II - Game over - partie 1

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Je me souviens que lorsque j'étais petite, j'avais dit à ma mère que je deviendrai propriétaire d'un petit café. Je croyais naïvement que la vie serait aussi facile qu'un petit jeu sur portable. Le genre de jeu que l'on peut abandonner quand on en a marre.

Puis j'ai grandi et j'ai fini dans ce café au nom si connu qu'il ferait peut-être tâche de mentionner la fin de mon poste sur mon CV. Parce que contrairement aux jeux sur portable que l'on peut lâcher en deux secondes, dans la vrai vie, ça ne donne pas bonne impression de s'enfuir.

Je crois que je peux le dire : mon rêve de bosser dans un café est devenu mon cauchemar, surtout après avoir eu Yvonne comme patronne.

La couette épaisse avec laquelle je me suis couvert le visage commence à me donner chaud. Il serait peut-être temps que je me lève. Parce qu'après tout, je dois être au boulot dans deux heures. Je dois amener cette lettre de démission. Je dois « porter mes burnes » comme dirait Maximilien.

Oh bon sang, mais pourquoi ai-je dit ça ? Comment vais-je faire pour payer le loyer de mon minable petit appartement sans boulot ?

Je ne l'ai même écrite, cette fichue lettre ! Ma main déconne chaque fois que je commence à noter le mot « démission ».

Comment vais-je pouvoir annoncer à ma pauvre mère que son idiote de fille a démissionné et n'aura peut-être plus de rentrée d'argent durant des mois ? Je ne peux pas retourner à la maison. Je ne peux pas faire « Caroline déconne version 2 ». Une fois, ça a été largement suffisant.

Mon gros orteil touche, hésitant, le jean que j'ai laissé au pied de mon lit la veille, avant de m'effondrer sur mes draps pour pleurer toutes les larmes de mon corps. 

Bientôt, mes yeux aperçoivent mon reflet dans le miroir. Mon Dieu, j'ai une mine affreuse. Quelle imbécile je suis !

— Tu peux le faire.

Il suffit que je me présente devant Yvonne et que je lui demande pardon. Je n'aurais qu'à mettre mon pétage de câble sur mon histoire familiale. Si elle a ne serait-ce qu'un peu de cœur, elle oubliera mon comportement de la veille.

Je hoche la tête et me regarde à nouveau dans la glace. Certes, j'ai des poches sous les yeux, mais essentiellement parce que j'ai passé une bonne partie de la nuit à pleurer. Je n'ai pas les iris bleues. Je n'ai pas les cheveux lisses et blonds ou bruns. Ma chevelure est châtaine et indisciplinée, hésitant tout le temps entre l'ondulation et l'esprit pas coiffé.

En effet, je ne fais pas un mètre soixante-quinze pour une taille trente-huit. Enfin la taille trente-huit, je l'ai, même si j'aurais tendance à aller vers la taille quarante désormais. Le problème, c'est que j'ai dix bons centimètres de moins verticalement. Cependant, ça ne veut pas dire que je suis si moche que ça. 

En me regardant bien, je crois que je pourrais trouver un ou deux trucs bien sur moi, si je m'en donnais la peine. Ma mâchoire marquée par exemple, elle pourrait faire fureur si j'étais mannequin. Mes yeux, malgré leur aspect assez basique, ont des reflets de couleur noisette. Puis ma bouche, même sans rouge à lèvre, est pulpeuse. Je me souviens que ça rendait folle ma mère qui contrairement à moi, n'a pas de lèvre et ne pouvait jamais les garder colorées longtemps.

Alors que je renifle, une odeur de transpiration envahit mes narines. Peu importe la tête que j'ai. Il faut avant tout que j'aille me doucher. Parce que si je pue, c'est clair qu'en plus de recevoir une réflexion de la part d'Yvonne, je vais faire fuir les clients.

***

Lorsque je remets les pieds au café dont il ne faut pas dire le nom, je n'en mène pas large. Heureusement, je ne reconnais aucun client de la veille. Par contre, Yvonne elle, malheureusement, est toujours là.

Cap ou pas cap ? (En cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant