la sève lui vint à l'esprit. Il observa son index et son majeur comme si c'était la première fois. Un rouge bourgogne peignait ses empreintes digitales.
Des pas se firent entendre. Matthew arrêta la contemplation de ses doigts et essaya de se focaliser sur les bruits qui arrivaient. Son torse se soulevait doucement au rythme de sa respiration calme. Une fatigue l'envahissait. Il était bien sur ce sol humide. Il avait envie de se fondre dans celui-ci. De ne faire plus qu'un avec le béton.
Une porte s'ouvrit. Les particules flottantes s'agitèrent sous le mouvement d'air. Tels les combattants de la lumière divine, elles luttèrent pour ne pas sombrer dans l'obscurité. Matthew combattait également avec lui-même pour reprendre conscience de la situation et ne pas sombrer dans le tohu-bohu.
"Oh dommage, tu es déjà réveillé !" railla la personne qui venait de rentrer.
Une voix qu'il reconnut aussitôt. Celle de l'homme qui avait tiré sur James. Déglutissant avec difficulté, il contracta ses muscles dans l'intention de se lever.
"James", murmura-t-il
Dans un effort considérable pour sortir de sa confusion, il amorça un geste pour se redresser. L'homme le devança. Celui-ci lui empoigna les cheveux, forçant l'adolescent, dans un cri, à se lever plus rapidement que prévu. Il le rapprocha de son visage.
"James est mort."
Matthew qui essayait de se défaire de la prise de l'homme s'arrêta, le souffle coupé. Il était mort ? Un frisson le parcourut. Les ténèbres envahirent sa vision, balayèrent le visage de l'homme, absorbèrent la lumière du rayon divin. Il était donc... mort. Une goutte de sueur brisa le silence de cette révélation.
"Et toi tu ne vas pas tarder à le rejoindre", ajouta l'homme dévoilant un sourire méprisant
L'assassin jeta d'un coup bref et ferme l'enfant devant lui. Matthew se retrouva dans sa position initiale : Joue contre le sol. Il força sur ses muscles, mordant sa lèvre pour faire taire la douleur de ses blessures qui n'étaient pas encore guéries. Chancelant, il se releva.
"Allez avance !"
L'homme le poussa dans le dos, ce qui fit vaciller Matthew contre la porte ouverte. La tête baissée, ses cheveux collés sur son front humide, et la main agrippant la poignée, l'adolescent ne bougea plus. L'homme, se rapprochant, voulut réitérer son geste, mais le garçon se décala subitement. D'un coup brutal accompagné d'un rugissement, il tira la porte en arrière. Celle-ci cogna violemment l'homme qui, sous le choc, tomba en arrière.
Maintenant ! C'était maintenant ou jamais. Le cerveau du garçon déclencha les neurotransmetteurs : la dose d'adrénaline était lancée. Son cœur se mit à se contracter. Le myocarde expulsa le sang rapidement vers les artères : pression artérielle augmentée. Ses globules rouges fusèrent dans les vaisseaux sanguins qui se dilatèrent. Son rythme respiratoire s'accéléra. Des gouttes de sueur perlèrent sur son front. Ses pupilles se dilatèrent et le teint de son visage s'empourpra. Son corps était prêt au combat.
Matthew se jeta dans le couloir. Il se cogna contre le mur puis dérapa afin de s'élancer le long du dédale sombre qui s'offrait à lui. Confus et effrayé, il zigzagua entre la paroi bétonnée et les portes métalliques qui s'alignaient. Au fond de ce long tunnel, il aperçut un escalier rouillé qui montait jusqu'à une porte. Il n'y avait aucune autre sortie. Il le prit à vive allure, mais l'angoisse le fit glisser sur plusieurs marches, ses doigts s'agrippant à la rambarde pour ne pas tomber. Sa course effrénée prit fin lorsqu'il ouvrit la porte à la volée. Une lumière lui transperça les iris, ses pupilles se rétractèrent instantanément. Il amorça un pas en arrière en ramenant une main sur ses yeux.
Un labyrinthe aux parois bureaucratiques lui faisait face. Un chemin devant, à droite, à gauche, mais aucune indication lui permettait de prendre une décision de direction. Soudain, des ombres de silhouettes ondulèrent sur le mur du fond. Sans réfléchir, il se précipita en claudiquant dans le couloir de droite, s'appuyant sur chaque poignée de porte fermée pour ne pas tomber. Il avançait dans les méandres de cet endroit inconnu, espérant trouver une porte de sortie à défaut du fil d'ariane. Sa main glissa sur une poignée. La porte s'ouvrit et Matthew fut projeté par terre. Il s'écrasa contre le béton. Après un instant, quelque peu déboussolé, Il releva la tête.
Devant lui, une immense salle d'entrepôt surgit. Était-ce cet endroit, la sortie qu'Ariane prévoyait ? Où bien la salle du Minotaure ? Des travailleurs s'occupaient à décharger des palettes. Le bruit des machines jura avec le silence des couloirs qu'il venait de quitter. L'agitation qui y régnait lui procura un sentiment rassurant. Cela ressemblait à une atmosphère normale de travail. De la normalité. À cette pensée, son corps se détendit, l'adrénaline s'estompa. Le fil de sa conscience avait réussi à l'amener sur le bon chemin. Une personne arrivait vers lui.
"Aidez-moi", supplia le garçon.
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Memory Shadow
Mystery / ThrillerPour Matthew, les fusillades n'existaient que dans ses films et ses jeux vidéos. Mais le jour où il se retrouve dans l'une d'elles, sa vie bascule. Traqué par des tueurs sans savoir pourquoi, il apprend qu'il est sous la surveillance du FBI depuis 1...