Chapitre 4

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« Comme on se retrouve », lança l'étranger.

Il n'était pas habillé pour survivre à cette température. Ses lèvres gercées avaient viré au violet. Il était couvert uniquement d'un haut peu épais et d'un pantalon noir sans poches. Ses manches étaient mi-longues et recouvertes de symboles étranges bleus, à leur extrémité.

« Vous êtes frigorifié ! s'exclama-t-elle.

‒ J'avais oublié qu'il faisait si froid ici, bien que les terres igoliennes soient pires. »

Mélia se débarrassa de son lourd manteau et s'approcha de l'individu pour le lui tendre.

« Venez avec moi, dit-elle, allons nous réchauffer dans l'une de ces petites échoppes.

Il refusa de la main et ajouta :

« Je vous remercie, mais ce n'est pas la peine. Je comptais justement repartir.

‒ Acceptez au moins mon manteau jusqu'au manoir.

‒ Je n'ai plus besoin de m'y rendre pour sortir d'ici. Je viens de créer une autre ouverture au niveau de cette petite fontaine. »

Derrière lui se trouvait une source d'eau, gelée par le froid.

« Les liquides en général, ont toujours été intéressants pour les passages entre les mondes, expliqua-t-il. Même solides, ils ne perdent pas leur capacité à refléter la lumière.

‒ Donc, vous n'avez plus besoin de passer au travers de mon miroir pour venir sur Terre ? »

Une pointe d'amertume se fit sentir dans sa voix, alors qu'elle remettait son manteau.

« Non, répondit-il hypnotisé par la condensation qu'elle dégageait en parlant, vous pouvez vous en débarrasser si vous le voulez. »

Elle ne sut quoi répondre sur le moment.

« Très bien, finit-elle par dire. Je suis navrée, mais je dois y aller, au plaisir de vous revoir un jour. »

À ces mots, elle se retourna, comme contrariée. Et alors qu'elle s'éloignait de lui, il lança :

« Au fait, je m'appelle Cirus. »

Elle fit volte-face immédiatement, mais il avait déjà disparu. Nous aurions pu croire que le rouge qui venait de lui monter aux joues était dû au froid, mais c'était tout autre chose.

Il était bientôt l'heure de récupérer les enfants, alors la demoiselle se hâta.

Les jours suivants, elle n'avait cessé de songer au jeune homme. Maintenant que l'inconnu avait un nom, il hantait encore plus profondément ses pensées. Elle ne s'était finalement pas résolue à se débarrasser du miroir, bien que laisser la porte ouverte à une personne qu'elle ne connaissait pas puisse être incongru.

Le monde dont il avait parlé l'intriguait au plus haut point. Et malheureusement, toutes les fois où elle avait tenté de passer au travers de son miroir s'étaient soldées en échec. Peut-être était-ce mieux ainsi ?

Un soir, la famille de madame Brownhill était venue pour le souper. Mais une fois les invités partis, monsieur et madame s'étaient engagés dans une conversation houleuse. Il était possible de les entendre dans toutes les pièces du manoir, même jusqu'à la piteuse chambre de la jeune femme, au dernier étage. Elle s'y était d'ailleurs réfugiée, une fois qu'elle eut couché les enfants.

L'oncle avait flirté lors du repas de famille avec la sœur veuve de madame. Valéria s'était attaquée à lui, une fois qu'ils s'étaient retrouvés seuls. Elle l'avait vu de ses propres yeux. Sa sœur et son mari indécents s'étaient joués d'elle devant tout le monde. Cet affront insupportable avait touché l'estime de madame au plus haut point. Elle hurlait tout ce qu'elle pouvait sortir de sa bouche de vipère. Pour monsieur, c'était elle la coupable. Après tout, elle ne savait lui montrer de l'importance et était incapable d'être une bonne épouse. Si elle lui montrait un peu d'attention, alors jamais il n'aurait osé telles manières ‒ n'est-ce pas ?

Edhira : La Disparition du Dieu mauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant