Chapitre 19

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Ils avaient fini par tous se rejoindre. Le prince préférait attendre son père, pour que Cirus leur explique la situation. Ils s'étaient installés dans la grande salle privatisée, où les sofas étaient confortables. Le Roi Hildur ne tarda pas à faire son entrée. Il parla à son fils, d'une voix inquiète.

« Cirus, dit Morgareth, je t'en pris, parle. »

Tout le monde n'attendait que ça, et le jeune homme ne voulait point les effrayer. Comment tourner ses phrases pour que la nouvelle paraisse... moins terrifiante ?

« Bien, soupira-t-il, tout en cherchant ses mots. Sachez d'abord que les reflets sont des êtres bornés, qui aiment s'amuser. Il est donc difficile de comprendre tout ce qu'ils souhaitent expliquer, avec l'espoir qu'ils ne nous mentent pas.

– Viens-en aux faits, pressa le prince.

– Si le contact avec Praelni est difficile, c'est parce qu'il a disparu... de tout Edhira. »

Moragreth écarquilla des yeux sous l'annonce. Un silence de plomb accompagna l'ambiance imprégnée d'angoisse, avant que Lynsa, la voix fébrile, ne le rompe :

« Comment... c'est possible ?

– Je ne sais pas, dit Cirus, peut-être est-il parti se réfugier dans un autre monde ?

– Se réfugier ? Et laisser son peuple ainsi ?! s'énerva le prince. Il aurait pu au moins prévenir mon père. C'est inadmissible pour un Dieu ! »

Le Roi plaqua sa grande main sur le bras de son fils, pour l'inviter à se calmer. Il avait saisi la gravité de la situation, mais attendit que son fils lui traduise les dires de l'alosien. Et alors qu'il entendit ses mots, son expression se durcit. Sa crainte n'était pas visible, mais elle était pourtant bien là.

« Ce n'est pas tout... », susurra le jeune étranger, espérant presque qu'ils ne l'entendirent pas.

Tout le monde focalisa à nouveau son attention sur lui.

« Je n'y avais pas pensé, mais lorsque les reflets s'alignent, bien que ce soit un phénomène rare et ayant peu de conséquences, si quelqu'un cherche à créer le chaos, alors ce n'est pas si difficile. »

Il marqua une pause, puis continua :

« L'alignement signifie qu'un seul et unique chemin amène à tous les mondes de cet univers. Tous sans exception. Même les plus effroyables, comme celui des morts.

– C'est-à-dire ? s'impatienta le prince.

– Sans connaître la réelle motivation de celui qui pourrait s'en servir, je ne peux rien vous prédire de concret. Cela dit, le monde des morts est un endroit bien particulier. Son dessein est de récupérer toutes les âmes des défunts, et ce, peu importe le monde dans lequel ils viennent. Nous sommes tous voués à nous y trouver un jour. C'est ainsi qu'il est différent des autres mondes de notre univers. Il est la dernière destination de tout être. Ce n'est pas un lieu pour les vivants. Personne ne peut s'y rendre, pas même les aligne-reflets. Le chemin vers celui-ci ne s'ouvre que lorsqu'on viendrait à mourir, ou dans le cas exceptionnel d'un alignement des reflets. »

Cirus croisa les bras, le regard pensif, tout en continuant :

« Et c'est là le souci. Les lois qui régissent la vie et la mort pourraient se voir chamboulées, si quelqu'un venait à utiliser ce passage pour se rendre dans ce monde. Les âmes pourraient s'échapper. Les vivants pourraient s'y perdre. Et alors les morts n'auraient plus de lieu d'accueil, ce qui les laisserait vaquer dans l'espace éternel et la solitude assourdissante. À moins que leur âme ne disparaisse à jamais, qui sait. Ce qui est sûr en revanche, se reprit-il en focalisant son regard sur ces hôtes, c'est que le commencement et la fin n'auraient plus aucune légitimité. Tout perdrait son sens, plus rien ne vaudrait de vivre, ni de mourir. »

Edhira : La Disparition du Dieu mauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant