Ce matin, le trajet jusqu'au refuge me semble différent des autres. J'ai beaucoup pensé à mon acte stupide d'hier, et j'espère de tout mon cœur que ma bêtise ne causera pas de tort à Logan, au refuge ou aux hommes. Il va me falloir prier très fort durant quelques jours pour qu'aucune retombée ne se fasse, mais je donnerais tout pour revenir quelques heures en arrière et effacer mon intervention.
Une autre sensation singulière modifie mon état d'esprit tandis que ma fidèle Mini Cooper avale les kilomètres. Alors que la culpabilité et l'angoisse d'éventuelles représailles m'ont réveillée une bonne partie de la nuit, une présence inexplicable s'est invitée à chaque fois que je peinais à retrouver le sommeil. Un regard obscur, un silence envoûtant, des traits puissants. Pourquoi diable cette espèce de brute s'est révélée être la seule pensée capable de m'apaiser ? Je ne sais pas si c'est à cause du délire de Logan, ou bien simplement parce que c'est justement la dernière personne avec laquelle je pourrais envisager ne serait-ce qu'un flirt, mais toujours est-il que si son image m'a aidée à retrouver le calme cette nuit, réaliser cette situation ubuesque en plein jour m'agace profondément.
Ma voiture garée sur le parking, je passe la grille de sécurité et me dirige directement vers mon bureau.
– Hey Sweetie, me salue une voix que je connais bien.
– Hey Mickey, réponds-je en continuant mon chemin.
Je dépose mon imper sur le porte-manteau derrière la porte, allume mon ordinateur ainsi que le petit chauffage d'appoint sous mon bureau. On ne peut pas dire qu'il fasse vraiment froid en cette fin octobre, mais je suis une éternelle frileuse et j'avoue aimer avoir mon petit confort. Découvrant une pile de dossiers déposée près de mon clavier, je feuillette brièvement le premier. Il s'agit a priori des documents de suivi administratif des derniers détenus arrivés. Les conventions liées au programme de réinsertion, leurs antécédents, fiches de renseignements juridiques, et tout un tas d'autre paperasse qu'il me faut scanner et archiver. Bien évidemment, notre obligation de confidentialité fera de cette tâche ma priorité de la matinée. Je m'y attelle donc avec concentration, la journée particulière d'hier m'ayant déjà fait prendre pas mal de retard sur les procédures de saisies.
Pourtant, lorsque la photo de l'ours grognon que j'ai soigné hier apparaît sous mes yeux, je suis stoppée dans mon élan par une sensation étrange. Happée par ce regard noir figé sur ce cliché en tête de dossier, j'éprouve une irrésistible envie de parcourir les quelques feuillets retraçant la vie qui l'a mené jusqu'ici.
Non, tu ne devrais pas. Contente-toi de scanner et ranger. Le reste ne t'intéresse pas.
Juste quelques lignes...
J'ouvre la chemise cartonnée avec appréhension, comme si quelqu'un pouvait me surprendre à tout moment et me punir à vie pour mon indiscrétion. Dès les premiers termes relatant notamment son identification physique, son air froid et distant se rappelle à mon souvenir, provoquant un frisson de je ne sais quoi qui remonte de mes orteils à ma gorge serrée par l'inquiétude d'aller trop loin. Vingt-huit ans, un mètre quatre-vingt-dix, quatre-vingt-douze kilos, cheveux et yeux noirs... Ouais, et moi qui l'ai approché pour de vrai, je pourrais presque ajouter en bas de page « typiquement le genre de type à qui on éviterait d'en coller une ».
Je tourne cette première feuille et balaye rapidement ce qui suit, désireuse d'en savoir plus tout en n'ayant pas l'impression de m'introduire trop exagérément dans ce passé qui ne me concerne en rien.
J'apprends ainsi qu'il est le benjamin d'une fratrie de trois, qu'il a notamment une jeune sœur de mon âge, et que celle-ci vit avec sa mère près de Chilton. Je laisse volontairement passer un certain nombre de paragraphes pour aller directement à ce qui m'intrigue le plus : le motif de son incarcération. Parce que, quelque part au fond de mon âme, je sens que quelque chose cloche avec ce type. Ce qu'il dégage à première vue ne me semble pas être pleinement en accord avec ce que j'ai ressenti à son contact, même si cela n'a duré que quelques dizaines de minutes. Je trouve enfin la page retraçant ses antécédents judiciaires, et la consulte avec concentration.
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Hope or Fight (spin off de Fight & Hope)
RomanceMendy, impétueuse, battante et obstinée, a quitté ses études de photographie artistique pour travailler au refuge de son frère Logan, sauvant des pitbulls issus de combats clandestins et abritant un programme de réinsertion d'anciens détenus. Dans c...