Chapitre 10

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"I tried to be perfect,

It just wasn't worth it,

Nothing could ever be so wrong."

Pieces – Sum 41.


— Allô.

À des années lumières du timbre déchiré par les sanglots d'il y a quelques minutes, mon ton est glacial. Le masque est de retour, le mode défensif est enclenché. Il ne me peut pas me toucher.

— Ah, ben quand même ! s'exclame une voix enrouée par la cigarette et le whisky à l'autre bout du fil. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour enfin pouvoir t'avoir au téléphone ! Tu diras à ces gens que j'ai encore le droit de parler à mon fils quand je veux.

Je serre les dents. La colère explose dans ma cage thoracique, mais je l'endigue. Les quatre murs érigés autour de moi me protègent. Rien ne peut m'atteindre.

— À supposer que j'ai envie de décrocher.

Même s'il n'a encore rien rétorqué, je peux entendre une frustration amère dégouliner dans ses veines. Pourtant ça ne m'affecte pas.

— Tu vas redescendre d'un ton, je ne suis pas ton copain !

Ça, ça risque pas.

— Qu'est-ce que tu veux, papa ?

— J'ai appris pour l'accident. Dans les journaux, nom de Dieu. Comment va Océane ? Elle est sortie de l'hôpital ?

Un rire caustique m'arrache la gorge. Sinon, ton fils aussi était dans la bagnole, connard.

— Pourquoi tu ne demandes pas directement à ses parents ? Après tout, si ma santé ne t'intéresse pas, tu pourrais te passer de cette discussion.

Les yeux rivés sur Neven, je prends presque plaisir à déverser mon insolence dans une subtilité maîtrisée par le bloc de béton qui remplace momentanément mon cœur en miettes.

— Ne me chauffe pas, Axel ! s'énerve mon géniteur, alors que son souffle saccadé laisse transparaître toute la rage qu'il tente de contenir.

Il ne peut plus me contrôler, il ne me fait plus peur, et ça le fout en rogne.

— Tu es capable de décrocher un téléphone, toi. Océane n'a pas cette chance, reprend-il.

Touché.

— Et peut-être qu'elle ne l'aura plus jamais.

Coulé.

Mon armure se fissure. L'image du pare-brise éclaté et taché de sang s'insinue dans mon esprit. Un coup violent s'abat sur mon estomac, m'obligeant à presser mon poing contre mes lèvres pour ne pas vomir.

— Très bien... soupire-t-il, exaspéré. Je passerai voir Marc demain.

Mon cœur fait une embardée. Comment ça demain ? Il ne peut pas venir demain. Il n'a pas le droit de se pointer demain.

— D'ailleurs, je t'appelais pour te dire de préparer tes affaires, m'achève-t-il.

— Je n'irai nulle part avec toi, craché-je avec un peu trop de précipitation pour garder mon sang-froid.

— Tu es mon fils, et tu es mineur, Axel. Tu iras à l'endroit où je te dirai d'aller.

Non. Non, non, non, non, non. Les restes de mon monde s'écroulent en même temps que mes barrières en acier trempé. Il n'a pas le droit de faire ça. Pas comme ça. Pas demain.

— Tu ne peux pas m'y obliger, murmuré-je, à deux doigts de fondre en larmes.

Ne pas pleurer. Ne pas lui donner cette satisfaction. Ne pas le laisser lacérer mon âme encore un peu plus.

— Écoute-moi bien, parce que je ne me répéterai pas.

Cet homme infâme reprend de l'assurance. Il sait qu'il a gagné. Il se croit supérieur, il me pense impuissant. Il ne sait pas que cette fois, il va perdre. Quoi qu'il arrive, peu importe de quelle façon, demain, c'est lui qui va se retrouver tout seul.

Tu es ici parce que j'ai accepté que tu te trémousses sur la glace.

Je suis ici parce que tu m'as demandé de choisir entre qui je suis et qui tu es.

Parce que ta bourse semblait vouloir dire que tu étais assez doué pour que ça aboutisse. Mais maintenant, toute cette mascarade de tapette, c'est terminé. Alors je vais venir te chercher, et tu vas devenir un homme. Un vrai. Si tu veux t'en aller l'année prochaine, pour tes dix-huit ans, ce sera ton droit. Tu pourras partir où bon te semble, sans un sou en poche si ça te fait plaisir. Mais tant que tu es sous ma responsabilité, je ne vais pas te laisser finir comme le petit con qui t'a retourné le cerveau.

La boule dans ma gorge s'enflamme, le nœud dans mon estomac saute, ma fragilité s'évapore et la forteresse rejaillit.

— Ne. Parle. Plus. Jamais. De. Lui.

Ma respiration est difficile, ma voix acide. Mes mains tremblent de haine, et je crois que s'il était devant moi, béquilles ou pas, je me serais jeté sur ce type.

— Je te veux prêt à 18 heures, demain. Si tu n'as pas préparé tes affaires quand j'arrive, tu partiras d'ici sans rien.

Sans attendre qu'il raccroche, je balance mon téléphone contre la pierre tombale de Neven. L'appareil se fracasse contre la photo du seul être humain sur cette planète qui me donnait l'impression de mériter la vie, et je m'effondre. Toujours souriant, Neven ne bouge pas d'un millimètre quand je me mets à hurler. Je crie, je lâche ma hargne et mon désespoir devant le souvenir immobile d'une âme qui ne tenait jamais en place. Des ruisseaux bouillants s'écrasent sur mes pommettes pour atterrir sur mes lèvres en un temps record. Mes sanglots sont incontrôlables, beaucoup trop bruyants. L'ouragan qui m'envahit est sur le point de tout détruire sur son passage, et je n'ai plus envie de lutter. Je ne peux plus faire face.

— Je suis désolé, Neven... Mais je peux pas. C'est trop tout ça. C'est trop sans toi. Il va me couper de Willow, m'arracher à mon refuge, m'arracher à toi... Je suis pas capable, Neven... Je veux plus me battre contre l'univers tout entier. 


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Salut tout le monde, 

Je suis désolé pour le retard, comme je vous l'ai dit sur Instagram, j'ai passé l'après-midi d'hier à l'hôpital, et en rentrant, j'avais pas vraiment le moral pour poster, du coup me voilà aujourd'hui. 

Et en plus je reviens pour vous présenter un personnage si délicat et bienveillant, vous en avez, de la chance... x)

Je vais partir du principe que personne n'a aimé le père d'Axel (étonnamment), du coup qu'est-ce qui vous révulse le plus chez lui ? Pourquoi ?

Qu'est-ce que vous pensez qu'Axel va faire, maintenant ? Vous la voyez comment, la suite ?

Et pour la musique, c'est l'une de mes chansons préférées de tous les temps, alors j'espère qu'elle vous plait. 


Normalement, je vous retrouve demain sans problème pour la suite et je croise les doigts pour que ce chapitre vous ait plu et que le suivant vous plaise tout autant. D'ailleurs je profite d'être ici pour vous remercier pour les 700 abonné.e.s sur mon compte Instagram, je sais que certain.e.s d'entre vous me suivent là-bas, alors merci beaucoup. 

Je vous souhaite une belle soirée les potes. 

À demain, prenez bien soin de vous. 

Ne Saute PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant