Zélie (Terminée)

SEPT - Quelques millièmes d'une personne

Musique : Rhodes - Breathe

Cela faisait pratiquement vingt minutes que Maël roulait sans vraiment comprendre où son amie le menait.

Alors que les trois adolescents discutaient ou brayaient plutôt pour s'entendre par-dessus la musique, Dax ne savait pas quoi faire. Il avait l'impression d'être un extra-terrestre se retrouvant pour la première fois de sa vie avec des humains.

Ou plutôt l'inverse car entre ce Maël qui conduisait comme s'il était en train de faire une partie de jeu vidéo et parlait comme s'il était le chef de la bande alors qu'il ne l'était pas. Ce Hugo qui ne cessait d'alterner entre crainte et extase, le tout en adoptant un comportement totalement absurde. Et enfin cette Zélie, la pire de tous avec ses drôles de façon d'approcher et de diriger les gens... Le garçon se sentait sur un terrain totalement inconnu !

Pourtant, incompréhensiblement, il se sentait tout de même bien. Même s'il n'était pas complètement à l'aise, il pouvait certifier à cet instant qu'il n'était pas un sujet d'observation expérimentale. Ils ne le détaillaient pas de la tête aux pieds afin de trouver l'inspiration pour inventer des aventures extraordinaires qu'ils seraient supposés avoir vécues avec lui. Ils l'emportaient véritablement vers un lieu inconnu pour partir à la conquête de quelque chose.

Quoi ? Il l'ignorait. Mais au final, il se rendait compte que cela l'importait peu. Dax ne comprenait pas pourquoi il ne paniquait pas plus. Il ne saisissait pas ce qu'il se passait dans sa tête.

L'adolescent aurait dû songer à ses parents qui s'inquiéteraient lorsqu'ils découvriraient que leur fils n'était pas dans sa chambre car il avait fait le mur pour se rendre sur le parking mais n'avait pas songé à la possibilité qu'il s'absente plus longtemps. Seulement ses paternels avaient déserté son esprit depuis qu'il avait été forcé à rentrer dans cette voiture.

C'était inexplicable. Ces jeunes, quasiment inconnus pour la plupart, arrivaient à lui donner l'impression de faire partie d'une bande d'amis. Pour la première fois depuis de longs mois, il se sentait comme un être vivant et non pas un objet. Et cette sensation qu'il avait cru perdre à tout jamais le rendait presque euphorique. Car Dax vivait à nouveau.

— Regardez-moi ça, souffla Zélie en posant ses doigts sur la vitre, la nature brille en chantant sa liberté et les flammes de la nuit s'entremêlent. God, c'est magnifique !

Dax comme Hugo tournèrent la tête sur le côté pour observer le paysage, mais aucun des deux n'aperçut de paillette ou de feu crépitant, juste la pénombre. Visiblement, la jeune fille semblait être la seule à voir cet autre visage de la végétation et au lieu de la prendre pour une folle, ils se surprirent tous les deux à l'envier.

Eux aussi auraient voulu voir ce monde, différent et magiquement pur. Ils auraient voulu voir ce spectacle époustouflant. Même Maël qui avait un côté artistique plutôt développé n'arrivait pas à percevoir les délices de l'univers de Zélie. Peut-être étaient-ils trop dans le concret et n'arrivaient-ils pas à laisser place à l'abstrait et à l'imaginaire ? Ou peut-être était-ce elle qui vivait dans une illusion cautionnée par son cerveau un peu trop inventif ?

Peu importait, les garçons l'enviaient de pouvoir voir quelque chose de différent.

— On est encore loin ? demanda soudainement Maël qui commençait à s'inquiéter pour son taux de carburant.

— Cinq minutes et on arrive !

Les yeux à nouveau clos, Zélie remua des doigts dans les airs. Ces derniers semblaient ne faire qu'un avec l'atmosphère. Chacun de ses gestes paraissaient autant étranges qu'évidents. C'était comme si le temps était son ami. Comme si elle était la réponse à toutes les questions, même celles encore non-pensées. Parfois ses amis se demandaient si elle ne les rendait pas fous.