Comme tous les lundis, jeudis et samedis depuis ce fameux après-midi où il avait insisté pour discuter avec Clothilde et dont il avait enfin compris une partie des raisons qui la poussaient à se cacher, Ambroise emprunta l'allée du château où elle vivait. Il avait pris l'habitude de se faire discret comme lui avait demandé la Duchesse d'Orléans ainsi que sa fille, c'était la seule condition qu'elles lui avaient imposée pour avoir le droit de venir.
Avant d'arriver à la fontaine qui trônait devant l'entrée du château, il tourna à droite sur le petit chemin le conduisant dans les jardins au fond de la propriété, bien à l'abri des regards du monde extérieur, mais aussi du personnel. Même si Clothilde avait toute confiance en eux, elle ne voulait prendre aucun risque. Ambroise n'avait pas encore osé lui poser toutes les questions qui le tracassaient au sujet du mensonge sur sa mort et le fait qu'elle soit enfermée ici, telle une prisonnière, mais il ne doutait pas que sa cicatrice au visage en soit la raison. Les apparences étaient encore et toujours le cœur des problèmes de la haute société. Il s'était tout de même enquis, lors de leur première balade, de la situation avec Élisabeth, la sœur de Clothilde, et il avait été rassuré quand cette dernière lui avait raconté la suite du bal. Depuis, Élisabeth était revenue lui rendre visite deux fois et il sentait bien que cela réjouissait Clothilde au plus haut point. Elle n'avait jamais paru aussi heureuse que le jour où sa sœur les avait accompagnés faire le tour des remparts, mais il avait également remarqué son regard triste lorsque Élisabeth et lui parlaient de leurs sorties en ville ou de la vie en général. Depuis il n'avait qu'une seule idée en tête, faire découvrir le monde à Clothilde. Malheureusement, il ne la pensait pas encore prête à ne serait-ce que l'envisager.
Il sentait déjà bien qu'il fallait du temps à la jeune femme pour se familiariser à sa présence. Elle qui n'avait jamais connu que la solitude, n'était pas toujours sereine lors de leurs entrevues. Pourtant, Ambroise faisait preuve d'une extrême patience ne voulant pas la brusquer. Il arrivait quelquefois qu'ils passent une demi-heure à se promener sans échanger un mot, Clothilde sursautait même quand elle prenait finalement conscience qu'elle n'était pas seule comme elle en avait l'habitude.
Il l'aperçut de loin à leur point de rendez-vous et son sourire s'élargit. Plus les jours passaient, plus il la trouvait jolie. Bien sûr sa cicatrice n'était ni fine ni discrète, mais elle faisait partie d'elle. À force, il ne la voyait quasiment plus, car pour lui, Clothilde ne serait pas Clothilde sans elle. Les mensonges du Duc et leurs conséquences le mettaient hors de lui. Il ne pouvait imaginer pouvoir faire une chose pareille à son propre enfant, la chair de sa chair, son propre sang. Un père ne devait-il pas être celui qui protège son enfant quoiqu'il puisse advenir ? D'un autre côté, il se disait aussi que sans ce drame, jamais il n'aurait rencontré cette merveilleuse femme qu'il apprenait à connaitre depuis plus de quatre mois. La place d'ainée de Clothilde la destinait au titre de future Duchesse d'Orléans, et n'étant que fils de Comte, il n'aurait jamais pu s'en approcher autrement qu'en étant ami. Or, aujourd'hui, il espérait bien plus de leur relation et peut-être qu'un jour, malgré leurs titres, malgré les mensonges, malgré le Duc, il pourrait demander la jolie jeune femme en mariage et vivre fièrement à ses côtés. Il était prêt à perdre tout titre de noblesse, si cela lui permettait d'avoir une vie heureuse auprès d'elle. Sa candeur et son innocence sur le monde étaient une réelle source de fraicheur face au peuple qu'il côtoyait tous les jours. D'un côté, il aimerait lui aussi l'enfermer, mais pour la protéger de la noirceur des hommes, mais de l'autre, il voulait aussi lui faire découvrir toutes les belles choses dont elle avait été privée.
— Clothilde, comment allez-vous aujourd'hui ?
— Parfaitement bien je vous remercie et vous ?
— Beaucoup mieux depuis que je suis avec vous.
Ses joues rosirent sous le compliment.
— Des problèmes avec vos sujets ?
— Rien de bien méchant. Une petite guerre entre deux marchands qui m'ont pris à témoin ce matin. Par chance, je pense que cela est terminé, du moins jusqu'à la prochaine fois. Et vous, qu'avez-vous fait hier, ou même ce matin ?
— J'ai terminé l'un de mes romans, et j'ai cuisiné avec notre nouveau chef. Il m'a appris à faire de la pâtisserie.
— Vous cuisinez ?
— Oui, j'aime beaucoup et cela occupe mon temps.
— J'aimerais beaucoup goûter ce que vous faites !
— C'est vrai ? Je vous en ramènerai la prochaine fois.
Après un léger silence, Ambroise prit une grande inspiration et demanda :
— Je sais que cela va surement vous effrayer, mais que diriez-vous de venir visiter ma propriété la prochaine fois, pour changer de décor ?
— Oh... Je ne pense pas que cela soit raisonnable. Et si quelqu'un me voyait ?
— Vous ne pourrez pas rester enfermer ici toute votre vie Clothilde.
— C'est pourtant ce qui est prévu.
— C'est ce que vous souhaitez ? Rester ici, seule, jusqu'à la fin de vos jours ?
— Je ne suis pas... Que sous-entendez-vous Ambroise ? Qu'il faudrait que je sorte et que je sois montrée du doigt comme le monstre que je suis ! Que je sois la risée de ma famille et que je leur fasse du tort ? Pourquoi cela vous intéresse-t-il d'abord ? Il se passe quelque chose entre votre famille et la mienne que j'ignore ?
— C'est comme ça que vous me voyez ? Un homme arriviste qui profiterait de vous à des fins personnelles ? Parce que si c'est le cas, sachez que vous me brisez le cœur Clothilde. Depuis des mois j'essaie de vous faire comprendre en douceur que vous me plaisez. Que j'aimerais vous faire découvrir le monde auprès de moi ! D'un autre côté, ma part égoïste souhaiterait ne pas courir le risque que vous rencontriez un homme mieux que moi et donc vous garder cachée. Vous vous apercevrez bien vite qu'il y a beaucoup de personnes qui adoreraient connaître la belle femme que vous êtes. Plus je vous voie, plus j'ai envie de tout savoir sur vous, de vous tenir dans mes bras, de diner avec vous, de me promener avec vous, de danser avec vous, même de ne rien faire avec vous. J'ai l'espoir fou qu'un jour je pourrais vous embrasser et bien plus encore, et cela même au milieu d'une foule qui nous regarde. Vous n'êtes pas comme toutes ses filles qui s'intéressent à moi pour mon titre, ou celle qui pourrait devenir ma femme, mais qui me semblent bien fades en comparaison. Je suis complètement tombé amoureux de vous Clothilde, et loin de moi l'idée de vous faire du mal. Mais je ne veux plus me cacher, je veux montrer au monde entier la jolie femme que vous êtes, et de préférence à mes côtés.
— Je... Je ne sais pas quoi dire...
— Pensez-vous vraiment que je profite de vous Clothilde ?
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Apparences et révélations
RomanceNouvelle à retrouver sur Fyctia pour le concours Lords & ladies. Clothilde, premier enfant du Duc et de la Duchesse d'Orléans était promise à un bel avenir. Mais alors âgée de dix ans, un accident tragique vient tout remettre en question. Déclarée m...