Chapitre 17

20 6 6
                                    

Les hurlements résonnaient dans le labyrinthe de couloirs. Les deux hommes trainaient Matthew de force. Ces cris venaient de réveiller le courage enfoui depuis quelques heures derrière la peur et la fatalité. Ils martelaient les murs comme le marteau frappant l'acier. Le forgeron de l'âme s'était mis au travail dans la fournaise du désespoir. Proche de cette flamme de vie qui s'était soudainement embrasé, les étincelles rougeoyantes explosaient tandis que le marteau s'abattait de toute sa puissance sur le métal en fusion. Le tintement sonore de l'impact ressortait avec vigueur par les cordes vocales. Sous la lumière aveuglante du brasier, le forgeron empoigna le manche de l'arme qu'il venait de créer. Sous ses yeux resplendissait une épée, aiguisée, rayonnante dans le halo des ténèbres fulminantes. Une brise fit crépiter les braises. Brusquement, le vent s'engouffra dans la fournaise et souffla la flamme de vie. Les ténèbres s'insinuèrent, dévorant les brandons, ne laissant que des cendres fumantes. Le forgeron tomba à genoux, lâchant le manche de l'épée qui chuta dans un bruit sourd sur le sol poussiéreux.

Matthew étrangla un autre hurlement puis devint silencieux. Il ne pouvait rien faire. Se débattre c'était épuisé son énergie. Ne rien faire, ne rien dire, c'était mourir. Qu'importe le choix, la situation, il venait de comprendre qu'au-dessus de lui, prête à pourfendre l'air, l'épée de Damoclès s'abattrait.

Craig l'observa. Il remarqua que la teinte de ses lèvres était revenue à la normale malgré le sang qui les tachait. Il empoigna la main du garçon et constata qu'elle était tiède. Il s'enleva de sous son épaule et ouvrit une porte. Ils entrèrent.

Le tintement métallique de couteau résonna dans la pièce qui ressemblait à un local d'archivage. Des étagères vides parcouraient les murs. Au fond, face à eux, un homme se tenait derrière un bureau spartiate. Ses doigts fins tournaient doucement une lame sous la lumière de la seule lampe de l'endroit. Le rayonnement produisait une lueur aveuglante tandis que le prisme dessinait de somptueux motifs colorés sur les murs.

« On le met où ? » lança la voix de Danny tandis que Craig refermait la porte.

L'homme indiqua la chaise qui se trouvait à quelque mètre devant eux.

Matthew leva la tête silencieusement. D'abord hypnotisé, par les motifs dansant derrière la silhouette, il se focalisa rapidement sur la chaise qui se trouvait devant lui. Son regard se fixa alors sur l'objet que l'homme maniait. Ses iris se rétractèrent, une peur lui broyant les entrailles. Les doigts fins tenaient un scalpel et devant lui, se trouvait une trousse de médecin qui pouvait s'apparenter aux trousses de boucherie.

« Lâchez-moi, souffla-t-il apeuré tandis que sa respiration s'accélérait. Lâchez-moi ! » cria-t-il soudainement sentant l'angoisse le prendre au cœur.

L'homme posa le scalpel et se leva dans la pénombre tandis que Matthew extirpait son bras de la prise de Danny et reculait de quelques pas. Son dos cogna contre le torse de Craig qui s'était tourné après avoir fermé la porte à clé. Matthew se retourna instinctivement, faisant face à l'homme. Craig l'attrapa fermement par les épaules, le rapprochant de lui.

« Ne résiste pas, ça ira plus vite » lui murmura-t-il à l'oreille.

Matthew cria d'effroi tout en le repoussant. Il se cogna contre Danny qui s'était rapproché. Il était pris en tenaille. Danny lui attrapa le bras et l'immobilisa en réalisant une clé. Matthew tomba à genoux et plaqua son autre main contre l'épaule en hurlant.

« Danny... Danny... Je te l'ai pourtant déjà dit... d'y aller mollo. »

Ces doigts, cette voix. Matthew percuta. Une douleur le lança à l'arrière du crâne. Son cerveau avait compris lui aussi et, dans un ultime effort, essayait vainement de brouiller les pistes de la terreur qui s'insinuait dans les synapses. Danny lâcha sa prise tandis que l'adolescent restait à genoux, paralysé, les yeux exorbités d'angoisse. Craig posa une main sur son épaule. À ce contact, tous les sens de Matthew s'électrifièrent, son cœur martelant sa poitrine. Il ne voulait pas mourir. Il avait fait un choix, qu'importe l'épée qui lui pourfendrait le crâne, il avait décidé de vivre. Son cerveau, brouillant la réalité dans la souffrance, lui donnait l'occasion de relever le forgeron. À présent, il tenait courageusement cette épée devant lui.

Memory ShadowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant