Chapitre 7

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James avait passé la nuit dans la chambre. Aux aurores, il était parti discrètement sans réveiller l'adolescent qui s'était assoupi de fatigue. À présent, la pièce était vide et Matthew se réveillait doucement. L'odeur caractéristique du monde médical lui emplissait les narines.

Il se redressa, descendit avec difficulté du lit, et boita jusqu'aux toilettes. Assis sur le trône, il soupira. Il se remémorait le dialogue de la veille entre les deux agents. Matthew était écœuré du comportement de James. Il le trouvait grossier et irrespectueux dans sa façon de parler. Savoir qu'il avait un quelconque attachement pour lui provoqua une aversion qui s'exprima par un frisson. Il n'avait pas besoin de l'amour d'un quelconque inconnu. À dire vrai, il n'avait besoin de personne, il avait besoin de comprendre, il avait juste besoin de savoir pourquoi sa vie était devenue un cauchemar du jour au lendemain.

Il tira la chasse, et se regarda dans le miroir d'en face. Des bleus lui couvraient une partie de la joue, un bandage lui entourait le haut du crâne, là où la balle l'avait rasé. Il plongea son regard dans son double. Il ne se reconnaissait plus. Ses yeux verts d'habitude joyeux, taquins, malicieux, ses yeux pour lesquels il récoltait tant d'éloges n'étaient plus que deux billes fades et sans chaleur. Pourtant, il s'était juré d'être vivant. Il ferma le poing, pris d'une résolution subite que seuls les enfants peuvent avoir devant un obstacle qui paraîtrait insurmontable pour un adulte. Il voulait redevenir une personne normale. Être vivant n'était plus suffisant. Il voulait goûter à nouveau à la joie de rire, il voulait être tout simplement un enfant, un adolescent, un humain. Tout du moins, il devait essayer.

Une femme rentra dans la chambre tandis que Matthew sortait des toilettes. Un infirmier la suivait avec un fauteuil roulant.

"Matthew Peterson c'est bien ça ?

- Heu... oui ? dit-il, hésitant, en touchant sa blouse d'hôpital pour être sûr qu'on ne voyait pas ses fesses.

- Tu peux bouger ? Super ! on va te mettre dans le fauteuil !"

Matthew se crispa.

"Pourquoi ? Où m'emmenez-vous ? Où sont James et Madison ?"

La femme esquissa un sourire bienveillant.

"Ola, doucement mon petit, je t'emmène faire un tour dehors pour t'aérer l'esprit. Ordre de mes supérieurs. Pour ce qui est de l'agent Harrington, il est au quartier général du Bureau Fédéral d'Investigation et l'agent Drake ne prend le travail que cette après-midi. Après si tu ne veux pas, nous ne t'obligerons pas."

Matthew réfléchit quelques secondes. Il se rappela son poing et sa résolution faite quelques instants plus tôt au cabinet. L'appréhension laissa place à une excitation qui monta rapidement en lui. Il allait pouvoir se promener dehors comme... Comme une personne normale ?! Cette phrase ne mit pas longtemps à se répéter dans son cerveau. Il se glissa dans le fauteuil. Il allait vraiment sentir l'odeur du vent ? La joie non dissimulée lui fit esquisser un petit sourire. Ils sortirent de la chambre, accompagnés de deux gardes. Matthew remarqua que l'effectif avait doublé. Les grandes portes vitrées s'écartèrent tandis que le vent entrait dans le hall de l'hôpital. Cette brise avait l'odeur de la liberté mêlée à la chaleur de l'asphalte et à de l'herbe fraîchement coupée. Mathew ressentit immédiatement les rayons du soleil sur sa peau. Une ivresse l'envahit. Le ciel était resplendissant. Ses yeux se plissèrent, légèrement aveuglés. Il prit le temps de parcourir du regard l'horizon.

Le parc de l'hôpital était grand. Le sentiment d'allégresse lui donnait envie de se lever et courir dans l'herbe. La douleur que cette action aurait pu engendrer le dissuada rapidement et il se lova dans le fauteuil que poussait l'agent Len. C'était le nom marqué sur son badge. Ils avancèrent le long des allées. Mathew était, si c'était possible, heureux. Ce petit plaisir suffisait à éclaircir le tableau sombre de ces derniers jours. Au bout de quelques minutes qui lui parurent quelques secondes, son ventre se mit à gargouiller.

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