Le monde te mérite - PNL (Bené)

Chapitre 9 : Habibti

Malgré l'air de la nuit, la chaleur restait coincée entre les tours. Les Français étouffaient depuis quelques jours sous une canicule incomparable aux années précédentes. Les habitants étaient calfeutrés lorsqu'ils étaient chanceux de posséder des murs isolés et parfois avec une climatisation.

Antonia Bellahmed n'agissait pas telles ces personnes. En effet, elle se trouvait en haut du bâtiment où elle s'ambiançait en écoutant les quelques chansons finies par Sabri. Elle bougeait frénétiquement sa tête et ce moment de déconnexion l'excusait de ne pas être partiellement joignable. Son intention ne devait parfois se focaliser que sur un sujet, la musique pour ce soir.

Sa casquette noire sur la tête, Tonia était habillée d'une simple brassière de sport, d'un short en jean trop grand qu'elle avait dû récupérer d'Aboubakr et ses indémodables baskets. Elle inspirait d'importantes bouffées d'air après avoir été enfermée toute la journée. Qu'importe le printemps ou l'été, elle détestait la chaleur. Elle profitait alors de ces moments de liberté où elle pouvait enfin s'aérer l'esprit. Pendant cette saison, elle ne se nourrissait principalement que de fruits hydratants. Elle avait besoin d'énergie puisque se concentrait sur un début d'instrumental dans lequel un magnifique son émanait d'une guitare électrique. Elle écoutait donc les notes et bougeait ainsi ses doigts sur un manche imaginaire. Tonia pensait être seule mais Sabri la regardait.

Il ressentait cette impression de voir une festivalière grâce à son attitude décontractée et ses mains remises dans les poches. Lui aussi se tenait sur le toit car il aimait bien observer la vue telle qu'elle l'était. Cette tranquillité et donc ce silence lui permettaient de savourer une certaine paix. Il ne réfléchissait plus et cette pause provoquait un sentiment de plénitude et légèreté. Cette situation demeurait apparemment semblable pour Tonia. Comment avaient-ils pu ne pas encore se croiser ?

Sabri pensa immédiatement que ce moment était le bon pour indiquer à Tonia sa présence. Sabri s'approcha en silence et posa l'une de ses mains sur l'épaule de la femme qu'il voulait. Il imaginait qu'elle réagirait ostensiblement à cause de la nuit où n'importe qui aurait pu l'embêter mais le contexte fut en vérité autre. Effectivement, elle se tourna vers lui avec une décontraction inimitable et un grand sourire tandis qu'elle retirait un des écouteurs : « Sabri ! Comment vas-tu ? Je ne m'attendais pas à te voir ici ! ». Elle ne chuchota pas, comme s'ils étaient seuls au monde.

« Wesh, ça va et toi ? Tu fous juste quoi ici à deux heures du matin, t'as pas ton mari qui t'attend ? ». Sabri adorait quand Tonia levait gentiment les yeux aux ciel et essayait de paraître agacée. Elle ne se fâchait en réalité jamais contre personne.  

« J'ai chaud Sabri. En plus, tu me parles d'époux alors que je ne pourrais même pas dormir avec lui vu que cette température est insupportable. C'est... Différent lorsque je suis en intervention sur feu ». Tonia posa ses doigts sur sa taille fine tout en surveillant l'horizon.

Sabri se sentait bien avec elle. Il pourrait parler avec elle durant des heures et voulait cette fois évoquer sa musique, ses paroles et le rap en général. Tonia était une femme cultivée avec un état d'esprit tolérant et des avis cohérents parce que construits, sérieux et utiles. Elle ne critiquait pas tant qu'elle ne trouvait pas de solution à proposer, surtout concernant le processus d'enregistrement. Elle s'y intéressait pourtant comme si elle travaillait dedans. Sabri déclencha son courage : « T'écoutais le bum-al ? Y'a des sons que tu kiffes plus que d'autres, tu vois ce que je veux dire ? ».

« Habibti. ». Tonia prononça si facilement le mot d'un tel accent algérien que Sabri en fut... Ébranlé. Il oubliait malheureusement la majorité du temps que les racines de sa femme étaient de ce pays. Elle en possédait bien le tempérament : « J'ignore à quelle femme tu as pensé mais elle est chanceuse. ».