Douleur

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Jessica:

Aïe! Aïe! Aïe! Je me pliais en deux tandis que Débie fit de même. Mais qu'était-ce cette douleur? Elle me provenait de tout mon corps et je pense que Débie avait la même sensation, car elle se roulait à terre comme une chenille dans un sac de couchage. Je sais, mes pensées étaient bizarres à ce moment là, mais bon, je souffrais trop.

Je vis le majordome paniqué, ne sachant quoi faire.

La douleur, après quelques minutes, finissait pas s'estomper. Je me relevai de ma position assez étrange, et Débie fit de même.

— Que c'est-il passé, mesdemoiselles? dit-il.

— Une douleur atroce, me parcourant tout le corps, m'a frappé, dis-je.

— Pareil, dit Débie en se tenant le ventre à deux mains.

— Il faut vite faire quelque chose, dit-il. Donc voilà, avant qu'il soit trop tard pour que vous échangiez de nouveau vos corps, mon idée est...

— Quoi! cria Débie. Il est possible que nous ne retrouvons jamais nos vrais corps, dit-elle?

— Ouais, il est hors de question que je reste dans le corps d'une looser comme elle, dit Jessica d'un ton ferme.

— Stop! Ressaisissez-vous, les filles! Nous allons jamais réussir si vous réagissez comme ça à chaque supposition que je fais.

Je maugréai, suivis d'un soupir que j'entendais de la bouche de Débie.

— Donc, comme je disais, essayez de vous rappeler de votre première rencontre. Que s'était-il passé? demanda le majordome.

— Hum... dit Débie. C'était en maternelle, dis-je. Nous n'allions pas à la même école, mais il y avait un concours de conjugaison de troisième année, et même si nous n'étions pas dans ce niveau, nous l'avions fait. Nos écoles étaient en compétition. J'avais gagné et ça avait rendu folle de rage Jessica.

Je fulminais.

— Donc les rivalités avaient déjà commencé? dit-il surpris.

— Oui, dis-je entre les dents.

— Écoutez, moi aussi, dans mon jeune temps, la même situation est arrivée, dit-il.

— Vous voulez dire que vous aussi, vous aviez échangé de corps dans votre jeunesse? dit Débie.

— Oui, j'avais échangé de corps avec mon ennemi, moi aussi. Il s'appelait Antoine. Nous avions été une semaine dans le corps de l'autre, jusqu'à ce que la douleur soit trop insupportable pour nous permettre de bouger. Ce que vous ressentez est le signe que votre temps est compté. Si vous ne trouvez pas vite une solution pour retourner dans le corps de l'autre, non seulement vous resterez dans ce corps jusqu'à votre mort, mais qui est proche. Dans quelques jours, au maximum une semaine, vous mourrez à cause des douleurs qui vous persécuteront. Elles vont être de plus en plus intenses, de plus en plus souvent, dit-il.

— C'est vrai que depuis que nous avons échangé de corps, je me sens bizarres, dis-je.

— Pareil, dit Débie. Mais comment avez-vous fait pour retourner dans votre corps?

Le majordome prit une grande inspiration, comme si cela lui rappelait des souvenirs tassés dans un coin de son sa mémoire depuis des lustres.

— Nous étions ensemble, dans un parc. Nous sentions que notre corps était en train de nous lâcher, lorsque nous nous échangions des excuses sincères, que nous pensions être nos dernières paroles. Nous nous sommes évanouis de douleur et nous nous sommes réveillés, le lendemain matin, dans notre corps respectif, dit-il.

— Donc si je comprend bien, dit Débie, il suffit que nous nous excusions pour que tout se règle?

— Bien sûr que non, débile! dis-je. Tu ne l'as pas entendu? Des excuses sincères, que le majordome a dit.

— Mais comment pourrions-nous nous pardonner si nous nous insultons ainsi, dit-elle.

— Elle a raison, dit Gilbert. Vous devez passer du temps ensemble, à apprendre à vous connaître. C'est la clé. En vous connaissant mieux toutes les deux, vous verrez qu'une vraie complicité peut s'insérer entre vous.

— Comment le savez-vous, Gilbert? dis-je.

— Je vous rappelle que j'ai vécu votre situation. Entre moi et Antoine, une vraie complicité s'est formée, et depuis ce jour, nous sommes toujours en contact. Nous sommes de très bons amis depuis ce jour. Cela doit bien faire cinquante d'années, mais cet événement dans notre vie nous a permis de devenir amis. Ne l'oubliez pas. Vous n'avez pas été choisis au hasard, il y a une raison.

Debie m'avait regardé, l'air de dire: il n'y a rien à perdre. Mais moi, je n'aimais pas cette idée.

— S'il vous plaît, mademoiselle Jessica. Faites un effort! dit le majordome.

Je finis par flancher.

— Ok, mais nous devons quand même prendre un peu nos distances à l'école, dis-je.

— D'accord, dit-elle, mais n'oublie pas que notre temps est compté.

J'avais goût de tuer Débie!

Débie:

J'étais en chemin avec Gilbert pour revenir chez «moi». Le marché avec Jessica me convenait, bien que mal. Je ne pouvais pas dire que ça me plaisait à 100% d'apprendre à mieux connaître la fille qui m'intimide depuis des années, mais comme avait dit Gilbert, nous n'avions pas le choix. Mais j'avoue que j'avais très peur. Notre temps était compté, avait bien dit le majordome. Surtout qu'il avait dit que nos douleurs allaient devenir encore plus intenses, ce qui était bien pire que les crampes de menstruation de Jessica, soit disant passant. Ne me demandez pas pourquoi à ce moment précis, entre la vie et la mort, j'avais pensé à ça.

Gilbert prit alors la parole.

— Mademoiselle Jessica vous a mené la vie dure à ce point? demanda-t-il.

Je hochai la tête. Je savais que Jessica était jalouse, même si elle n'avait jamais osé l'avouer. Mais je n'étais pas mieux qu'elle, car même si je me défendais, je n'avais jamais essayé de faire la trêve avec elle, ou juste essayé de me mettre à sa place.

— Demain, après l'école, je viendrai, toi et Jessica, vous chercher à l'école, dit le majordome. Vous devez passer le plus de temps ensemble, même si vous n'en avez pas envie. Mais attention, tout pourrait se compliquer si quelqu'un se soupçonnait de quoi que ce soit, dit-il.

— Ça vous est arrivé, demandai-je?

— Oui, j'avais fait l'erreur d'en parler à ma blonde à l'époque, Émeraude. Elle avait deviné que quelque chose clochait avec Antoine qui était moi, alors je lui avais avoué. Elle m'avait fait interner en psychiatrie sans la moindre hésitation. Je ne l'ai plus jamais revu depuis. Elle n'allait pas à la même école que moi. Une chance qu'Antoine était venu me chercher! dit-il.

Il avait l'air de parler comme si tout cela était normal. Sûrement qu'avec le temps, il ne se posait plus de question sur le comment que tout cela était possible. Nous arrivions chez Jessica, je rentrai et je me préparai pour aller chez la coiffeuse.

KarmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant