Chapitre 16

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Le souffle de la vie envahissait la pièce sombre. Il tournoyait, imperceptible, cherchant une brèche, une faille, ou une fissure par lesquelles il pourrait sortir. Frôlant la peau, il activait les défenses du corps qui faisait jaillir le grain tels les volcans sortant de terre. Il effleurait la voûte plantaire, actionnant les muscles qui se rétractaient pour empêcher l'intrusion. Battant de ses ailes invisibles, ce souffle remontait le long des jambes, des cuisses, planant au-dessus des côtes qui se soulevaient au rythme régulier de la respiration. Il continuait son vol dans le creux du cou, suivant les courbes des falaises de l'épiderme. Puis, dans l'élan de cette courbe, il prenait son envol, flottant quelques secondes au-dessus du menton, immobile. 

C'est alors dans ce fugace instant, illuminé par les rayons du soleil, que le souffle créait le contact avec son géniteur. Par son éclat, son courant, sa température, il brillait aux yeux de l'humain qui l'avait fait naître. Ce contact si fugitif, intense et fragile laissait en émoi ce souffle qui retomba en chute libre, s'écrasant contre les lèvres bleutées dans un ultime baiser avec la vie. 

Matthew posa un doigt sur ses lèvres craquelées. Il sentit à nouveau le souffle prendre vie, tel le phœnix renaissant de ses cendres. Cette brise était chaude et cette chaleur le fit frissonner. Depuis maintenant plus d'une heure, il contemplait le vide devant lui. Il ne se rappelait plus comment il avait atterri de nouveau dans cette sombre pièce, dans son cachot. Cependant, le claquement de ses dents qui l'avait réveillé lui avait aussi créé la surprise de se sentir nu. Il n'avait pas eu le courage de s'observer, mais l'air de la pièce, aussi faible soit-il, lui avait donné une confirmation quasi immédiate. Dans un geste lent, il avait porté sa main à son front. Ce geste lui avait arraché un rictus douloureux. Il avait laissé le mal s'évaporer tandis qu'il remontait ses genoux au niveau du ventre afin de cacher son intimité et s'était terré dans la position fœtale malgré les douleurs. Depuis il n'avait pas bougé et fixait de son regard le vide de la pièce qui se reflétait dans ses iris.

Lentement, il amena sa main sur son bras et commença à le frotter pour se réchauffer. Le cliquetis de la porte en métal résonna puis le grincement laissa place à une silhouette. Matthew ne leva pas le regard, ne bougea pas, seul son corps se mit à trembler. Des pas résonnèrent dans la pièce puis une masse molle frappa son tibia. Au contact soudain, tous ses muscles se crispèrent dans un sursaut et, par réflexe, il ferma les paupières .

« Tiens, mets ça, sinon tu vas crever de froid ! »

Il reconnut la voix de Graig. Il sentit l'homme s'approcher de lui. Il entendit le jean se froisser, les rotules craquer et conclu que Craig s'était accroupi à côté de lui. Matthew n'ouvrit pas les yeux et resta immobile. Subitement, une main se posa sur sa cuisse. Le garçon tressaillit. La chaleur de ce contact le réchauffait. Ces doigts, doux et brûlants, contrastaient avec l'atmosphère. Ce paradoxe effraya Matthew qui se rappela la scène du bain si paisible d'apparence et si violente en réalité. Il se rappela les cheveux du patron, de ce moment où il s'était senti apaisé en trouvant un détail humain dans la cruauté de l'instant.

« Pourquoi... Pourquoi... je suis là » balbutia-t-il.

Un gémissement de frayeur le prit à la gorge lorsque la main frotta sa cuisse.

« Mais vous me voulez quoi... » répéta Matthew, désemparé par le geste.

La main, frottant vigoureusement le corps, remonta sur les fesses puis les hanches, pour finir sur les côtes. Matthew resserra ses genoux contre son ventre et commença à sangloter de peur.

« Vous allez me vio... »

« Ne dis pas n'importe quoi... » coupa Craig en stoppant son geste.

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