"Maybe I'll just disappear,
There's nothing else to keep me here."
Maybe I'll Disappear – Matthew Ryan.
Le cœur serré, je lâche l'enveloppe. Un léger bruissement me parvient depuis la boîte aux lettres des Hamilton, et je dois fermer les yeux pour éviter à mes larmes de venir ruiner ma détermination.
— Axel ?
Surpris, je passe une main nerveuse sur mon visage avant de me retourner, comme pris sur le fait. Mal à l'aise, je souris gauchement à Marie, qui referme sa petite veste en coton bleue pour se protéger d'un air froid que je sens à peine.
— Si c'est Willow que tu cherches, tu viens de la louper, mon grand. Son père l'a emmenée à la danse il y a dix minutes.
Je sais, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai choisi de venir maintenant.
— C'est dommage, j'aurais aimé pouvoir lui dire au revoir, chuchoté-je sans perdre mon sourire de façade.
— Oh... Tu nous quittes ?
Cynique, je me mords la joue pour éviter de la féliciter pour l'emploi si juste de ses mots.
— Mon père vient me chercher demain soir.
Heureusement que Willow n'est pas là, mon ton sobre lui aurait tout de suite mis la puce à l'oreille. Elle n'aurait pas marché dans mon petit manège, contrairement à sa mère qui m'offre une mine contrariée.
— Je peux t'appeler un taxi pour que tu ailles la voir à son cours, si tu veux. Elle ne rentrera pas avant au moins onze heures, aujourd'hui... Son grand-père est venu de New York pour la voir patiner après la danse...
Déconfite, elle s'excuse presque du départ de ma meilleure amie, sans savoir que pour la première fois de ma vie, il m'arrange.
— Je dois passer prendre quelques affaires chez moi d'abord, mais je vais en prendre un et aller la voir après, ne t'inquiète pas, Marie. Passe le bonjour à Hayes pour moi, d'accord ? Et dis-lui que vous allez tous me manquer, là-bas.
Avant qu'elle ne réponde quoi que ce soit, je tourne les talons, et souffle avec le plus de discrétion possible pour relâcher un peu de la tension qui m'asphyxie. Alors que je me remets à marcher, j'entends des tintements, puis un grincement, et je prie pour que les parents de Willow n'ouvrent pas cette lettre en l'absence de leur fille.
×××
Les lumières de Paris défilent devant mes pupilles, pourtant je ne perçois presque rien. Affalé dans le siège d'une voiture inconnue qui m'emmène vers un adieu bien mérité, je suis vide. Complètement vide, limite apathique. Des phares m'éblouissent, et je sors de ma transe. D'un mouvement de recul vif, je me détache pour m'éloigner de la fenêtre alors que le camion-citerne laisse place à une conductrice agacée sur la voie d'à côté.
— Et voilà, mon gars.
Perdu dans mes cauchemars, je sursaute une deuxième fois quand le conducteur se retourne vers moi. Agité, je scrute les alentours et comprends que le brun à la peau mate attend que je le paie et que je descende de son véhicule. Les jambes en coton et les mains tremblantes, je finis par me ressaisir, sortir quelques billets pour finir par me planter devant le palais omnisports sans bouger. Après de longues secondes à effacer les images atroces de l'accident qui a détruit ma vie, je me secoue et pénètre dans l'enceinte du bâtiment. Les employés d'accueil me saluent alors que je me dirige vers la patinoire, mais je ne leur réponds pas. Focalisé sur mon objectif, je trace ma route jusqu'à l'un des fauteuils rouges qui entourent la piste.
Soudain plus calme, je prends une profonde inspiration, puis expire d'un souffle sonore. Les jeunes filles qui s'entraînent ce soir semblent concentrées. Parfois, elles se sourient entre elles, se corrigent, se conseillent, mais la plupart du temps, elles laissent la glace les emporter dans un monde que je connais bien, dans un monde qui a toujours été le mien. Ici, je me sens chez moi. Ici, je me sens à ma place. Une jolie nostalgie s'installe dans ma poitrine, m'arrachant un sourire sincère.
— Au revoir, ma vieille amie... murmuré-je en fixant l'étendue blanche qui a vu naître mes premières défaites et mes plus belles victoires.
J'ai gagné ma première médaille, dans cet endroit. On l'a gagné à deux, à vrai dire. Willow était là, elle l'a toujours été. Quand elle patinait avec moi, l'univers se mettait en pause. Rien ne paraissait plus exister. Il n'y avait plus que ses yeux verts, ses gestes gracieux et la glace qui soutenait le poids de mes douleurs pour les décimer. Son sourire s'imprime dans mon esprit, ses pirouettes aussi. Le passé m'emporte avec une telle force que j'ai l'impression de sentir le corps tiède de ma partenaire sous mes doigts alors que je la soulève pour ce porté incroyable qu'on a mis des mois à maîtriser. Je redécouvre les sensations de mes patins qui s'élèvent quelques secondes pour atterrir souplement sur cette surface protectrice qui les a toujours rattrapés, tandis que je réussis mon premier double flip sous les applaudissements assourdissants de Neven. Comme un scénario un peu cliché, je revis toutes les étapes de ma vie une par une. Je me remémore tous les espoirs qui faisaient pulser un futur tout tracé dans mes veines. Cet avenir n'existe plus. Ce passé non plus. Tout a été anéanti à la seconde où on a accepté de monter dans ce quatre-quatre.
Le bruit d'une porte qui claque m'éloigne du fil de mes pensées, et je me rends compte que la patinoire est vide. Un timbre rocailleux résonne, suivi d'un éclat de joie que je reconnais tout de suite. Depuis combien de temps est-ce que je suis là ? Les bruits de pas se rapprochent peu à peu et je me précipite dans le couloir par lequel je suis entré pour éviter Willow et son grand-père à tout prix sans pour autant pouvoir m'empêcher d'observer la belle blonde une dernière fois.
Lumineuse, échevelée et souriante, ma meilleure amie s'élance sur la piste, et après quelques tours d'échauffement, elle montre au champion du monde qui ne la quitte pas des yeux à quel point elle est douée. Elle enchaîne les sauts techniques, et les liaisons chorégraphiques poétiques alors que son grand-père l'encourage. Elle est magnifique.
— Au revoir, ma Willow...
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Salut tout le monde,
J'espère que ça va. Comme promis, et cette fois dans les temps, voici le chapitre du jour. Il n'en reste plus que deux, en plus d'une petite surprise (donc trois en réalité) et ensuite cette histoire prendra fin...
Comme vous le savez sans doute, la semaine prochaine, je me fais hospitaliser, je vais subir une intervention qui devait avoir lieu jeudi, mais qui finalement aura lieu mardi. Puisque je reste trois jours à l'hôpital, je ne sais pas si je pourrais poster quoi que ce soit. Donc si vous n'avez pas de chapitre la semaine prochaine, je m'en excuse, mais vous en aurez la semaine d'après, c'est promis.
Après la publication de la surprise, je prendrais une semaine ou une semaine et demi de pause (et puis je serais en convalescence normalement) pour préparer l'arrivée de Je N'ai Plus Peur, qui j'espère vous plaira.
Puisque mon moral n'est pas dingue, j'ai pas vraiment de questions en tête, alors si jamais vous avez la foi de me faire un petit commentaire pour me dire ce que vous pensez, ça me ferait plaisir. J'espère que la musique vous a plu.
Je vous envoie plein de bonnes ondes, les potes.
À bientôt.
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Ne Saute Pas
Short StoryL'existence d'Axel n'était pas parfaite, mais elle lui convenait. Il avait tout ce dont il avait besoin à portée de main : une meilleure amie, un petit ami, une passion dévorante, et même des soirées bien remplies. Cette vie lui plaisait, elle le c...