Chapitre 6 : Adieu

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Je décidais d'aller promener mon chien pour réfléchir à ce que je pourrais faire vis-à-vis d'Adam. N'ayant pas le permis, je me voyais mal aller à pied chez ses parents pour les supplier de me laisser dire quelques mots.....à une urne..... De plus je ne savais pas où ils avaient décidé de la conserver. Dans le village où ils habitaient ? À leur domicile ? Auquel cas il me semblait vraiment compliqué de « parler » une dernière fois à Adam.

Je décidais d'écrire une lettre pour lui dire ce que j'avais sur le cœur, cela me semblait être une bonne idée. Il avait toujours été plus facile pour moi d'écrire que de dire ce que je ressentais. Je m'installais derrière mon bureau et pris ma plume à encre, les mots glissaient tous seuls sur le papier

Cher Adam,

Tu noteras que la formule est un peu désuète mais tu sais que j'ai toujours aimé le charme des vieux romans et des échanges épistolaires. Je pensais avoir du mal à trouver les mots, étant donné que c'est la première fois que j'écris à une personne décédée mais au contraire, ils me viennent naturellement, comme souvent d'ailleurs. Je n'arrive pas à croire que j'écris cela. Tu es mort. Tu ne liras jamais cette lettre. Cela me paraît irréel.

Ne crois pas que je regrette pour autant ma décision. J'ai réussi à trouver le courage de mettre un terme à notre histoire bancale, car avoue- le, au fond de toi tu le savais toi aussi, nous deux ça ne pouvait pas durer. Je ne me suis jamais considérée comme ces petits oiseaux qu'on pouvait enfermer dans des cages, alors que toi tu le pensais. J'ai essayé de te plaire, j'ai essayé de changer pour te faire plaisir, parce que je croyais que c'était ce que sont censées faire les petites amies, non ?

Je le pensais jusqu'à il y un peu de temps, où j'ai rencontré quelqu'un qui m'a affirmé qu'on ne pouvait pas changer les gens. D'une certaine façon il a raison. On ne peut pas changer si la demande vient de quelqu'un d'extérieur. On peut seulement décider soi- même du changement à opérer. Je viens de me rendre compte que je te parle de Gabriel, ce qui, je te l'accorde, n'est pas correct. En fait, tu avais un peu raison d'être fâché contre moi ce fameux samedi. Malgré moi j'ai eu le coup de foudre pour lui. Voilà c'est dit, enfin c'est écrit.

J'ai réalisé qu'il n'y avait jamais eu cette magie entre toi et moi, même si je dois admettre qu'on a passé de bons moments les premiers mois. J'ai découvert ton univers, ta passion pour les tables de mixage, les boîtes de nuits, la musique électronique et pour cela je t'en remercie. On a passé de superbes soirées à danser, à rencontrer des gens célèbres. Tu te souviens quand Cauet nous a arrosé de champagne à La pyramide pour ses trente ans ? C'était hallucinant.

Bref, c'était pour te dire que non, il n'y a pas eu que de mauvais moments je l'admets, mais il y en a tout de même eu. Je ne sais pas si tu t'es également comporté avec tes autres copines, comme tu l'as fait avec moi, auquel cas je voulais te suggérer d'aller consulter un spécialiste pour qu'il t'aide à comprendre l'origine de ton problème. Désormais il est trop tard, tu n'en aura plus l'occasion...et je me sens coupable même si je ne devrais pas. Si j'ai bien compris ta mère, oui tu as bien lu, j'ai été obligé de l'appeler puisque je n'avais plus de nouvelles de toi et que j'en ai découvert la raison dans la rubrique nécrologique du journal.

Elle m'a expliqué les conclusions du rapport de la gendarmerie. Tu te serais suicidé. C'est horrible ce que je vais te dire, mais j'ai du mal à croire que tu étais trop fatigué pour prendre le volant comme tes parents le pensent. Par contre je m'en veux de ne pas avoir pris tes menaces de suicide sérieusement. Je n'avais pas mesuré un si profond malaise en toi pour que tu commettes un tel geste. Tes parents ne croient pas que tu aurais fait ça, mais moi si. Je crois qu'ils n'ont jamais vu cette part d'ombre en toi alors que moi je ne voyais plus que celle-là.

Sinon pour changer de sujet, j 'espère que tu n'as pas trop souffert, que tu es mort sur le coup. Je préfère imaginer que tu n'as pas réfléchi à ce que tu faisais, que tu as changé de trajectoire sur un coup de tête, sans même avoir le temps de réaliser la portée de ton acte. Je préfère imaginer ça, plutôt que de penser que tu as souffert, que tu n'étais pas en état d'appeler à l'aide, que tu n'es pas mort sur le coup. Je préfère la première version, celle d'un garçon impétueux. Peut- être que si le paradis existe et qu'on s'y croise un jour on reparlera des bonnes soirées qu'on a passé ensemble et peut être même que tu t'excuseras de m'avoir giflé. Qui sait....Je préfère aussi garder cette fin là en tête.

Adieu Adam et encore désolée si j'étais la cause de ton mal-être. J'espère que tu me pardonneras un jour.

La lettre était noyée de larmes et l'encre déjà à moitié effacée. C'était les dernières larmes que je versais pour lui. Je décidais d'aller sur la digue qui bordait le Rhin qui coulait aux abords de mon village, pour jeter ma lettre d'adieu dans le fleuve. J'aimais cet endroit. On s'y était promenés avec Adam quelques fois le dimanche. Etre ici c'était un peu comme être au bord de la mer. Il y avait quelques mouettes, et de temps à autre, une odeur iodée flottait dans l'air. Je trouvais cet endroit apaisant. Peut- être qu'Adam me voyait de là où il était, et peut être était- il enfin, lui aussi apaisé. C'est tout ce que je lui souhaitais.

Je me souviens.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant