Chapitre 4- Ambroise

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Ambroise ne tenait pas en place depuis le début du bal. À chaque robe dans les tons bleus, son cœur s'accélérait et ses pas le menaient à la demoiselle. Malheureusement, même s'il était difficile d'expliquer comment, il savait, rien qu'en se retrouvant près de ces femmes que ce n'était pas celle qu'il attendait. Ses parents étaient aux anges de le voir si avenant pour une fois, mais lui désespérait de la venue de son inconnue. Peut-être avait-elle changé d'avis ?

Des frissons lui parcoururent le corps et il se tourna instinctivement vers l'entrée de la salle. Une magnifique robe bleu turquoise parsemée de petites pierres brillantes accapara immédiatement son attention. Il termina son observation par le masque cachant entièrement le visage de la jeune femme d'un côté et seulement le haut de sa pommette de l'autre. Comme elle lui avait décrit dans sa lettre, et bien plus belle qu'il ne se l'était imaginée, son inconnue était enfin là, devant lui. Il ne perdit pas de temps pour la rejoindre.

Il n'y eut pas besoin de mots. Ambroise se pencha en signe de salutation face aux deux femmes, celle escortant sa belle devait être sa mère, puis elles en firent de même. Une main tendue plus tard, il accompagna la jeune femme au milieu de la piste de danse.

Yeux dans les yeux, un grand sourire aux lèvres de chacun, le couple tourbillonna pendant plusieurs mélodies, comme si le temps n'avait aucune importance. Quand leurs pas se firent moins appuyés, Ambroise se dit que c'était le moment de s'isoler et d'enfin parler en tête à tête avec elle. Comme lors de son arrivée, il présenta sa main pour faire comprendre à la jeune femme ses intentions. Il avait peur qu'un simple son ne l'effraie et il ne voulait en aucun cas prendre le risque de la faire fuir avant d'échanger un mot.

Elle lui prit la main, mais son regard chercha la femme qui l'accompagnait et c'est seulement après un signe de tête de cette dernière qu'elle entreprit de le suivre.

Le printemps était doux, si bien qu'il voulut profiter de la terrasse et ainsi montrer ses jardins. Il savait de par les lettres qu'elle appréciait se promener et il espérait ainsi la charmer de ses terres, en plus de sa personne. Lui qui n'aimait pas que les femmes le rencontrent pour son titre, il espérait que celui-ci soit un atout pour la jeune femme. Mais plus il la regardait, plus il doutait que celle-ci ne soit d'un rang plus haut que le sien. Relayant ses sombres pensées bien loin dans son esprit, il observa son inconnue qui venait de s'appuyer au garde-corps et la rejoignit. Il prit ensuite son courage à deux mains et entama enfin la conversation :

— Avez-vous froid ? Nous pouvons rentrer si vous préférez.

— Non, je vous remercie, c'est parfait ici.

— Nous ne voyons pas grand-chose ce soir, car la lune est fine, mais les jardins sont somptueux en pleine journée.

— Je n'en doute pas. Le peu que j'aperçois m'enchante déjà.

Après un long silence un peu gêné, Ambroise reprit :

— Le bal vous plait-il ? Regrettez-vous d'être venue ?

— Non ! Bien sûr que non. Je suis heureuse d'être là, avec vous...

— Mais ?

Après une grande respiration, elle se lança en le regardant droit dans les yeux :

— Nous devons arrêter notre correspondance. Même si je suis enchantée d'être là, je n'aurais jamais dû venir. Cela ne nous fera que plus mal si nous continuons ainsi.

— Pourquoi ? Je ne comprends pas. Si vous m'appréciez comme je crois le comprendre, pourquoi continuer à me cacher votre identité. Est-ce parce que je suis indigne de vous ?

— Si seulement... Je ne peux pas vous expliquer. J'aimerais croyez-moi, mais cela m'est interdit. Je vais y aller, c'est le mieux pour tous les deux.

— Non ! Attendez, vous ne pouvez pas partir encore une fois. Donnez-moi au moins votre nom.

— J'en étais sûre ! s'exclama une voix de femme qui venait d'arriver près d'eux.

— Désolé, mais cette conversation est privée, se tourna Ambroise vers la nouvelle venue.

— Elle est surtout interdite oui. Quand j'ai cru reconnaitre mère, je pensais avoir abusé de la boisson, mais il s'est avéré que c'était bien elle ! Il n'y avait qu'une seule raison de sa présence ici. Toi !

— J'allais m'en aller Élisabeth. S'il te plait, ne dis rien à Père, dit l'inconnue d'Ambroise.

— Et pourquoi donc ferai-je cela ?

— Élisabeth ? Vous êtes la fille du Duc d'Orléans ? Mais donc...

— Je ferais tout ce que tu me demanderas, coupa Clothilde. Mais je t'en supplie, n'en parle pas. Qui sait de quoi il serait capable...

— Peut-être qu'il t'enverra enfin loin de nous et que MA mère s'intéressera enfin à moi. Sais-tu ce que c'est de vivre sans mère ? hurla presque Élisabeth.

— Je vous somme d'arrêter ! cria à son tour Ambroise.

Voyant son inconnue qui l'était de moins en moins pleurer à chaudes larmes et ne tenant presque plus debout, il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras.

— Vous, vous ne direz rien à votre père.

— Comment osez-vous ? s'écria Élisabeth.

— J'ose, car vous menacez votre sœur ! Un membre de votre famille ! Je ne comprends pas encore les tenants et les aboutissants de cette conversation, mais j'ai bien saisi votre haine. Regardez dans quel état elle se trouve en réaction à vos menaces.

— Je... Elle ne devrait pas être ici et si vous y regardez de plus près, vous ne voudriez plus être auprès d'elle non plus.

— Pouvez-vous aller avertir votre mère de faire avancer leur voiture s'il vous plait ?

— Je vais l'y accompagner, affirma Élisabeth.

— Non. Je vous demande d'aller prévenir votre mère. Si cela doit être la dernière fois que je parle à votre sœur, pouvez-vous au moins nous laisser en tête à tête, je vous prie.

— Bien, mais si cela dure, je reviendrai.

Élisabeth quitta enfin le balcon. Par chance ils n'avaient pas attiré l'attention et Ambroise était de nouveau seul avec son inconnue, tremblante au creux de ses bras.

— Comment allez-vous ?

— Je... je suis désolée. Je n'aurais jamais dû venir.

— Comment est-ce possible ? Vous êtes morte il y a tellement d'années... J'ai même assisté à votre enterrement.

— Je...

— Vous êtes Clothilde, première fille du Duc et de la Duchesse d'Orléans.

— Ne dites rien à personne s'il vous plait. S'il l'apprenait...

— Je ne dirais rien, je vous le promets, mais expliquez-moi comment cela est possible.

— Je ne peux pas. Je dois y aller. Mère va m'attendre.

— Promettez-moi que nous nous reverrons.

— Je ne peux pas, mais ne dites rien.

— Je vais vous laisser partir et garder votre secret, car je ne veux pas vous faire du mal indirectement. Mais sachez que nous nous reverrons. Je vous en fais la promesse.

— Ma fille ? La voiture est prête.

— Adieu Ambroise, souffla Clothilde.

— À bientôt Clothilde.

Ambroise regarda son inconnue qui ne l'était plus s'éloigner en direction de sa mère et de sa sœur. La découverte qu'il venait de faire était entachée des sombres questions qui entouraient la jeune femme. Pourquoi avait-il enterré Clothilde onze ans plus tôt alors qu'elle était bien là devant lui ce soir à faire battre son cœur ? Que voulait dire sa sœur quand elle affirmait qu'il ne souhaiterait plus être auprès d'elle s'il y regardait de plus près ? Il n'avait pourtant qu'une seule envie, courir la rejoindre et la protéger, car il savait qu'elle était désormais en danger. Le pire étant que cela était de sa faute...

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