Le mois de septembre s'annonçait doux. Les températures de Washington avoisinaient les 30 degrés. Une histoire de réchauffement climatique s'enorgueillaient les journaux. Les bus jaunes parcouraient les rues pour déverser leur flot d'élèves.
Madison regardait attentivement un vendeur de hot dog établi au bout du trottoir de l'avenue. Elle attendait, patiemment appuyée contre un arbre. Elle fouilla dans sa poche et en sortit un paquet de cigarettes. Il était froissé et les couleurs s'étaient détériorées depuis le temps qu'il était resté dans la boîte à gants de sa voiture. Elle l'ouvrit, le secoua légèrement puis compta les cigarettes. Il en manquait une. Madison sourit. Elle trouvait la situation cocasse. C'est à cet endroit même où elle avait grillé la première. Une voiture se stoppa à quelques mètres d'elle. Une personne en béquille en jaillit, traversa le passage piéton jaune puis entra par les grandes portes vitrées. Les lettres du Washington hôpital center brillaient à la lumière du soleil. Elle soupira, rangea son paquet dans la poche et jeta un coup d'œil à sa montre :
14 h 28.
Elle sortit son portable, fouilla dans son agenda virtuel, cocha des lignes dans sa to-do list puis lança une application de casse-tête. Tout en jouant, elle scrutait les portes en verre qui s'ouvraient et se refermaient sur le passage des gens.
14 h 31
La mélodie de la manche suivante s'enclencha lorsqu'elle releva la tête. Un sourire se dessina sur son faciès. Devant la douceur de ce mois de septembre, le visage de Madison rayonnait de chaleur et de béatitude. Elle rangea son portable sans même prendre le temps d'enregistrer sa partie puis leva la main pour interpeller une personne.
« James ! »
James Harrington sortait de l'hôpital. Il avançait, une valise à côté de lui et une chemise de document se lovant sous son aisselle. Il aperçut Madison et se pressa vers elle tout en évitant la voiture qui redémarrait.
« Mad ! ça fait longtemps que tu m'attends ?
- Je risque d'attendre bien plus si tu te fais écraser dès ta sortie !
- Oh, au moins je serais à côté pour les soins ! »
James rigola. Ce son imprégna les oreilles de Madison qui levait les yeux au ciel, faussement agacé : il lui avait manqué.
Elle avait bien cru ne jamais pouvoir le réentendre. Lorsqu'elle avait vu son collègue à terre, sa chemise en sang, le visage blanc, elle pensait déjà au pire. Dans un geste désespéré, elle avait compressé la blessure, crié d'appeler les secours et avait injurié son collègue si celui-ci se permettait de suivre le tunnel. Son geste de compression avait retenu la vie pour qu'elle ne déverse pas sur l'herbe. Les ambulanciers étaient arrivés rapidement. Ils étaient déjà sur place dû aux multiples appels dès le début de l'attaque. Ils avaient repris la compression, mis James sur un brancard, couru jusqu'à l'ambulance, crié au chauffeur, tout ça sous les yeux de Madison qui ne lâchait pas son binôme.
La lumière froide de l'hôpital se reflétait dans son regard tandis qu'elle patientait sur une chaise de la salle d'attente. Elle contemplait ses mains, colorées de rouge. Ce rouge, elle avait l'habitude de le voir, l'habitude de le côtoyer, l'habitude même parfois de le porter. Mais, cette fois, c'était différent. Ce rouge lui explosait au visage comme une vérité un peu trop cruelle.
Un médecin était arrivé près d'elle, le trait grave. Elle avait cru à la fin de l'histoire, cru au commencement d'un déchirement. Le médecin lui avait expliqué qu'il était passé proche de la mort, que son collègue lui devait beaucoup, que grâce à son geste de compression, elle lui avait probablement sauvé la vie.
Elle s'était laissée tomber sur le siège, des larmes coulaient le long des joues, rejoignant la commissure des lèvres qui formaient un sourire. Tous les jours, elle venait au chevet prendre des nouvelles de James. Elle le voyait se rétablir d'heure en heure. Et maintenant, elle pouvait réécouter ce rire qui l'avait mainte fois agacé par le passé. Elle se surprit à penser que plus jamais elle ne pourrait s'agacer d'entendre ce rire. Ce son, c'était simplement la vie, et on ne s'agace pas devant la vie. C'est quand on est proche de la perdre que l'on comprend à quel point elle est importante, elle est touchante, elle est essentielle.
« On y va ? » Lança James d'un ton léger.
Madison prit la valise des mains de son collègue et se dirigea vers sa voiture qui était garée plus loin dans la rue. Elle sortit les clés de sa poche et fit tomber malencontreusement le paquet de cigarettes mal rangé. James se baissa pour le ramasser.
« Tu t'y es remis ? »
Madison ne répondit pas et appuya sur la touche d'ouverture centralisée de la voiture. James se releva le paquet à la main. Il observa sa collègue puis s'approcha d'elle.
« Tiens ! dit-il en lui prenant l'autre main libre pour lui fourrer le paquet dedans. Je conduis ! » continua-t-il en lui piquant les clés des mains. Il ouvrit la portière et s'installa. Madison se posta dans l'ouverture et railla :
« Je vois qu'ils ont sauvé ton humour !
- Roooo Mad, allez ! ça fait 3 mois, je suis guéri, je suis vaillant ! On ne peut pas tuer James Harrington ! Je suis le Chuck Norris du FBI ! Regarde-moi. »
Il tapa à plusieurs reprises sur sa poitrine comme pour prouver sa consistance.
« Dur comme le roc ! » s'exclama-t-il joyeusement.
Madison leva les yeux au ciel puis se rapprocha de James pour se retrouver proche de son oreille. Soudain, elle appuya le doigt vers la blessure par balle qu'il avait reçue. James lâcha un petit cri de stupeur.
« Alors Chuck, le roc a peur de mon doigt » balança Madison goguenarde.
Elle récupéra les clés du démarreur puis, dans un sourire fataliste, fit un geste pour indiquer la sortie à James. Celui-ci rouspéta en souriant et s'installa côté passager. Elle s'installa sur le siège conducteur et jeta le paquet de cigarettes sur James.
« Tiens, mets ça dans la boîte à gants s'il te plait !
- Je vais le jeter dans une poubelle oui !
Madison tourna son visage vers lui dans un mouvement robotique, dévoilant un regard dépité.
« oooook, je le mets là »
James posa le paquet dans la boîte à gants et retira ses mains en les levant en l'air. Madison le regarda faire d'un air désopilé puis rigola doucement. En effet, son collègue lui avait manqué.
La voiture vrombit. Madison se retourna pour effectuer le recul. L'expression enjouée et rieuse de James s'était dissipée. Il fixait droit devant lui, perdu dans ses pensées.
« Des nouvelles ? » murmura-t-il d'une voix grave.
Madison inspira doucement, mais ne répondit rien. Elle revoyait les trois derniers mois qui étaient passés bien trop vite à son goût. Trois mois, ça s'écoulait longuement lorsqu'on avait le désir de retrouver un ami après l'avoir cru mort, mais trois mois ça s'écoulait aussi rapidement quand on recherchait une personne et qu'aucun indice ne menait nulle part. Le temps se jouait d'elle et cette sensation lui déplaisait fortement.
« non » répondit-elle enfin.
Le silence s'installa dans la voiture. Tous les deux réfléchissaient en silence. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils n'arrivaient pas. Rien ne menait à Matthew. Toutes les pistes avaient été brouillées et l'ombre de la taupe rôdait bien trop souvent dans les tunnels souterrains du FBI. L'échec leur déchirait le cœur.
« On va le retrouver » finit par déclarer James d'un ton sans réponse.
Il ne savait pas comment, mais il en était sûr, ils allaient le retrouver.
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Memory Shadow
غموض / إثارةPour Matthew, les fusillades n'existaient que dans ses films et ses jeux vidéos. Mais le jour où il se retrouve dans l'une d'elles, sa vie bascule. Traqué par des tueurs sans savoir pourquoi, il apprend qu'il est sous la surveillance du FBI depuis 1...