Une vague approche.
Cela commence par une petite bousculade. On sent à peine le coup passer physiquement. Il nous effleure. Il n'est rien, juste un souffle ridicule. Un souffle dont on se moque. Un souffle sans réel impact, pensons-nous.
Puis soudainement cela remonte le long du corps. D'un petit impact, on passe à un sentiment de perte totale d'équilibre. Le sol sous nos pieds se dérobe. On tombe. C'est comme une chute sans fin. Le genre qui prend au cœur et donne l'impression que l'on va mourir.
Bientôt, on se fait ensevelir par la petite vague. Et cette dernière grandit, grandit, grandit. Elle devient si grande qu'elle nous emporte avec elle. Nous sommes désormais dans un tourbillon.
Tel un vulgaire linge qui n'arrive pas à résister à la puissance de l'eau dans une machine à laver, on se fait trimbaler, à droite, à gauche. Ça cogne. Ça gratte. Ça creuse. Ça ouvre la peau et surtout les entrailles. Ça s'infiltre en nous. Ça nous empoisonne.
Et quand nous en sommes à trembler de partout parce que ça contrôle chaque parties nerveuses de notre corps, étrangement, on ne se sent plus si mal qu'avant. Comment est-ce possible ?
Est-ce parce que nous sommes devenus fous ? Ou bien sommes-nous devenus une si grande épave que notre cerveau n'est plus en capacité de comprendre l'entourloupe ? Est-ce cela le secret de la délivrance ?
Je ne devrais pas m'inquiéter. Après tout, je me suis toujours vue comme une détraquée qui voulait tout contrôler. Alors passer d'une catégorie à une autre de la folie, ce n'est pas bien grave. Pourtant, je sais qu'être dans cet état second, assise sur ce banc, devant mon ancienne collègue, ce n'est pas bon.
— Caro ?
Je crois que durant quelques secondes, j'ai oublié que je suis sur cette place, sur ce banc, à côté d'une ancienne collègue. Durant quelques secondes, j'ai autorisé le débordement à ce corps éteint depuis trop longtemps, ce corps meurtri qui est le mien. Et celui qui s'est montré le plus douloureux est mon cœur, bien évidemment. Puis quand j'ai voulu revenir, c'était trop dur.
Sans l'intervention d'Éloïse, peut-être serais-je encore dans cet état de transe. Ce n'est pas peut-être, c'est certain.
— Eh ma belle, qu'est-ce qu'il se passe ?
L'intonation d'Éloïse vient de changer. La peine fait place à la peur.
— Où est Maximilien ?
Mon silence répond plus que je ne voudrais.
Je déteste quand on voit dans le regard de la personne en face de nous qu'elle vient d'arriver au bout du long chemin sombre sur lequel on l'a menée sans le vouloir. Parce que lorsque cela se passe, on comprend que ça va mal aller pour nous. Car il n'y a plus de secret.
Éloïse a sondé mon âme. Je suis finie. Elle sait tout, ou presque. Max. Le coma. Je n'ai plus aucun jardin secret. Je suis privée de cette carapace qui me faisait croire que je pouvais encore être heureuse.
— Oh mon Dieu Caro, souffle-t-elle en m'enlaçant comme on enlace une enfant qui vient de tomber à vélo.
J'entends ses excuses. Elle se prend désormais pour le monstre. Alors que le seul monstre de l'histoire, c'est celui qui a entraîné Max sur cette route sinueuse. C'est le destin, qui a choisi qu'au lieu de profiter d'une sortie en moto avec ses potes, il devait être percuté par ce chauffeur alcoolisé. C'est cet être horrible, qui a foncé sur mon frère, et a fui au lieu d'essayer de lui sauver la vie, qui est responsable.
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Cap ou pas cap ? (En cours)
ChickLitDans la vie, Caroline n'est pas heureuse. Voilà presque deux ans qu'elle travaille dans un petit café Toulousain et elle doit bien avouer qu'elle s'ennuie. Sa routine, qui lui assurait autrefois une tranquillité mentale et physique, ne lui convient...