— Non... Mais... je ne comprends pas.
— Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ?
— Pourquoi vous intéressez-vous à moi ? Pas que je n'apprécie pas votre compagnie, bien au contraire, mais je ne comprends pas pourquoi. Regardez-moi, je ne suis qu'une femme ne connaissant pas les codes de la vie, sociable et... monstrueuse.
Clothilde chuchota le dernier mot en baissant la tête de façon à ce que ses cheveux camouflent sa joue abimée. Ambroise remonta le visage de la jeune femme à l'aide de sa main sous son menton et rabattit ses cheveux derrière son oreille. D'une voix douce, il affirma :
— Regardez-moi dans les yeux... Vous n'êtes pas un monstre. Personne n'a le droit d'affirmer ceci. Ni vous, ni moi, ni même votre père, et en aucun cas un inconnu. Ce sont les personnes qui vous nomment de la sorte qui sont des monstres, et non l'inverse. Nous avons tous des cicatrices, parfois visibles, parfois cachées, et certaines sont même imperceptibles à l'œil nu puisqu'elles ne sont pas physiques. Moi tout ce que je vois c'est une femme aussi belle à l'intérieur qu'à l'extérieur, un peu sauvage certes, mais rien qui ne me fasse peur. J'aimerais tellement que vous vous voyez à travers mes yeux Clothilde.
— Montrez moi je vous en prie, supplia-t-elle alors qu'une larme dévalait le long de son nez.
— Etes-vous sûre d'être prête ?
— Certaine, et si cela n'est pas le cas, vous saurez faire en sorte que je le sois j'en suis sûre.
Ambroise ne put se retenir plus longtemps. Il prit en coupe le visage de la jeune femme et apposa délicatement ses lèvres contre les siennes. D'abord tendue, Clothilde se laissa ensuite aller et s'accrocha au cou du jeune homme pour approfondir leur baiser. Leurs lèvres se caressèrent, Ambroise lui laissant le temps de découvrir ces nouvelles sensations. Doucement, il vint la taquiner de sa langue, léchant délicatement le contour de sa bouche. Instinctivement elle ouvrit la sienne pour lui laisser libre accès. C'était la première fois qu'elle embrassait un homme, mais son corps semblait savoir ce qu'il faisait sans qu'elle ait besoin de réfléchir. La douce chaleur qu'elle ressentait quand elle lisait les lettres d'Ambroise était bien ridicule en comparaison du brasier que ses lèvres mêlées à sa langue lui procuraient. Les quelques papillons qu'elle avaient ressentis au creux de son ventre étaient devenus une colonie qui s'envolait dans les moindres recoins de son corps. À bout de souffle, elle ne voulait en aucun cas arrêter leur échange brulant de peur de ne plus jamais y avoir le droit, mais Ambroise se recula légèrement afin de laisser un mince filet d'air s'infiltrer dans ses poumons. De nouveau front contre front, ils ouvrirent leurs yeux et se fixèrent, l'un ravi et le sourire aux lèvres pendant que l'autre hésitait entre recommencer dans la minute ou partir se cacher loin dans le cas où son manque d'expérience était flagrant.
— Même vos baisers ont une saveur différente.
— Vous... Vous avez embrassé beaucoup de femmes ?
— Quel idiot je suis ! Désolé je n'aurais pas dû dire cela.
— Non ! Ne vous excusez pas. Vous ne me devez rien.
— Avez-vous aimé ?
— Si je dis oui, vous voudriez bien recommencer ?
— Même si vous me dites non, je recommencerais jusqu'à tant que vous ne puissiez plus vous en passer.
— Alors pour être sûre de ma réponse, je pense qu'il vaut mieux retenter l'expérience.
Un long baiser plus tard...
— Je crois que j'aime beaucoup trop.
— Et moi donc belle Clothilde...
— Je peux vous poser une question ?
— Évidemment.
— Est-ce que vous voyez d'autres femmes quand vous êtes dans votre château ?
— Que voulez-vous dire ?
— Embrassez-vous d'autres femmes les jours où nous ne nous voyons pas?
— Que ce soit clair entre nous : je ne côtoie, n'embrasse ou ne touche aucune femme en dehors vous depuis le soir où je vous ai surprise dans votre château. Et pour que l'on soit complètement d'accord vous et moi, je ne compte le faire avec personne d'autre que vous tant que vous voudrez bien de moi. Mais vous, peut-être aimeriez-vous embrasser un autre homme que moi ?
— Vous avez raison, vous êtes idiot !
— Rrrrr... Venez là que je vous attrape.
Clothilde se mit à courir, mais Ambroise la rattrapa rapidement par la taille.
— Vous êtes si étonnante Clothilde.
— Est-ce en bien ?
— C'est plus qu'en bien même. J'espère qu'un jour prochain, vous me laisserez-vous surprendre également. J'aimerais tellement vous faire visiter mes terres.
— Je...
— Je sais que vous n'êtes pas prête. Mais promettez-moi de ne pas être fermée sur le sujet.
— Je vais essayer. Peut-être qu'un baiser m'aiderait, qu'en pensez-vous ?
— Vous ne perdez pas le nord mademoiselle.
Ils passèrent le reste de l'après-midi à s'embrasser dans les jardins, bien à l'abri des regards. Il fut difficile pour l'un comme pour l'autre de se quitter, mais ils s'obligèrent à se séparer quand ils aperçurent le jeune cuisinier marcher vers le château, non loin d'eux.
Quand Clothilde regagna sa chambre, elle ne se rappelait pas avoir était si heureuse de toute sa vie. Ambroise était gentil, patient et tellement beau, qu'elle devait régulièrement se pincer pour être sûre de ne pas être en plein rêve. Et le mieux, c'est qu'il lui avait avoué être amoureux. L'était-elle elle aussi, amoureuse ? Du peu qu'elle en connaissait à travers quelques-uns de ses livres, il lui semblait que oui. Elle souffla de béatitude et croisait les doigts pour que le destin ait enfin fini de s'acharner sur elle. Elle se sentait prête à vivre une vie presque normale en compagnie de son Comte.
L'image de son père traversa son esprit et son moral dégringola en l'espace de quelques secondes. Comment pouvait-elle se mettre en tête de telles idées ? Jamais son père n'accepterait qu'elle sorte du château. D'un coup elle paniqua. Le Duc finirait bien par apprendre sa relation avec Ambroise, et elle ne savait pas ce qu'il se passerait à ce moment-là. Il était capable de faire du mal au futur Comte pour protéger son secret, et si cela se produisait, elle ne se le pardonnerait jamais. Elle se demanda alors s'il ne serait pas préférable de tout arrêter, mais son cœur, bien plus fort que sa raison, ne pouvait lui permettre de renoncer à Ambroise. Il avait un goût de bonheur et de liberté dont elle ne pouvait plus se passer. Ses bras étaient devenus son refuge et elle n'imaginait plus une vie sans lui.
VOUS LISEZ
Apparences et révélations
RomansaNouvelle à retrouver sur Fyctia pour le concours Lords & ladies. Clothilde, premier enfant du Duc et de la Duchesse d'Orléans était promise à un bel avenir. Mais alors âgée de dix ans, un accident tragique vient tout remettre en question. Déclarée m...