Chapitre 13- Clothilde

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Un bras au creux de celui d'Ambroise, elle semblait tétanisée quand la porte s'ouvrit sur eux.

— La Duchesse d'Orléans accompagnée de sa fille Élisabeth d'Orléans, annonça l'homme.

La mère de Clothilde et sa sœur avancèrent avant qu'il ne reprenne :

— Le Comte et la Comtesse de Montluçon ainsi que leur fils Ambroise de Montluçon accompagné de Clothilde d'Orléans.

Le silence se fit instantanément dans la salle. Tous les regards se tournèrent vers Clothilde dont les cheveux tirés dans un chignon bouclé ne pouvaient dissimuler sa longue cicatrice. Ambroise réaffirma sa prise pour lui montrer son soutien et elle se faisait violence pour garder la tête haute. Les messes basses commencèrent et des regards d'abord curieux se transformèrent rapidement en dégout. Clothilde retenait difficilement ses larmes, mais son souffle se coupa complètement quand la voix du Duc d'Orléans surpassa le brouhaha.

— Ma pauvre fille Clothilde est morte il y a bien longtemps, qui ose salir sa mémoire ?

Lorsqu'ils avaient parlé de la soirée, il avait été décidé que seuls Ambroise et Clothilde affronteraient le Duc dans un premier temps. Mais que si besoin, la Duchesse et sa fille viendraient confirmer les dires du couple.

— Pourtant votre fille est bien là. Je suis moi-même allé la chercher au couvent de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume. Ne pensez-vous pas que onze ans enfermée dans un château en la faisant passer pour morte étaient déjà bien suffisants ? Il fallait en plus que vous l'exiliez dans un couvent ?

— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Mais je vais vous répéter ce que je vous ai dit il y a deux mois, devant témoin cette fois-ci : vous n'aurez pas le titre de Duc d'Orléans ! Ce n'est pas parce que je vous ai refusé la main d'Élisabeth qu'il faut maintenant inventer cette supercherie en vous mariant à cette pauvre jeune femme qui n'est certainement pas ma défunte fille.

Les messes basses reprirent et Ambroise savait qu'il venait de perdre des points, mais il n'avait pas dit son dernier mot.

— J'ai pourtant avec moi sa mère, sa sœur ainsi qu'un cochet qui sont prêts à le jurer devant Dieux.

— Cet homme est un arriviste qui ne cherche qu'un titre, veuillez faire venir les gardes je vous prie ! cria le Duc à la cantonade, commençant néanmoins à perdre de sa superbe.

— Je suis votre fille ! Je suis née et j'ai vécu mes dix premières années à Orléans avec ma sœur Élisabeth. J'ai même bercé mon frère la première année de ma vie. Mais après avoir souffert physiquement d'un accident, vous m'avez brisé le cœur en me reniant et me cachant.

— Cette femme est folle, il est clair qu'elle veut elle aussi récupérer un titre qui ne lui appartient pas.

— Nous ne voulons pas de votre titre Monsieur le Duc, reprit calmement Ambroise. Juste que vous laissiez Clothilde vivre sa vie et m'épouser.

— Épousez ce monstre si cela vous chante, mais je vous le dis et vous le répète, cette fille n'est pas la mienne. Vous n'aurez pas un centime de ma part.

— Bien, nous savons vous comme moi la vérité, mais si vous nous promettez de nous laissez tranquille, nous ne ferons pas plus de vague. La salle en est témoin.

— Vous êtes mon père, intervient Clothilde d'une voix déterminée.

Les regards se posèrent alors sur elle d'un seul mouvement, comme si cela avait été chorégraphié.

— Nous venons d'admettre que non, maintenant si vous voulez bien m'excuser, commença à partir le Duc.

Des rires se faisaient entendre dans toute la salle, mais la jeune femme ne broncha pas.

— Je peux le prouver !

Le silence revint après un « oh ! » commun.

— Baliverne ! s'écria le Duc.

Clothilde remonta la manche de sa robe et la brandie en l'air.

— Nous avons la même tache de naissance exactement au même endroit. Si ce n'est pas une preuve, je ne sais pas ce que c'est.

— Je... Je n'ai pas de tache, je ne suis pas un monstre moi.

— Monsieur le Duc... Je ne veux pas vous manquer de respect, mais si vous insultez de nouveau ma fiancée, je me ferai un devoir de sauver son honneur, affirma Ambroise sèchement.

— Prouvez-le ! cria Clothilde au-dessus des discussions de la salle qui ne faisaient que grandir face aux rebondissements.

— Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous.

— Non, mais de moi, vous ne pouvez décliner la demande, intervint le Duc de Lansay bien plus important et fortuné que le Duc d'Orléans.

— Allons, mon ami, vous n'allez pas croire cette petite arriviste ?

— Je ne crois que ce que je vois mon... ami !

Le duc de Lansay hésita bien sur le mot ami. Il était connu que les deux hommes ne s'appréciez guère, mais pour une histoire d'argent et de terres, ils faisaient en sorte de faire bonne figure en société.

Le Duc d'Orléans, vaincu, remonta sa manche et montra son bras immaculé. Les têtes se tournèrent toutes de nouveaux vers Clothilde.

— L'autre bras... Père.

Elle énonça cette affiliation comme si elle était prête à vomir.

Le visage du Duc d'Orléans blêmit, car il savait qu'il avait perdu la bataille.

Apparences et révélationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant