Chapitre 1 : Intro

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Samedi premier juin deux mille dix-neuf. Sabri Gharbi regardait cette date sur son portable sans encore trop y croire. Il n'était qu'à moitié conscient que durant les six derniers mois, il n'avait cessé de travailler tous les jours son premier album.

Sabri Gharbi. Bené, PNL, les clips Naha, Onizuka et Jusqu'au dernier gramme. Ces titres composaient le point de départ de la toute nouvelle mais fragile notoriété qu'il apprivoisait tant bien que mal. Cependant, il ne voulait pas décevoir les frères Andrieu qui étaient à l'origine de la renaissance de leur quartier des Tarterêts. Corbeil-Essonnes, le 91, les pièces du puzzle s'imbriquaient d'elles-mêmes. Il avait grandi dans cette cité en ayant toujours fréquenté Tarik et Nabil, ou Ademo ou N.O.S pour ceux qui nommaient encore ainsi cette fratrie, mais aussi Mohamed et Amine pour le groupe MMZ, Jet et Sensei qui formaient F430 et bien sûr Samy et Karim étant connus sous le sigle de DTF. Il y avait aussi Lucas, Omar, Kemil, Zazou, Nader... Tous ces hommes étaient les initiateurs de la communauté QLF dans laquelle ils aimaient se rassembler. Que la Famille.

Sans le savoir, Sabri Gharbi fumait sa dernière cigarette de la journée. Il repensait à tout le chemin parcouru depuis trois ans. Pourtant, ce qui le préoccupait le plus en cet instant était la finalisation de son projet qu'il travaillait tellement... Il y songeait chaque seconde pendant mille quarante-quatre minutes, à réfléchir sur des détails infimes, voulant que le résultat soit à la hauteur de toutes ces heures qu'il avait la majorité du temps passé seul dans sa chambre. Définitivement, l'écriture n'était pas une aventure facile. Il le reconnaissait après avoir remarqué qu'un temps infini de préparation était nécessaire, sans évoquer les relectures, corrections et modifications. Malgré son allure d'un adolescent de quinze ans, Sabri se révélait en réalité comme un jeune homme de son âge, plus préoccupé qu'il n'en avait l'air et surtout voulait le faire croire.

Perdu dans ses pensées, Sabri inspira une dernière longue bouffée de fumée. Actuellement, il se tenait devant les marches du bâtiment blanc dans lequel il habitait avec le restant de sa famille. Il n'avait jamais connu son père. Alors, le seul homme qu'il avait toujours considéré en tant que tel était Tarik Andrieu. Sabri regarda cette figure qui incarnait aussi la présence immuable d'un grand frère. Il dégageait un certain charisme qui lui construisait en vérité son charme. Musclé, les traits vieillissants même sur sa peau dorée mais à jamais avec ses yeux malicieux et son sourire du coin des lèvres. Sabri admirait la paix que Tarik avait acquise après des années infernale de misère, trafic en tout genre et haine dans ce contexte des cités françaises abandonnées par l'état. Néanmoins, aux noms des siens, Tarik avait finalement préféré choisir la suite de son destin plutôt que de l'attendre.

Malgré le succès retentissant, Sabri, Tarik, Nabil, Mohamed, Amine, Jet, Sensei, Samy, Karim, Lucas, Omar, Kemil, Zazou et Nader restaient des fauves de la rue, la jungle ou le zoo comme ils aimaient affectueusement la surnommer. En dépit de la paix et l'argent durement conquis, aucun d'entre eux ne s'était résolu à déménager. Ainsi, ils habitaient toujours dans leurs tours de leur enfance puisque leur amitié basée sur une fraternité, une complicité et une confiance quasi aveugle demeurait un élément essentiel et donc indispensable de leur vies. De plus, tous ces rappeurs avaient pu se fier avec confiance à l'un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération, à savoir Mess. En collaboration avec ses artistes favoris, il proposait des clips travaillés car réfléchis sur le message à retranscrire. Alors, depuis sa reconnaissance dans le rap, Mess n'hésitait même pas une seule seconde de partager ses compétences et capacités autant dans les associations de proximité que les écoles de cinéma.

Sabri ressassait toute cette évolution. Alors qu'il ne le dirai jamais à tous ses frères, il était fier de demeurer à jamais le petit dernier de leur bande. Inconsciemment, il était nourri de leur force, résilience, maturité et pardon. Le vingt-six août, il fêterait ses dix-neuf ans. À travers l'écran encore éteint de son téléphone, il se dévisagea. Il avait changé, même s'il se refusait à le reconnaître. Ses traits faisaient moins enfantins, notamment grâce à son regard qui semblait avoir davantage été marqué par les difficultés de la vie. Sabri dormait très mal, voire peu. Il se passa une main sur son visage. Toutefois, il se reconnaissait chanceux que ses sourcils épais conservaient une ligne naturelle. Sabri aimait aussi sa barbe qu'il n'avait jamais taillée autre que la forme dont lui avait appris Nabil et ainsi, il s'amusait à entretenir sa ressemblance. En outre, leurs longs cheveux châtains très clairs constituaient la touche ultime de leur charme d'homme à la peau d'or. Pour conclure, les seuls détails que Sabri n'appréciait pas plus que cela étaient son nez et sa bouche qu'il trouvait trop imposants par rapport à la forme de sa tête, et sa taille. Pour lui, il aurait aimé grandir au-delà du un mètre soixante-dix imposé par Allah.

Le monde te mérite - PNL (Bené)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant