"We're alone, let down your guard,
Even when you feel hard to love.
I'll go before you,
Be the light for you."
I Won't Let You Down – Erin McCarley.
— Qu'est-ce qu'on fait ici ? soufflé-je en reconnaissant le complexe sportif de Bercy.
Le moteur de la petite Peugeot grise s'arrête, mais ma meilleure amie ne comble pas le calme pesant qui se forme dans l'habitacle. Elle se contente de sortir de la voiture pour se diriger vers son coffre et en sortir son sac de sport, ainsi que celui qu'elle a pris dans mon placard avant de partir.
— Suis-moi, m'ordonne Willow quand je me décide enfin à quitter mon siège.
Une anse sur chaque épaule, elle me guide jusqu'à la patinoire Sonja-Henie sans qu'aucun employé ne s'en inquiète. À l'aise, elle prend même soin de saluer chacun d'entre eux alors que moi, j'ose à peine les regarder, de peur qu'ils nous demandent ce qu'on fait ici et de quel droit on se permet d'entrer pendant les heures de fermeture. Sans un mot, nous avançons jusqu'au fauteuil rouge le plus proche de la piste de glace, et je me perds dans ma contemplation. Je croyais ne plus jamais te revoir... Focalisé sur l'étendue blanche qui semble m'appeler, j'ai déjà l'impression de ressentir le froid s'emparer de mes joues pour calmer le feu ardent de souffrance qui ne cesse de me consumer de l'intérieur.
— Bon, j'ai pas les clés des vestiaires. La plupart du temps, je suis déjà en tenue quand j'arrive ici et je me douche chez moi. On va devoir se changer là, mais t'en fais pas, on est que tous les deux, m'informe Willow, plus joyeuse qu'il y a quelques heures.
— Comment ça se fait que t'aies le droit d'entrer ici et de patiner seule ? demandé-je sans quitter la glace des yeux.
Soudain percuté par les mots qu'elle vient de prononcer mais que je n'avais écoutés qu'à moitié, je fais volte-face.
— Attends, comment ça « on » ?
— Ça a des avantages de s'appeler Hamilton... s'excuse-t-elle presque sans répondre à ma deuxième question.
— Will... Je peux pas...
— Tu te changes ou alors je te déshabille moi-même, me menace-t-elle, l'index en l'air.
Le cœur battant, je m'exécute. Après quelques minutes, Willow est déjà prête. Ses patins blancs au bout des pieds, elle attend patiemment que je me débatte avec ma jambe. Vêtue de la tunique bleu marine qu'elle portait lors du dernier championnat qu'on a remporté à deux, elle frotte ses cuisses au-dessus de son collant d'entraînement beige pour se chauffer un peu. Une fois en tenue, j'observe ma meilleure amie faire quelques étirements, sans réussir à enfiler mes patins noirs.
— Tu l'auras voulu, plaisante-t-elle en se baissant pour me les mettre elle-même.
Le sourire aux lèvres, elle ne prête pas attention à mon grognement désapprobateur et s'empresse de lacer ces souliers un peu spéciaux qui ont toujours régi ma vie. L'air fier, elle relève la tête vers moi comme pour m'encourager.
— J'avais pas besoin de ton aide, ronchonné-je.
— Physiquement, non. Mais psychologiquement, je suis sûre que si, m'assure-t-elle avec douceur en retirant les protèges-lames.
Une main tendue vers moi, elle attend que je me décide à la suivre. Hésitant, je lance des regards anxieux à la piste, avant de revenir sur elle à plusieurs reprises.
— Mon genou tiendra jamais...
Comme frappée par quelque chose d'invisible, Willow se précipite vers l'un des deux gros sacs de sport gris et en sort une attelle bleue.
— J'ai presque failli oublier ça... s'enquiert-elle, gênée.
Une question imprégnée dans les traits de son visage, elle fait quelques pas dans ma direction, puis je tends la jambe dans une réponse sourde. Soulagée, elle me met l'attelle avec application et attention sans perdre son sourire une seule seconde. Nous savons tous les deux que je suis capable de mettre ce truc tout seul, mais je crois qu'elle a raison : au fond, j'ai besoin que quelqu'un me pousse à faire le grand saut d'une manière ou d'une autre. Mon genou immobilisé, Willow m'aide à me relever et m'entraîne sur la glace. Incertain de ce qu'elle attend de moi, je ne bouge pas. Je me contente de laisser mes prunelles s'accrocher aux siennes pour la supplier de dire quelque chose.
— Attrape, lance-t-elle en me montrant son bras recouvert de dentelle noire.
D'une main, j'agrippe ses doigts, alors que j'entoure son poignet tout fin de l'autre. Soudain moins souriante, elle hoche la tête, les yeux brillants. L'émotion qui règne entre nous est si puissante qu'elle pourrait faire vibrer l'AccorHotels Arena tout entier. Willow prend une longue inspiration, avant de se retourner pour enclencher notre voyage étincelant d'espoirs détruits. D'abord lents, ses gestes finissent par s'accélérer et lorsqu'elle considère qu'elle a pris assez de vitesse, elle se retourne vers moi dans le but de patiner à reculons. Confiant, je lâche son poignet pour attraper sa main libre et remarque avec stupeur que tout devient flou.
La patinoire s'efface, les iris verts de ma meilleure amie aussi, seules mes larmes répondent présent. Beaucoup trop ému, je laisse mes paupières tout engloutir, et me concentre sur les sensations qui pullulent sur ma peau. Même si je ne patine pas vraiment, même si je ne fais que me laisser tirer par quelqu'un d'autre, la glace qui se déploie sous mes pieds et les bourrasques légères qui s'étalent sur mon visage me donnent envie de hurler. Hurler de joie ? Hurler de tristesse ? Je ne sais pas ; tout ce que je sais, c'est que hurler est aussi une façon d'être en vie, et en cet instant précis, il n'est plus question de survivre.
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Coucou tout le monde, comment ça va ?
Un petit chapitre tout doux avant le chapitre 8, j'espère qu'il vous fait du bien et qu'il vous plait. Je vous préviens par avance, comme un espèce de trigger warning, le chapitre suivant est vraiment compliqué. Il est assez dur et, petite anecdote : j'ai moi-même eu besoin d'une pause en l'écrivant tellement il a été difficile. J'ai eu besoin de reprendre mon souffle après l'avoir écrit et, croyez-moi, ça m'arrive jamais. Donc si vous êtes du genre sensibles, faites bien attention à vous quand vous lirez le prochain chapitre.
Bref, en tout cas celui-là était tout mignon, pour une fois et je profite de cette bonne ambiance pour vous remercier pour les 400 lectures sur Ne Saute Pas, ça me fait grave chaud au cœur. Je ne vous remercierai jamais assez pour votre soutien les potes.
Sans transition parce que mon cerveau fatigué en trouve pas :
Vous trouvez que Willow a bien fait de forcer la main à Axel sur ce coup-là ?
Vous avez un sport comme ça, vous, (ou alors autre chose qu'un sport) qui vous libère et qui vous emmène dans un monde loin de la réalité ?
Cette chanson, c'est la seule que je connais de l'artiste, mais je trouvais qu'elle allait bien à Willow et à sa façon d'être avec Axel, elle vous plaît à vous ?
Voilà, voilà, c'est tout pour moi, je vous dis donc à jeudi.
Prenez bien soin de vous les potes.
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Ne Saute Pas
Short StoryL'existence d'Axel n'était pas parfaite, mais elle lui convenait. Il avait tout ce dont il avait besoin à portée de main : une meilleure amie, un petit ami, une passion dévorante, et même des soirées bien remplies. Cette vie lui plaisait, elle le c...