J'ignore combien de temps a passé. Je sens encore des mains s'infiltrer sous mon tee-shirt, puis se retirer. Dans mon dos, un corps me colle plus que les autres, me suit dans mes mouvements. Si je me retourne, je sais que ce sera comme donner le feu vert. Je m'écarte en deux, trois mouvements sur la musique. Plus loin, un autre corps fait la même. Un peu plus insistant, les mains restent plus longtemps cette fois. J'essaie de les enlever rapidement.
Un bassin se presse contre moi. Il ondule.
Malgré moi, ça m'électrise et m'envoie une onde de désir. A cause du manque, peut-être. Même si je me l'inflige, je sais que ce quotidien sans désir avec ma petite amie ne m'est pas naturel. Aux yeux d'autres, peut-être. Ils y croient. Aux yeux de Mandy aussi, certainement. C'est ce que j'ai réussi à instaurer dès le début, avec toutes mes ex petites-amies, et c'est l'idée que je dissémine auprès de tous mes amis. Je suis le type qui n'y touche pas. Celui qui s'en fout. Celui qui n'aime pas ça.
Pourtant, je suis capable d'avoir des envies. Beaucoup. Je n'y ai juste pas cédé. Parce que l'idée même est douloureuse. Effrayante. C'est aussi pour ça que je ne sors presque plus, prenant Mandy et mon couple immaculé comme prétexte. Que je ferme les yeux quand je viens danser comme ce soir. A cause de ce que mes réels désirs impliquent.
Car ce qu'ils impliquent, justement, c'est la forme qui se meut dans mon dos, contre moi, avec fermeté. Mon cœur bat la chamade quand, la gorge serrée avec appréhension et envie, et une pointe de terreur à l'idée de ce qui se passe, je réalise aimer l'érection qui frotte dans mon dos, contre mes fesses. La moitié du sang de mon corps semble s'être rué dans mon entrejambe pour imiter celui qui me colle.
J'ai le sentiment que Yanis m'a tendu un traquenard avec cette soirée. Dans un moment où tous mes doutes et mes incertitudes sont à leur apogée. Une soirée gay. Tellement gay qu'il y a peu de chance que ce soit une nana qui se frotte à moi de cette façon. Sauf si elle a caché un tuyau d'arrosage dans son slip, et j'en doute.
Les mains voguent sur moi, brûlantes et enivrantes. J'essaie de les déloger. Le corps se presse un peu plus. Mon rythme cardiaque s'accélère. La force ferme d'un homme. Quelque chose d'aussi inquiétant que terriblement attractif. Je n'arrive pas à m'écarter. Et putain, j'ai tout sauf envie de faire un esclandre ici, pas maintenant ! Ça me fait chier. J'arrivais enfin à me mettre dans cette petite bulle plaisante.
Avec un coude, j'arrive enfin à me débarrasser de lui. Je n'ose pas jeter un regard derrière moi pour voir de qui, ou de quoi, il s'agit. Autant ne pas savoir. Je m'éloigne. Par ici, il y a un peu moins de mouvement, moins de gens qui s'agitent, plus de tables, plus de sièges. C'est plus tranquille. En me mettant en marge ici, c'est plus difficile de se perdre dans l'effervescence de la piste. J'ai l'impression de me transformer en spectacle vivant pour ceux qui sont assis à boire. Mais si je me tourne, je leur offre pleine vue sur mon cul.
Cette soirée devient brusquement merdique.
J'ouvre les yeux, avec le sentiment désagréable d'être vaincu. J'ai chaud, beaucoup trop chaud. La magie de la danse s'est dissipée avec une sensation de manque et d'inachevé, de frustration qui me picote le bout des doigts. Je passe une main dans mes cheveux, essayant d'y remettre de l'ordre. Quelqu'un les a fichus n'importe comment, c'est la pagaille. Je suis essoufflé, plus que je le pensais en bougeant et en m'échappant à contrecœur de la piste, et j'ai du mal à retrouver un rythme cardiaque décent. Je sens quelque chose agripper ma ceinture et je m'écarte précipitamment pour ne pas repartir dans la masse humaine.
J'ai chaud.
— Eh, toi ! Par ici !
Des voix parviennent à surpasser la musique qui vrombit toujours, indistinctes mais puissantes. Je ne m'en préoccupe pas. L'appel se répète, mais il y a tellement de gens ici, et je ne connais à priori personne d'autre que Yanis qui est... loin à l'autre bout de la salle, quelque part.
VOUS LISEZ
SPARK for me - Tome 1 : "Première étincelle"
RomanceA trente-six ans, Matt sent le sens de sa propre vie lui échapper. Il a pourtant tout ce qu'il faut pour être heureux, d'après les conventions sociales qu'il suit à la lettre. Une petite amie, un logement correct, des amis, un quotidien bien rôdé. A...