Chapitre 11- Clothilde

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Clothilde approcha sa cuillère remplie de soupe près de sa bouche quand les portes du réfectoire s'ouvrèrent brutalement.

— Je n'arrête pas de vous répéter que les hommes sont interdits ici Monsieur. Je vous demande de sortir.

— Pas tant que je n'aurais pas retrouvé celle que je suis venue chercher.

— Je vous ai déjà dit qu'elle n'était pas là.

— Je ne savais pas qu'il vous était autorisé de mentir ma Sœur.

Pensant reconnaitre la voix de l'homme, Clothilde se leva et cria presque de soulagement en apercevant Ambroise de l'autre côté de la pièce. Elle ne s'était toujours pas faite au lieu austère et froid du couvent, quant au programme strict, elle se faisait régulièrement reprendre avant d'être isolée pour se faire pardonner ses pêchers grâce à la prière. Elle n'en pouvait plus de devoir se lever aux aurores, mais de se coucher alors que le soleil était encore bien haut dans le ciel.

À la vue d'Ambroise, elle se savait libérée de ce lieu. Tel un preux chevalier, il venait la délivrer de sa prison. Elle qui avait toujours pensé finir vieille et seule perdue dans son château, son cœur battait à cent à l'heure lorsqu'elle regarder son Ambroise braver les interdits pour elle. D'autres problèmes viendraient surement se mettre en travers de leur route, mais si elle n'était plus condamnée à vivre ici jusqu'à la fin de ses jours, cela serait bien suffisant pour le moment. Son père avait dû payer une belle somme pour que la mère supérieure mente effrontément à Ambroise, ou alors il lui avait servi encore un tissu de mensonges à la façon Duc d'Orléans.

Étant la seule à s'être relevée, Ambroise l'aperçut immédiatement et accourut vers elle. Aucun d'eux n'avait besoin de mots, alors Clothilde se jeta à son cou et Ambroise la serra fort contre lui.

— Je vais faire venir les autorités Monsieur.

— Faites donc ma sœur, je vais leur expliquer comment votre couvent cautionne la séquestration de Clothilde d'Orléans, future Duchesse, dont le père, le Duc d'Orléans, la fait passer pour morte.

— Comment ? ... Ne parlons pas ici, allons dans mon bureau, je vous prie.

Clothilde et Ambroise la suivirent docilement. Après plus d'une heure de mise au point, la mère supérieure, paniquée des possibles retombés, les autorisa à repartir ensemble en leur demandant de garder toute cette histoire pour eux.

Il se faisait tard, alors Ambroise décida de loger en ville et de reprendre la route le lendemain matin. Au guichet de l'hôtel, il demanda deux chambres mitoyennes, mais arrivés devant les portes Clothilde le retint.

— Ambroise ?

— Oui Clothilde ?

— Je sais que je ne suis pas censée vous demander cela, mais...

Il dégagea la mèche de cheveux qui se retrouvait devant sa cicatrice.

— Mais ?

— Serait-ce inconvenant de vous demander de dormir près de moi cette nuit ? Je n'ai pas dormi en dehors du château depuis tellement longtemps, que je ne suis pas tranquille. Évidement il y a eu ces dernières semaines, mais cela n'avait rien à voir...

— Inconvenant je ne sais pas, mais sachez qu'il va mettre impossible de ne pas vous serrer dans mes bras cette nuit si je dois me retrouver près de vous. Si cela vous convient, je suis alors tout disposé à vous servir d'oreiller.

— Cela me convient, sourit-elle.

La porte qui grinça quand ils l'ouvrirent puis la refermèrent. Ils s'allongèrent ensuite l'un en face de l'autre sur le lit. Ambroise caressait délicatement la joue ainsi que les cheveux de Clothilde, pendant qu'elle se mordait l'ongle du pouce sans oser fixer son regard.

— Je vous sens tracasser ma douce. Dites-moi s'il vous plait que je sache ce qui vous tourmente.

— Comment avez-vous fait pour me retrouver ?

— C'est une longue histoire. Depuis votre départ j'essaie de vous retrouver avec l'aide de Nathalie, mes parents, mais aussi votre sœur. Votre mère est arrivée hier soir à Montluçon.

— Ma mère ? Mais comment a-t-elle fait avec Père ?

— Elle a réussi à nous rejoindre. Ne vous inquiétez pas, elle et votre sœur sont en sécurité. De même que le cochet qui nous a dévoilé votre position.

— Pauvre Arthur, il ne voulait pas me conduire, mais Père ne lui en a pas laissé le choix.

— Je sais ma douce, c'est pourquoi sa famille loge avec mes domestiques au château également et qu'il est désormais mon nouveau cochet.

— Merci. Vous êtes tellement bon avec moi ou mes proches.

— Je dois avouer que c'est un tantinet intéressé.

—Que voulez-vous dire ?

— Demain nous rentrerons à Montluçon et je vous présenterais mes parents.

— Je ne veux pas leur faire peur... Connaissent-ils ma situation ?

— J'ai dû les mettre aux faits oui.

— Et savent-ils pour... cela ? murmura Clothilde en touchant sa balafre.

— Votre cicatrice ne vous définit pas Clothilde, mais oui ils sont au courant et ils vous apprécient même déjà.

— J'espère ne pas les décevoir. Quels sont les intérêts dont vous parliez ?

— J'aimerais vous épouser Clothilde. Bien sûr j'ai déjà demandé votre main à votre mère qui est ravie, quant à votre père je doute que ce soit utile de lui poser la question pour avoir son refus. Il me reste donc plus que votre réponse à attendre.

— J'espérais tellement que vous me le demandiez. J'ai l'impression d'être en plein rêve.

— Vous ne rêvez pas. Je ne peux pas vous promettre que les jours prochains seront sans embuche, mais sachez que si vous dites oui, je serais le plus heureux des hommes.

— Je ne veux pas devenir Duchesse, c'est ma sœur qui a été élevée pour, je ne peux lui retirer ce titre.

— Ce n'est pas votre titre que je convoite, juste vous. D'ailleurs, je sais que ce n'est pas le même rang, mais j'envisageais plutôt de vous faire devenir comtesse de Montluçon. Étant fils unique, mon père serait ravi que je garde le titre, mais surtout les terres de ma famille.

— Pincez-moi s'il vous plait.

— Peut-être préférez-vous découvrir le reste du monde avant de vous enchainer à moi ? Je suis prêt à attendre si vous me certifiez me revenir ensuite.

— Je préfèrerais faire l'inverse.

— Comment cela ?

— M'enchainer à vous comme vous dites, et découvrir le monde ensuite.

— Oh ma douce Clothilde... Bientôt vous deviendrez ma femme, je vous le promets. Maintenant, laissez-moi vous embrasser avant que nous nous endormions.

Ils passèrent la nuit l'un contre l'autre et partirent au petit matin.

Les retrouvailles entre la duchesse, Élisabeth et Clothilde furent remplies de larmes, de sourires et d'embrassade le lendemain. Les trois femmes se promirent de ne plus jamais se laisser faire face au Duc, mais elles restèrent à Montluçon le temps de mettre en place un plan pour réintégrer Clothilde dans la société.

Apparences et révélationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant