Aube

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Vers vingt-trois heures trente, j'étais toujours chez cette dame au grand cœur, et j'étais remis sur pied. Étant donné l'heure tardive, elle m'avait dit que je pouvais rester dormir - elle m'y avait plutôt obligé - mais je ne parvenais pas à trouver le sommeil, comme à tous les soirs. J'errais donc dans les couloirs, sans rien toucher. J'effleurais du bout des doigts chaque meuble, observais la tonne de photos que je voyais partout, et étonnamment, je me sentais détendu pour la première fois depuis longtemps. Peut-être était-ce à cause de l'attitude avenante de la dame, Lee Isidore, de son nom, ou peut-être était-ce à cause de l'odeur du muguet qui flottait partout dans la petite maison.

Un portrait attira alors mon attention. Il représentait deux petits garçons en tenue scolaire, un noeud papillon marin ceignant le cou de chacun et un béret orné d'un ruban de la même couleur coiffait leurs chevelures d'un brun pâle. Le plus âgé des deux semblait avoir huit ans, sans plus, et l'autre me semblait avoir deux ou trois ans de moins. Ils avaient le même éclat joyeux dans les yeux qu'Isidore, et un sourire particulier se dessinait sur leurs lèvres.

Un détail me frappa alors, faisant rater un battement à mon coeur. Le visage du plus petit des deux était constellé de taches de rousseur, petites et délicates. Mes jambes me lâchèrent et je m'écrasai le dos contre le mur. Je devais reprendre le contrôle de moi-même, il n'était pas dans la pièce, rien ne me servait de paniquer. Après quelques minutes, je me relevai difficilement et retournai à la chambre qui m'avait été prêtée par madame Lee. Elle m'avait dit que c'était autrefois la chambre des ses petits-fils, et qu'elle était heureuse d'y trouver une nouvelle utilité, puisque qu'elle était vide depuis bien longtemps. Je n'avais pas posé de questions à ce moment, mais je sentis que je le devrais le lendemain matin...

Je m'installai à nouveau dans le lit à deux étages, au niveau du sol, et fermai les yeux, espérant que le sommeil ne tarderait pas.

Nous sommes au bord de la mer. Je suis assis dans le sable, à l'ombre d'un rocher, et il court après les goélands, sautant dans l'eau et éclaboussant partout autour de lui. Ce spectacle me fait rire.

Il se tourne vers moi, les cheveux plaqués sur la tête en tous sens, légèrement balayés par le vent salin, et me sourit grandement, d'un sourire qui vous réchauffe le coeur. Je lui souris en retour, et il revient en courant vers moi.

Il se blottit contre moi, et je l'entoure de mes bras, reniflant ses cheveux à l'odeur salée. Il dépose sa tête contre mon torse nu, et nous observons l'horizon.

Le soleil commence à décliner, nous offrant un magnifique spectacle. J'aimerais que ce moment ne se termine jamais, qu'il reste collé contre moi de cette façon pour toujours, ses mains dans les miennes, ma tête déposée sur la sienne.

Il tourne sa tête vers moi, les yeux brillants, et vient poser un léger baiser sur mes lèvres. Je réponds à ce signe d'affection, et nous nous embrassons durant de longues minutes, oubliant le reste de l'univers autour de nous. Ma main flatte ses cheveux tout doucement, lui a déposé ses mains sur mes épaules et me serre contre lui.

Cette scène est tout ce qu'il y a de plus innocent, simplement deux personnes qui s'aiment et se le démontrent mutuellement, devant un soleil couchant.

Je me réveillai en sursaut et en sueur, et posai mes mains sur mon visage, laissant échapper un sanglot. C'était notre dernier rendez-vous, celui qu'il m'avait donné au bord de la mer... Pour ensuite disparaître le lendemain, sans préambule, sans explications, sans un mot.

Je laissai silencieusement couler mes larmes, ne souhaitant pour rien au monde risquer d'inquiéter madame Lee, cette personne remplie de bonté...

Je regardai l'heure sur mon téléphone. 4:32. Évidemment, je ne pouvais dormir plus de quelques heures par nuit, ça m'était désormais physiquement impossible...

Orage - HyunlixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant