Zélie (Terminée)

DEUX - La différence et l'inaccessibilité

Musique : Native - Ocean

Cela faisait désormais plus de quinze minutes que Hugo, un écouteur dans l'oreille, surveillait les environs et la fraîcheur de la nuit commençait à atteindre sa peau malgré sa veste. Son pied, qu'il ne cessait de taper sur le sol, suivait le rythme du morceau que diffusait son portable. Les soupirs, qu'il lançait toutes les trente secondes raisonnaient sous le préau sans que le garçon ne s'en aperçoive. Ses amis lui avaient demandé de monter la garde mais Hugo allait probablement plus attirer l'attention qu'autre chose.

Pendant ce temps, Maël avait enfin pu fumer sa clope et s'appliquait désormais à être l'assistant de Zélie. Quand cette dernière lui avait parlé la semaine dernière de peindre les murs du lycée, il avait tout de suite été emballé par l'idée. Ils n'étaient bien évidemment pas les seuls à tenter l'aventure, c'était d'ailleurs pour cette raison qu'un gardien de nuit avait été embauché deux mois auparavant, après l'intrusion de deux lycéens dans l'établissement. Malheureusement pour le directeur, cet homme ne semblait pas faire correctement son boulot puisqu'il venait de laisser entrer trois adolescents.

— Blanc ! ordonna Zélie en tendant la main.

Le garçon lui passa la bombe et prit la noire pour travailler le contraste de la danseuse au look étrange qui était en train de recouvrir peu à peu le mur. Vêtue d'un tutu sombre et de docs montantes, elle affichait un air victorieux et faisait un drôle de signe avec ses doigts. Malgré tout, elle dégageait beaucoup de douceur dans son regard. Les traits de sa face n'étaient pas en accord avec ses prunelles, pourtant au final son ensemble donnait l'impression d'avoir affaire à un puzzle complété, étrange bien que très significatif.

Il n'y avait aucun doute, il s'agissait bien là du travail de son amie !

Maël avait toujours admiré le boulot de Zélie et vouait de grands espoirs en elle. Il savait que tôt ou tard, elle finirait par se faire connaître. Après tout, elle avait le talent et la hargne pour réussir. Parfois, en la regardant, il se disait qu'elle devait venir d'une autre planète et c'était cette différence, ce côté indescriptible de sa personnalité qui lui plaisait tant.

C'était cet aspect-là de Zélie qui l'avait séduit en premier. Et c'était cet aspect-là, propre à elle, qui la rendait ô combien si différente des autres filles.

Il fut une époque où le garçon avait cru avoir une longueur d'avance par rapport aux autres mecs à qui la jeune fille adressait la parole. Mais il s'était finalement rendu compte que ce n'était pas le cas, car Zélie était comme un étalon sauvage : belle à son état naturel mais totalement indomptable. Alors avec le temps, l'adolescent avait fini par se faire une raison : elle ne serait qu'une amie, rebelle, remarquable et désirable mais inaccessible sentimentalement parlant. Peut-être était-ce même là le grand secret de la jeune fille : être désirable grâce à sa différence et son inaccessibilité ?

Malgré cela, Maël avait du mal à cacher sa joie lorsqu'il se retrouvait en tête à tête avec elle. En effet, il avait beau s'être donné des limites, son cœur lui, n'en faisait qu'à sa tête ! Satanés sentiments, aussi indomptables que celle qui lui donnait des étoiles dans les yeux.

— Tu n'as pas dit que tu avais fait quelques préparations toi aussi ? demanda subitement la brune en se tournant vers l'adolescent.

Pas véritablement adepte des graffitis, il s'était tout de même appliqué à créer un pochoir. La réalisation de ce dernier lui avait valu un sacré grand nombre d'heures de lutte avec son matériel. Il se souvenait de son parcours et des fortes émotions qui l'avaient gagné tout au long. Il se revoyait : cutter à la main, carton et papier calque sur une grande planche de bois, à recommencer encore et encore, à essayer de contenir son agacement, la musique diffusée à fond dans sa chambre pour camoufler ses soupirs d'exaspération.