Vendredi 5 Juin.
— T'as essayé le yoga ? Ça te ferait du bien, non ? Putain, t'as vraiment une sale gueule.
— J'ai pas dormi, je t'ai dit. Fous-moi la paix, tu veux ?
Je grogne et lève les yeux au plafond. Yanis est un type adorable, depuis trois ans que je le connais, mais parfois il a tendance à trop fourrer son nez dans les affaires des autres. Me sauter dessus dès mon arrivée au bureau a été sa priorité quand il a vu ma tronche de déterré, évidemment.
— T'es tendu comme un string mon gars, reprend mon collègue. T'as ramoné dernièrement ?
Je m'étouffe avec ma bouteille, l'eau me ressortant par les narines presque aussitôt. Je n'ai qu'à le fixer, en tentant mon regard le plus menaçant, pour qu'il ne relance pas le sujet. Et qu'il comprenne qu'il a passablement raison.
— Demain, tu manges tout seul, le menacé-je.
— Demain c'est samedi, trou du cul, évidemment que je vais manger seul !
Éternel célibataire, Yanis met un point d'honneur à ne pas s'embarquer dans une relation durable et sérieuse. Mon opposé. Quand je cherchais à tout prix à trouver une histoire avec une des filles que nous rencontrions dans les soirées où il me traînait, lui se contentait d'enchaîner les coups d'un soir, deux maximum quand la nuit se transformait en week-end. Mais jamais ça ne devenait une semaine, un mois puis une année comme je l'ai fait avec Mandy.
— Avec de la chance, lui dis-je, tu vas te dénicher une nénette pour passer la nuit et vous partagerez le déjeuner.
Il roule des yeux, visiblement agacé par cette simple idée, et lève les mains en s'emportant :
— Ça m'énerve quand elles font ça, putain ! J'ai pas une gueule de prince charmant, à quel moment elles squattent...
— T'as qu'à les virer de chez toi.
— Je ne suis pas non plus un connard !
— Alors, ne les invite pas chez toi.
— J'habite en plein centre, tu sais très bien que c'est plus pratique de finir là !
Yanis repousse son assiette. Les manches de sa chemise sont remontées haut sur ses avant-bras, le blanc du tissu contrastant avec sa peau caramel. Il pose son menton sur son poing serré et me dévisage un moment. Ce n'est que lorsque je râle enfin sous son insistance qu'il secoue la tête en riant.
— Allez, c'est décidé ! Matt, mon vieux, ce soir je t'emmène !
— Comment ça ?
J'ai de la salade coincée entre les dents. Je déteste ça. Mon ongle part racler ma gêne, tandis que Yanis tend un doigt menaçant vers moi.
— Y'a une soirée privée à l'Illicite, continue-t-il. J'ai mes entrées, tu me connais.
Oh que oui, si ça n'a pas changé depuis un an, je sais bien de quoi il parle.
Yanis se penche légèrement, de cet air conspirateur que lui seul peut avoir. Il a ce sourire canaille qui lui sied si bien et qui les fait toutes craquer. Absolument toutes. Mandy y est passée aussi, juste avant qu'on fricote ensemble. C'est même comme ça qu'on s'est connus. À se demander pourquoi elle a fini avec moi, d'ailleurs.
Yanis et moi n'avons rien en commun. Il est aussi extraverti que moi je suis discret. Quand on entre, c'est généralement grâce à lui : sa prestance, et ses... « entrées ». Yanis a pas mal de monde dans sa poche, et les années passant c'est un fait qui est allé crescendo. Pour son plus grand bonheur et celui des gens qui lui collent au train. Il n'est pas dupe, il sait très bien que c'est par intérêt. Il en profite lui aussi, en imposant ses conditions quant au déroulement des soirées. Il le faisait déjà quand nous nous sommes rencontrés et qu'il a commencé à me traîner derrière lui après le boulot. Je me faisais tellement chier, il faut dire, que ça me changeait les idées.
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SPARK for me - Tome 1 : "Première étincelle"
Lãng mạnA trente-six ans, Matt sent le sens de sa propre vie lui échapper. Il a pourtant tout ce qu'il faut pour être heureux, d'après les conventions sociales qu'il suit à la lettre. Une petite amie, un logement correct, des amis, un quotidien bien rôdé. A...