Chapitre 36 : Gabriel. Première fois papa

22 4 0
                                    

Mes collègues me parlaient mais je n'entendais plus rien. Le temps s'était comme figé autour de moi. Mon téléphone portable sous les yeux, je relisais encore et encore le message que je venais de recevoir ma petite amie. J'allais être papa. Un de mes rêves les plus chers devenait réalité.

Je n'arrivais pas à le croire, mais pour autant, je ne pouvais m'empêcher de sourire. Je connaissais assez bien Elise pour savoir que la pauvre devait être dans tous ses états, toute seule à Port-Leucate alors que pour ma part, j'étais aux anges. J'allais fonder ma propre famille avec la fille de mes rêves. J'étais le plus chanceux des hommes.

— Gabriel, ouhou est-ce que tu es avec nous ? me demanda mon chef.

— Pardon ?

— Cela fait cinq bonnes minutes que je te parle, mais tu es tellement absorbé par ton téléphone que tu ne m'as pas entendu. Je ne sais ce qui t'absorbe autant, mais ça a l'air bien sympa ce que tu es en train de regarder, quand je vois ton grand sourire ! se moqua mon responsable de chantier.

— Vous savez quoi ? Je vais être papa, leur dis-je le plus naturellement du monde.

Un silence de mort s'abattait à notre tablée. De toute évidence, j'étais le seul à être transporté de joie par la nouvelle. Aucun de mes collègues de travail ne me félicita, ils avaient tous l'air gêné et ne savaient pas comment réagir. Mal à l'aise, plusieurs d'entre eux s'en allèrent, prétextant l'envie de se reposer. Seul mon responsable n'avait pas quitté la table.

— Gabriel, ça te dit qu'on aille marcher un peu ? Nous pourrions aller à la Marina Bay ?

— Oui avec plaisir ! J'en ai entendu parler, apparemment la vue est magnifique.

— Gabriel, est ce que tu es vraiment sûr que ta petite amie est bien enceinte ? Je veux dire, vous êtes tellement jeunes, et j'ai cru comprendre que c'était un peu compliqué entre vous. Peut-être a-t-elle inventé cette histoire pour que vous vous remettiez ensemble ? Qui sait, de quoi les filles sont capables aujourd'hui.

— Sauf votre respect Mr Horwath, je préfère m'abstenir de vous dire ce que je pense. Je sais que vous n'avez vu Elise que deux fois je crois, mais si vous la connaissiez comme moi je la connais, jamais vous ne diriez une chose pareille. Elle m'a envoyé une photo de son test de grossesse en pièce jointe de son message, et il est bien positif.

Ce n'est pas moi qui ai voulu prendre mes distances, mais l'inverse, à cause de quelque chose que j'ai malheureusement fait lors d'une soirée trop arrosée. Elle n'aurait pas d'intérêt à inventer une histoire aussi rocambolesque pour me garder auprès d'elle, parce qu'elle sait que jamais je ne la quitterais.

J'imagine pertinemment ce que tout le monde pense de notre histoire. Je suis un petit apprenti de vingt ans, amoureux pour la première fois de sa vie, qu'est-ce-que je pourrais connaitre de l'amour ? Je n'ai aucunes factures à payer à la fin du mois, nous ne vivons même pas ensemble, mais je ne sais pas comment l'expliquer, je sens juste au fond de moi que c'est avec elle que je ferais ma vie, et personne d'autre.

— Je ne te juge pas Gabriel, je te souhaite d'être heureux. Je voulais juste te conseiller de rester sur tes gardes. Tu devras t'occuper toute ta vie de cet enfant. Et si avec ta dulcinée, vous deviez un jour vous séparer, elle risquera de te demander une pension alimentaire, et ça pourrait te coûter cher ! Crois-en mon expérience ! Chaque année mon ex-femme me convoque devant le juge des affaires familiales pour réévaluer le montant de la pension que je dois verser. Au fait, qu'en penses-tu de cette grossesse ? Tu aurais envie de garder ce bébé alors que tu as à peine vingt ans ?

— Bien sûr que oui, quelle question. J'ai toujours rêvé d'être un jour papa à mon tour. Malheureusement les hommes n'ont pas leur mot à dire. Si elle décide de vouloir se faire avorter, je n'aurais pas d'autres choix que de l'accepter.

Nous nous quittâmes après avoir marché de long en large à la Marina Bay. Je prétextais vouloir faire quelques achats souvenirs pour ma famille, afin de rester seul. En tombant sur la vitrine d'une boutique pour touristes, je vis une grenouillère pour bébé avec l'inscription I love Singapour écrite dessus. Cinq minutes après, je ressortais du magasin avec l'adorable body dans un sachet. Je m'assis sur un banc et rappela Elise. Elle était paniquée et m'expliqua que nous devions attendre le lendemain pour avoir les résultats de sa prise de sang qui confirmerait ou non sa grossesse. J'aurais aimé être auprès d'elle pour la rassurer, pour lui dire que tout irait bien, qu'on formera une famille formidable tous les trois. Puis, je me remémorais la raison pour laquelle ma petite amie s'était éloignée de moi.

Comment pouvais-je croire qu'Elise visualisait le futur dont je rêvais pour nous, avec ce que je lui avais fait ? Quelle maman voudrait d'un papa irresponsable pour élever son enfant ? Aucune. Je ne voulais pas finir comme mon responsable, et voir ma femme et mon bébé, une fois par an au tribunal des affaires familiales pour la réévaluation de la pension alimentaire. Cela ne pouvait pas se finir ainsi entre nous. Il fallait que je prouve à Elise que je deviendrais le meilleur des pères possible pour notre mini nous. Qu'elle pouvait désormais compter sur moi car je deviendrais l'épaule sur laquelle elle pourrait se reposer.

S'il me fallait un dernier électrochoc pour changer, celui-ci était définitivement le meilleur que je pouvais avoir.

Il ne me restait plus qu'à espérer qu'Elise ne m'en veuille pas pour cette grossesse. Après tout, j'étais fautif. Elle prenait la pilule tandis que je lui avais demandé à ce qu'on arrête d'utiliser des préservatifs. Jamais je n'aurais pensé une seule seconde que nous ferions partis de ces 1% de couples à réussir à faire un enfant malgré la contraception orale.

Il ne me restait plus qu'une semaine de travail à Singapour, et je pourrais enfin serrer Elise dans mes bras, enfin si elle voulait bien à nouveau de moi.

Je me souviens.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant