Lundi 8 Juin.
La journée a été longue. J'ai à peine eu le temps de voir Yanis, qui s'est fait embarquer par un de nos managers à travers les bâtiments pour l'assister. Nous avons pu échanger quelques messages.
15 : 44
La réception d'un mail d'expédition a relancé mon cœur dans une nouvelle danse frénétique. Quarante-huit heures avant réception, dans le meilleur des cas. Je fais suffisamment confiance aux services postaux pour que Yanis ne le reçoive pas dans les temps impartis, ce qui a le don d'installer cette once de déception et calmer mon rythme cardiaque. Tout va bien. Mes mauvaises habitudes ont la vie dure, particulièrement celle qui consiste à amoindrir chaque évènement agréable. On s'y fait, avec le temps.
Ce soir, je laisse l'ordinateur éteint. Dans mes mails, il n'y a plus de trace des confirmations du site. Je les ai transférées à Yanis pour le suivi du colis. Puis j'ai tout supprimé, dans une crise de panique alors que je tombais dessus par hasard en cherchant autre chose dans ma boite mail. Mandy ne connait aucun de mes identifiants. Elle ne prend jamais mon téléphone, non plus. Mais mon instinct de préservation est monté à son paroxysme.
Je ne pense pas pouvoir changer. Pas aujourd'hui. Pas totalement ? Hier, j'ai fait un petit pas qui me semble pourtant gigantesque. Je me dis... que ce n'est que le début, peut-être...
Avachi dans mon canapé, je reste sur mon téléphone, à faire défiler les réseaux sociaux sans trop y faire attention.
Il fait encore grand jour.
Dehors, il y a le bruit de la ville, dans un ronronnement un peu étrange. Un mélange de vrombissements, de voix, de claquements de portes en tout genre.
Ou peut-être que je confonds avec le claquement de la porte de mon appartement.
Dans un sursaut, je vois la silhouette de Mandy qui apparait dans le salon et je cligne des yeux. Elle sourit en me saluant, comme à son habitude, et je l'imite.
Je l'imite parce que présentement, j'ignore quoi faire d'autre. Un sourire, un salut. Et un blanc. Allongé en short sur le canapé, je me sens soudainement démuni alors que je l'observe. Je me rends compte, tandis qu'elle vadrouille dans l'appartement pour ranger ses affaires et son sac, à quel point sa présence ne m'affecte pas tant. Ni son absence. Pendant plusieurs heures, je l'avais oubliée.
Et c'est là. La culpabilité. Je ferme les yeux, inspire et expire plusieurs fois lentement pour reprendre le cours de ma vie.
Tout va bien. Tout ira bien. Mandy est rentré, tout continue, tout reprend, même. Elle ne sait pas. Elle ne saura jamais. Ce qu'il y a eu au cours de cette soirée, ce qui rampe dans mon cerveau et prend autant de place entre mes deux oreilles et dans mon corps tout entier.
— T'as eu le temps de faire des courses ou pas ? s'exclame-t-elle depuis la cuisine, puis j'entends le bruit du frigo. Ah non... On mange quoi ce soir ?
Je me redresse aussitôt. Je dois me rattraper. Je dois effacer tout ça. Les images, les mots, les peurs, les fautes. J'ai l'impression d'être un mari pris en flagrant adultère. Allons. Tout va bien.
— J'ai pas eu le temps, répliqué-je fort pour qu'elle m'entende.
Faux ! Je glande. J'ai la flemme. J'ai pas envie.
— On peut se faire livrer, suggéré-je alors.
— Vraiment ?
Sa tête apparait dans l'encadrement de la porte. Ce n'est pas dans mes habitudes de commander à manger. Généralement, je cuisine, ça coûte moins cher et c'est meilleur pour la santé. Dans le pire des cas, rien ne vaut de sortir de chez soi pour prendre l'air et trouver un petit restaurant sympathique. Sa surprise est donc palpable, et je me sens de suite pris en faute. Encore.
VOUS LISEZ
SPARK for me - Tome 1 : "Première étincelle"
RomanceA trente-six ans, Matt sent le sens de sa propre vie lui échapper. Il a pourtant tout ce qu'il faut pour être heureux, d'après les conventions sociales qu'il suit à la lettre. Une petite amie, un logement correct, des amis, un quotidien bien rôdé. A...