SPARK for me - Tome 1 : "Première étincelle"

Tome 1 - Chapitre 10 : Led

— Et toi, Led, pas d'âme charitable pour prendre soin de toi ?

Il y a toujours ce moment peu glorieux dans une soirée tranquille, qui pousse mes potes à parler de trucs chiants. Comme mon célibat et le fait que lorsque je m'envoie en l'air, c'est rarement avec la même personne.

— Ça dépend ce que tu entends par-là, ris-je en posant mon menton dans ma paume. Pour la nuit, ou pour toujours ?

— Toi, le jour où on te demande de rester pour toujours, ricane Az', j'arriverai à l'heure au boulot !

— Chiche.

— On est large !

Les rires s'amplifient et le mien avec. Le nez dans un verre de vin qui n'est sûrement pas à moi, je soupire d'allégresse à cette soirée. Mes yeux piquent un peu. Je pense que je vais pouvoir rattraper mes heures manquantes cette nuit, dans mon lit. Sinon, je peux aussi changer d'avis et trier mes photos du jour. Au fait, est-ce que j'ai fini le design de la couronne du roi ? Le prince, non, c'est certain, ma sculpture est en attente sous un torchon, mais le roi ? Quelle couleur j'avais en tête, déjà ? Corail ? Ou ce bleu qui...

— Eh oh, la Terre à Led ! répète Romy plus fort.

Je sursaute, tiré brutalement de mes pensées et de ma somnolence.

— Quoi ?

— Je disais : c'est pas le mec qui t'a appris à embrasser les tables vendredi ?

De quoi parle-t-elle ? Je me contente de froncer les sourcils sans comprendre. Vendredi, c'était l'inauguration de mon exposition. Je ne me rappelle pas avoir embrassé de...

Quand elle fait un geste vers ce qu'il se passe derrière moi, je comprends brusquement de quoi il est question. Ou plutôt de qui. Avant que je puisse réagir, mon estomac a déjà fait un bond et mon cœur a chuté de trois étages. Je pense qu'ils se sont entrechoqués au passage.

Je suis déjà retourné, sous les ricanements surpris de mes amis. Et il y a de quoi, je serais pareil à leur place.

A quelques tables de la nôtre, il y a un type attablé. Seul. Il n'y a qu'une assiette devant lui, qu'un verre aussi. Il consulte son smartphone d'une main tout en mangeant.

Est-ce que Romy a raison, et qu'il s'agit du type qui m'a envoyé chier ?

Je ne sais, je ne sais plus. Je ne suis pas sûr. Je n'ai plus que quelques images troubles de la soirée et de ce que j'ai bien pu faire, voir, penser et dire. Le rush d'adrénaline dans mes veines est soudain et violent à l'idée qu'il s'agisse de mon inconnu de l'Illicite. Ça me réveille d'un coup et mes idées sont si claires que j'en suis étourdi durant quelques secondes. De loin, je reconnais la fermeté de sa mâchoire, la ligne droite de son nez, et ce menton presque volontaire. Sa bouche fait office de cerise sur le gâteau et je pourrais presque (non, totalement !) imaginer plein de saloperies à faire avec. Ok, je les imagine déjà.

Son regard est baissé sur son écran. Est-ce que ses cils sont aussi longs que dans mes souvenirs d'ivrogne ? Ses cheveux sont presque noirs, un nid de boucles savamment arrangées. Cette bille argentée est bien là sur son lobe, discrète mais présente. Je ne l'ai pas rêvée.

— Euh, j'en sais rien..., marmonné-je enfin.

— Sa tête me parle vraiment, insiste-t-elle.

Quelque chose en moi hurle la même chose et mon cœur crépite. Je reconnais ce sentiment. Celui qui va me coller à la peau jusqu'à ce que je fasse ce que ma raison me dit de ne pas faire : le con.

Il se tourne légèrement, pour observer la terrasse autour de lui entre deux coups de fourchette.

C'est indéniable : c'est lui. Je reconnais ses yeux, si clairs et si gris, qui m'ont happé dans les toilettes du bar. Ce soir-là, j'avais juste envie de pisser, comme tout le monde. Mais mon cerveau a un poil modifié la raison de ma présence dans cet endroit dès que je l'ai vu. Je sais que j'étais loin d'avoir toute ma raison ce soir-là. Mais quelque chose m'a piqué à travers le brouillard. Fort, comme jamais. Il était hors de question de ne pas faire quelque chose.