Épilogue

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"Now your heart's bleeding

Wish I could heal it, but I'd

Just let you down one more time...

So don't go crying over me."

Don't Cry Over Me – Matthew Nolan.


Ma Willow...

Je ne sais pas trop comment commencer cette lettre. Je ne sais pas non plus ce que je vais écrire dedans. Et je sais pas plus comment je vais la finir. Finalement, je sais pas grand-chose. Le seul truc dont je suis absolument sûr, c'est qu'il faut que je te dise un truc avant de partir. Ça va probablement pas alléger ta peine, peut-être même que ça la rendra bien plus lourde à porter, mais je peux pas me résoudre à disparaître aussi abruptement que Neven... Le soir de son départ, j'étais là, j'ai su ce qui s'était passé, j'avais aucun doute. Toi, tu t'es posé mille questions, tu ne supportais pas de ne pas comprendre, de ne pas savoir...

Merde, si je commence déjà à pleurer, on s'en sortira pas. Il faut que j'évite de te parler de Neven, je crois, sauf que j'en ai besoin pour t'expliquer. Depuis qu'il est plus là, c'est un enfer. Un putain de calvaire. Une torture constante. J'ai mal, chaque seconde. Ça s'arrête pas. Jamais. Même pas quand je trouve enfin le sommeil. Il est partout Willow. Il est partout, tout le temps, et ça me déchire. Ça me déchire depuis sa mort, en fait, mais je me disais que je t'avais toi. T'étais mon moteur, ma raison de tenir le coup, même si je savais que t'allais partir... Je me demande ce que j'aurais fait une fois que t'aurais été de l'autre côté de la mer... Est-ce que j'aurais pu y survivre ? Ou alors peut-être que ma vie devait se finir comme ça, sur ce pont, là où tout s'est encore écroulé.

Je voudrais tellement pouvoir m'en aller sans que ça t'atteigne. Trouver un moyen de disparaître, de plus souffrir, tout en protégeant cette lueur dans tes yeux et cette étincelle dans ton sourire. J'espère que tu les perdras pas à cause de moi, surtout pas... Tu sais, je me doute bien qu'il y a des chances que tu me haïsses, que tu m'en veuilles de tout ton être une fois que ce sera fini, mais je trouve pas d'autre solution. Je suis fatigué, Willow, j'en peux plus. Mon père doit venir me chercher à 18h, demain. Le jour de l'anniversaire de Neven, tu te rends compte ? Cet enfoiré a osé. Il a osé me voler ça, comme il est en train de me voler tout le reste. Il veut m'emmener, faire de moi un homme, un vrai. Parce qu'un mec qui aime les mecs et qui se trémousse sur la glace, c'est trop loin de l'image du gros type barbu qui sirote une bière devant une émission de chasse à la con. C'est trop éloigné de ce qu'il est, alors c'est forcément mauvais.

Je suis mauvais, je suis un mauvais fils, un mauvais pote, un mauvais tout, et je suis désolé. Désolé de t'infliger ça à toi. T'es la dernière personne que je voulais blesser, la dernière personne que je veux abandonner, mais j'ai plus la force. Putain, je devrais pas être en train de t'écrire ça. Je devrais pas ressentir ce trou béant dans ma poitrine. Là, on devrait être en train de se bourrer la gueule, Neven et moi, pendant que toi, tu te foutrais de nos faces de défoncés en nous faisant tourner en bourrique.

Tu crois qu'on serait allés où pour ses 18 ans ? Chez toi ? Chez lui ? Au chalet ? J'ai envie de me dire qu'on serait allés au chalet. Tout est calme là-bas. On est loin du monde, loin de tout... C'est tellement paisible... Cette pensée me soulage, elle m'apaise... J'essaie d'imaginer son sourire, et le tien. Je crois que j'ai besoin d'une dernière belle image avant l'obscurité.

J'aurais donné tout ce que j'ai pour voir la tête de Neven quand on lui aurait tendu les places pour aller voir un match de la NBA à Los Angeles... Il aurait été fou de joie. C'est exactement ça qu'on devrait être en train de faire, toi et moi. On devrait être en train de jubiler sur la route et Neven devrait être en train de trépigner pour essayer de nous arracher quelques infos. Évidemment, toi, tu lâcherais rien, alors il se rabattrait sur moi, et à force de me faire les yeux doux, de m'embrasser ou de me promettre tous les trésors du monde, il aurait fini par m'avoir. Il obtiendrait un indice et toi tu me fusillerais d'un regard noir.

Ne Saute PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant