Chapitre 12

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"I scream into the night for you,

Don't make it true,

Don't jump."

Don't Jump – Tokio Hotel.


—     Quand tu t'apprêtes à faire ton saut, il faut que tu pousses plus sur ta jambe d'appui pour gagner en vitesse et en précision...

La fatigue me cloue dans le siège de la Jeep. Je dois même lutter de toutes mes forces pour ne pas fermer les yeux et m'endormir sur-le-champ en abandonnant mon grand-père à son monologue que je n'écoute que d'une oreille. D'habitude, j'adore qu'il me donne des conseils, je suis même prête à les prendre studieusement en note, mais après un cours de danse et un entraînement de patinage acharné, je suis épuisée.

—     Tu as beaucoup progressé, en tout cas, depuis la dernière fois que je t'ai vue patiner.

Un sourire taquin s'installe de mes lèvres qui ne doivent plus contenir la moindre trace de gloss.

—     La dernière fois que tu m'as vue patiner, j'avais neuf ans, Grandpa.

—     Neuf ans et un bien meilleur accent anglais, raille-t-il. Il faut vraiment que tu choisisses l'Amérique pour l'année prochaine, que je t'apprenne à articuler.

Malgré moi, je me mets à rire. Ce vieil homme que j'admire tant ne rêve que d'une chose : m'avoir auprès de lui pour s'occuper de ma carrière de « future grande championne ». Certes, cette expérience pourrait être la plus belle de toute ma vie, mais je ne suis pas sûre que ce soit ce que je veux vraiment. J'aime le patinage depuis que je suis toute petite, mais il n'a plus la même saveur depuis l'accident. Sans Axel, cette discipline me paraît incomplète, insipide... Et puis, la danse reste ma passion première. Je suis entrée à l'école de danse de l'Opéra de Paris alors que j'avais tout juste huit ans, en faire mon métier a toujours été mon objectif, mon envie la plus folle... Sans compter que Londres, c'est bien moins loin d'Axel que New York, même si mon grand-père prend un malin plaisir à me rappeler que les cours de danse à Julliard font partie des plus prestigieux du monde.

—     Bon, c'est là que je te dépose, énonce-t-il dans ma langue natale avec une difficulté presque risible.

—     C'est peut-être moi qui devrais t'apprendre à articuler, me moqué-je alors que le véhicule s'arrête. Tu es certain de ne pas vouloir dormir ici ?

Mon ton enjoué a disparu derrière une hésitation palpable, et le septuagénaire m'offre un sourire attendri qui parle à sa place.

—     On se voit demain, ma chérie, d'accord ? rétorque-t-il en anglais.

À contre-cœur, j'acquiesce et le prends dans mes bras avant de le laisser rejoindre son hôtel de luxe au volant de sa voiture de location.

—     C'est moi, m'exclamé-je en passant le seuil.

—     Pas si fort, ton père dort ! chuchote ma mère.

Cette dernière tapote son poignet avec son index, et je sors mon téléphone. Minuit trente ? Déjà ! Je hausse les épaules, exagère une grimace d'excuse, puis m'approche de la femme exceptionnelle qui m'a mise au monde pour me réfugier dans ses bras.

—     C'était bien, ma puce ?

—     C'était génial, mais j'ai besoin d'une énorme douche, je pue, me plaigné-je dans son cou.

—     Tu devrais peut-être passer un petit coup de fil à Axel, avant... Il m'a dit qu'il passerait te voir, mais il avait l'air un peu triste de partir si vite alors...

Ne Saute PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant