Chapitre 9 - Toute la vérité, rien que la vérité

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Je reste comme deux ronds de flanc pendant quelques secondes très gênantes avant que mon corps ne se décide enfin à bouger. Tâchons de laisser un peu d'intimité à ce couple qui s'en fout comme de l'an quarante, hein ?

Je prends mes jambes à mon cou avant que les choses ne deviennent trop PG-18 et fuis la situation dans l'entrée. Et merde. Tomber de Charybde en Scylla, le retour. Ma vie est une énorme pièce de théâtre.

La lumière du soleil levant qui passe à travers les fenêtres carrées de la pièce me révèle la silhouette de l'Indien qui m'a mis les nerfs en pelote il n'y a pas deux heures. Il est debout au milieu des meubles, l'air très mal à l'aise dans sa peau. Comme s'il ne savait pas sur quel pied danser. Tant mieux pour sa pomme, parce que sa simple vue ne me donne certainement pas envie de lui faciliter les choses. Plutôt le contraire, en fait. Il regarde ses pieds, ne lève pas les yeux sur moi quand j'entre dans un boucan pas possible dans ma hâte de quitter la scène de crime de la cuisine. Donc, il sait pertinemment que je suis là, mais il ne sait juste pas comment aborder le sujet avec moi. Ou peut-être qu'il ne veut pas l'aborder du tout, peut-être ?

Peu importe. Il va en baver.

Je fais comme si je ne l'avais pas vu et saisis ma valise à la volée puis me dirige vers les escaliers que je monte quatre à quatre. Arrivée en haut, je souffle un grand coup. On dirait que je la retenais depuis longtemps celle-là. Je file vers ma chambre pour prendre de quoi me doucher et vais m'enfermer dans la salle de bain. Une fois sous le jet d'eau tiède, je m'autorise enfin une petite introspection :

Ça va être dur. Genre, très dur. Parce que même si l'envie de l'ignorer est impensablement forte, j'ai aussi envie de lui sauter dessus dès que je le vois. Il paraissait tellement triste et faible dans l'entrée, je ne voulais qu'une chose : le prendre dans mes bras, le rassurer, l'embrasser... et il n'en est absolument pas question ! S'il croit qu'il m'aura de nouveau avec son petit numéro de chien battu.

« C'est comme ça qu'il faut faire pour t'avoir alors ? Verser quelques larmes, te chauffer un peu, et le tour est joué ! »

Je ne sais pas s'il le pensait vraiment ou si ses mots ont dépassé sa pensée sous le coup de l'émotion, mais il est hors de question que je lui donne raison. Il me suffit de repenser à son expression quand il m'a balancé ça à la figure pour que je sente ma poitrine s'ouvrir sur un trou béant beaucoup trop douloureux pour que je puisse y faire face longtemps encore.

Je ne sais pas comment on va faire. Je n'ai aucune envie de lui pardonner, mais d'un autre côté on en bave tous les deux. On s'est autant blessé l'un que l'autre tout-à-l'heure, mais le problème c'est qu'on se connaît à peine ! Je ne sais pas si ça vaut le coup d'essayer de ramasser les morceaux. S'il m'en veut autant que je lui en veux à lui, on est mal partis...

Ça me fatigue, toute cette histoire. Je crois que j'ai bien besoin de prendre mon ordi et sortir quelques sons de ma tête.

Je repose mon front contre le carrelage de la douche et ferme les yeux. Une mélodie naît dans mon esprit tout doucement, une mélodie qui exprime le dilemme qui m'habite. Une fois qu'elle a un semblant de forme, je commence à la chanter du bout des lèvres. Petit à petit, j'entends les basses graves qui devraient mettre l'air principal en valeur, je distingue les violons rapides du refrain, mes doigts tapotent contre la faïence des parois de la douche et le chant prend davantage de rythme. J'entends complètement la mélodie, je sais ce à quoi je veux qu'elle ressemble, je sais ce que je veux que les gens ressentent en l'écoutant.

Je saute de la douche, m'habille à la va-vite, cours dans ma chambre, prépare mon sac avec mon ordinateur et mon casque et sors de la maison. Il n'y a plus personne dans l'entrée.

Entre Louve et loup - Twilight (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant