Chapitre 1

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‒ Sur Terre  ‒ 

« Amélia Lockheart ! cria la tante Brownhill. Ne pouvez-vous pas faire ce que je vous demande correctement, pour une fois ?! Vous me faites honte devant nos invités de ce soir ! »

Madame Valéria Brownhill, de sa longue robe au décolleté osé, se tenait face – dans sa cuisine ‒ à Mélia. Cette dernière, aux longs cheveux ondulés couleurs miel, et aux yeux chocolatés, ne savait quoi répondre. Devait-elle dire à sa tante aigrie, que si son fils Léandre ne savait se tenir à table, il en venait de l'éducation donnée par ses parents ?

Difficile pourtant, de tenir tête à cette femme si rude, dont les cheveux noirs sous un chignon sophistiqué, s'ébouriffaient de colère.

« Je suis désolée, ma tante, répondit la jeune femme, Léandre est beaucoup trop agité ce soir, je ne peux...

‒ Arrêtez de vous trouver des excuses, et remettez-vous au travail ! s'égosilla la trentenaire.

‒ Ce n'est pas une excuse ! s'offusqua Mélia. Je ne peux m'occuper des plats et de vos enfants en même temps ! »

Une main brutale et froide s'effondra sur la joue de la demoiselle.

« Baissez d'un ton, s'indigna la femme. Je comprends que vos parents ne vous aient pas inculqué les bonnes manières, mais maintenant que vous êtes chez nous, vous êtes censé les avoir acquises. À présent, retournez dans la salle à manger et occupez-vous des enfants. Vous vous occuperez des desserts, plus tard. »

A ces mots, Madame Brownhill quitta la pièce. Mélia passa sa langue sur ses lèvres et le goût du sang s'imprégna de suite dans sa bouche, comme le goût amer de l'humiliation. La demoiselle savait très bien qu'elle ne devait pas provoquer sa tante, si elle voulait pouvoir vivre au manoir encore quelque temps.

Amélia ‒ plus communément appelée Mélia ‒  fut rapidement adoptée par un oncle éloigné, après la mort de son père. Cette nouvelle famille, sortie de nulle part, était venue la sauver des rues et l'abriter dans un luxueux manoir, loin de la pauvreté dans laquelle elle avait toujours vécu.

Mélia l'apprit plus tard, mais cette chance cachait un dessein bien moins fantastique. Leur richesse ne s'exprimait que dans l'apparence de leur grande habitation. Cette dernière était bien délabrée, faute de moyen, et les écuries n'accueillaient plus aucun animal depuis longtemps.

Les Brownhill avaient bien un Majordome, mais le pauvre Monsieur était tellement fatigué par son vieil âge, qu'il s'endormait parfois en tenant la porte aux invités. Mélia sembla être la solution à leur problème. La jeune femme à la recherche d'un toit, était parfaite pour effectuer toutes les tâches de la maison, et cela sans réclamer quoi que ce soit de plus en retour.

Elle avait dû apprendre à servir contre le gîte et le couvert, passant rapidement de la nièce à la bonne, au sein de ceux qui l'avaient accueillie. La plupart du temps, elle s'occupait des tâches ménagères ingrates, des repas et des enfants. Cela durait maintenant six ans, et elle n'avait toujours pas trouvé le moyen de partir. Passionnée par la flore, elle espérait un jour prendre son envol et ouvrit sa petite boutique d'herboristerie.

En attendant, elle devait s'occuper des deux enfants de la famille : Léandre, l'aîné de douze ans et Adrina, sept ans, aux longs cheveux noirs comme sa mère.

Mélia avait rejoint la salle à manger.

Les couverts s'entrechoquaient et les discussions allaient bon train entre les hôtes et leurs invités. Léandre était parti se défouler dehors ‒ au grand soulagement de tout le monde. Quant à Adrina, elle ne décollait pas de son père, recevant parfois les regards foudroyants de sa mère, assise face à elle.

Edhira : La Disparition du Dieu mauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant