Chapitre 12 : Non merci

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— Si ma fille de seize ans passait la nuit dehors sans que je sache pourquoi je crois que je l'aurais punie à vie déclara ma thérapeute en entendant mon récit.

— C'est ce que mon père m'a aussi dit à l'époque, en franchissant le seuil de la maison. Cependant, j'ai eu de la chance, il s'est montré compréhensif. Il a bien compris que c'était une erreur de ma part, et que s'il ne m'avait pas parlé comme il l'avait fait ce fameux après- midi, je n'aurais pas eu peur de rentrer à la maison. Nous, enfin je veux dire, je n'ai pas encore d'enfants mais je ne sais pas comment j'aurais réagi. En tout cas, il faudrait que j'évite de raconter à mes futurs enfants toutes les histoires et bêtises que j'ai faites avec leur père.

— Revenons à ce que vous m'avez dit la dernière fois. Avant de quitter le cabinet, vous m'aviez avoué que ça n'était pas fini avec Gabriel, c'est bien ça ?

— On peut dire ça, lui répondis-je laconiquement. En tout cas, pour moi ça n'est pas fini.

— Aujourd'hui, vous l'imaginer comme le père de vos futurs enfants. Est-il au courant de ce projet ?

— Oh oui, nous en avons parlé plusieurs fois !

— Est-il d'accord ?

— Oh que oui, c'est d'ailleurs moi qui mettait plutôt un droit de véto parce que je nous trouvais trop jeune, et maintenant je me dis qu'on n'aurait jamais dû attendre. On ne sait pas de quoi la vie est faite. Un accident est si vite arrivé.

En sortant du cabinet, je regrettais d'être venue à pied. J'en avais bien pour une heure de marche jusqu'à mon petit studio que j'occupais depuis plusieurs années dans un quartier calme de Haguenau. Situé au troisième étage d'une vielle bâtisse, il m'avait tout de suite charmé avec son parquet ancien, ses poutres apparentes et son petit jardin. S'il avait pu le voir, je sais que Gabriel l'aurait aimé.

Soudain, je réalisai que je n'avais pas fait attention au chemin que j'avais emprunté comme j'avais l'habitude de faire. J'évitais toujours de passer par la Grand Rue pour ne pas voir cette devanture. Ma préférée pendant plus de cinq ans, et celle qui me brisait le cœur dorénavant. Echinops : créations florales.

Déjà neuf ans qu'il ne pouvait plus m'offrir de magnifiques bouquets comme il avait l'habitude de le faire chaque vendredi pendant des années.

J'avais les mains moites, mon cœur battait la chamade, les larmes me montaient aux yeux. Je n'avais plus jamais reçu de fleurs de qui que ce soit depuis toutes ces années. Tout mon entourage le savait, c'était la règle. C'était le privilège de Gabriel. J'étais sûre qu'un jour il pourrait de nouveau m'en offrir, ce n'était qu'une question de temps, il fallait que je patiente, c'est tout.

Quelques centaines de mètres plus loin, il y avait un bar que j'aimais bien fréquenter pour sa terrasse dissimulée dans l'arrière- cour, son ambiance conviviale et les soirées « Jam » qu'organisait le propriétaire des lieux. Je décidai de m'y arrêter, car j'avais besoin de boire un verre, et de me remettre les idées en place. Il ne fallait surtout pas que je m'apitoie sur mon sort, même si cela devenait de plus en plus difficile avec le temps qui passe. Je devais rester positive pour Gabriel. Il le fallait. Il me restait encore quelques semaines avant la date fatidique. Je devais rester forte pour nous deux.

— Excusez-moi Mademoiselle, bonsoir.

— Bonsoir, répondit je de mon air le plus blasé qui existe.

— Vous attendez quelqu'un ?

— Non, sinon voyez-vous, je me serais assise à une table.

— Dans ce cas-là je vais vous tenir compagnie.

— Non merci, je ne pense pas que vous ayez saisi. Je n'ai pas envie de compagnie. J'ai envie de siroter mon mojito toute seule en lisant le journal d'aujourd'hui. En plus, si vous voulez tout savoir, je suis mariée.

Je me souviens.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant