J'ai paniqué. Putain de merde, j'ai encore paniqué. Mais je ne m'attendais certainement pas à ça.
J'avais quitté l'appartement de Yanis ce matin, plus serein et le cœur plus léger. Un peu seulement, parce que c'est difficile de gérer tout ça. D'après lui, le fait d'avoir réussi à en parler est déjà bon signe. On a passé la journée à ça : discuter. Ou plutôt, il a passé son temps à lancer des questions, à voir si je répondais ou pas, à évaluer mon degré d'implication et d'acceptation dans tout ce merdier qui m'a été jeté à la gueule. Entre deux liens sur mon site de maquillage favori et deux grognements, j'ai réussi à lui faire face. De profil, hein, il manquerait plus que je sois capable de le regarder en face quand je lui avoue que je suis...
Bref.
Il m'a réconforté à sa manière, conscient que non, les contacts prolongés avec un autre homme n'étaient certainement pas au programme pour moi. Pas maintenant. Et probablement jamais. Du moins, je l'espère. Pour l'heure, je veux juste maintenir tout ça loin de moi, malgré tout ce que j'ai pu apprendre et comprendre sur moi-même grâce à lui. Le soir, c'était pizza et Netflix. Pas de chill pour nous, bien merci, sans façon. Etonnamment, Yanis ne m'émeut pas particulièrement. Il est bel homme, et ce serait mentir de dire que je n'ai jamais observé le mouvement de ses épaules, de son dos, ou encore de son cul, tant qu'à faire. Bien malgré moi, évidemment. Il a un sourire charmant, des yeux qui attirent l'attention. Je n'ai jamais été étonné de l'intérêt qu'il suscite, et ne m'en suis jamais formalisé. Vendredi soir, j'ai vu les yeux des autres gars sur lui. A leur place, j'aurais fait pareil. Si je n'étais pas moi. Si j'assumais. Si j'acceptais.
Je suis claqué.
La porte de l'appartement se referme derrière moi en claquant. Le salon est plongé dans le noir. Par la fenêtre, les lumières de la ville, de nuit, font entrer les ombres. Je lance mon portefeuille sur le premier meuble venu, sans vraiment regarder ce que je fais. Un bruit sourd résonne dans la pièce. Je laisse faire.
Dans la semi-pénombre, j'aperçois le canapé et la table basse et les évite de peu. J'ouvre la fenêtre, espérant faire rentrer de l'air frais, mais c'est la même tiédeur entêtante qui pénètre l'appartement.
La même que durant ma marche rapide pour rentrer.
La même que sur la terrasse de la brasserie.
La même que lorsque ce type était face à moi, penché jusqu'à ce qu'il ne reste que quelques centimètres entre nous.
Je m'appuie contre la rambarde, essayant de reprendre mon souffle. Celui-là même que j'ai perdu face à lui. Quand il s'est jeté sur cette chaise sans crier gare, un sourire au coin des lèvres. Quand ses yeux immenses et décorés avec soin se sont plantés sur moi. J'avais aperçu son groupe, ou du moins les premiers qui se sont installés. J'ignorais qu'il était là, lui aussi. Mais je ne pense pas que j'aurais pu le reconnaître. Il était... différent. Calme, serein, propre sur lui, ses traits plus composés qu'à l'Illicite. Un peu excité quand même, mais c'est peut-être dans sa nature. Il y a des gens comme ça, qui vont trop vite et qui en font des tonnes.
C'était trop tôt pour le recroiser. Pour qu'il s'approche autant. Pour qu'il m'aborde. Je pense que ce sera toujours trop tôt pour qu'un type comme lui fasse quoi que ce soit, de toute façon, quoi qu'en dise ou pense Yanis. Le fait qu'il m'ait reconnu, même loin du bar, est plutôt mauvais signe pour moi. Je crois.
Son parfum me semble si venimeux que j'en frissonne. Pêche, encore. Ça ne pouvait pas être agrume à la con ou un truc désagréable du genre ? Quel mec utilise un savon, ou un shampoing, à la pêche ? Un métrosexuel, comme ils disent ?
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SPARK for me - Tome 1 : "Première étincelle"
RomansA trente-six ans, Matt sent le sens de sa propre vie lui échapper. Il a pourtant tout ce qu'il faut pour être heureux, d'après les conventions sociales qu'il suit à la lettre. Une petite amie, un logement correct, des amis, un quotidien bien rôdé. A...