[11 : 06] Mandy - Week-end prolongé avec les filles, je rentre lundi soir.
Ça fait probablement quatre fois que je lis ce satané message. Et à chaque fois, j'en cherche le sens caché. Mandy, ma petite Mandy, qui découche. J'ai raté un épisode. Elle a déserté l'appartement la nuit dernière, comme je l'ai fait, profitant de mon absence et elle a eu entièrement raison. Quand j'ai émergé sur le canapé de mon ami, la tête lourde et la gorge sèche de ma soirée de merde, ce petit message m'attendait bien sagement dans mon téléphone. Il est actuellement midi passé depuis un bon moment. J'ignore quoi faire.
Yanis dort encore, je crois, ou en tout cas il sait bien faire semblant. Dans sa chambre, pas un bruit. Les volets du petit salon sont tirés et laissent filtrer une lumière approximative. A mon avis, il fait déjà chaud dehors, il vaudrait mieux ne pas se risquer à ouvrir les fenêtres. Dans l'air, il y a encore l'odeur des frites qui plane, seul témoin de notre retour tard dans la nuit, ou tôt dans la matinée. Un truc classique, ça : retour de soirée, avoir la dalle, faire cuire le premier truc qui passe à portée de main. Généralement ça finit en pizza party, ou comme cette fois : des frites. C'est parfait, ça se mange sans faim et nos estomacs nous en remercient plutôt rapidement. Après plusieurs heures à pioncer comme une grosse merde intersidérale, le mien crie de nouveau famine et les chiottes m'appellent.
Je ne suis définitivement pas du matin, il faut l'avouer de suite. Alors avec toutes les nuits désastreuses que j'ai enchaînées, autant dire que c'est encore pire. Yanis l'a vu. Yanis le sait. Yanis est très loin d'être con. C'est pour ça qu'il a refusé de me ramener chez moi après notre sortie ratée.
Le souvenir me heurte de plein fouet. Sortie ratée est un euphémisme pour ce qu'il y a eu hier soir. Mon estomac se noue alors que les images défilent, me rappelant mon comportement et tout ce qu'il y a eu.
J'ai craqué. Pitoyablement. Devant Yanis. Il a beau être mon ami et me connaître depuis un moment, je n'ose même pas imaginer comment les choses vont être à partir de maintenant. Est-ce que je vais avoir droit à un regard rempli de pitié ?
De dépit, j'enfonce mon visage dans le coussin qui m'a servi d'oreiller. Le canapé de Yanis est un peu vieux mais parfait quand il s'agit de s'échouer comme une vieille baleine. Même bourré, on peut le déplier facilement et décuver dedans. Autant dire que fut un temps, je l'ai bien connu, ce canapé. Plutôt intimement, même, pour toutes les nuits que j'ai pu finir dessus à dessoûler, une bassine à côté de ma tête.
Mais ce matin, pas de bassine, malgré ma migraine carabinée. Ça n'a rien à voir avec l'alcool : j'y ai à peine touché, trois pas sur la piste et j'étais sobre. Du moins, j'imagine. Parce que dans mon esprit, tout est si chaotique que j'ai l'impression d'avoir vidé le stock du bar. C'est ça, le contrecoup quand on ouvre les vannes.
J'ai peur de me retrouver face à Yanis. Cet aveux me coupe le souffle quelques secondes, parce que c'est tout de même mon ami depuis un bail. Puis je me décide enfin à me réfugier dans la salle de bain. Ma faible érection matinale ne fait pas le poids face à mon envie d'uriner, et pendant quelques secondes je me demande depuis quand je suis comme ça. Lent, sans saveur pour quoi que ce soit. Ma puberté était pourtant normale, aussi catastrophique que celle des autres. J'éprouvais des choses. J'avais... des envies. Des désirs. Quand est-ce que ma libido a décidé de se terrer à l'autre bout de la galaxie, au juste ? Ça me fatigue, parfois. J'essaie toujours de ne pas y penser, pour que ça ne me mine pas. Ou pas trop. Parce qu'en ce moment, c'est un peu mort pour ne pas y penser. Ça me bouffe littéralement.
Je sais qu'un truc cloche. Je ne suis pas impuissant, pas à mon âge. Parfois, tout fonctionne. Mais pas si Mandy est de la partie. Et ce constat, en général, me bloque. Et je repars sur un nouveau cycle mollasson.
VOUS LISEZ
SPARK for me - Tome 1 : "Première étincelle"
RomansaA trente-six ans, Matt sent le sens de sa propre vie lui échapper. Il a pourtant tout ce qu'il faut pour être heureux, d'après les conventions sociales qu'il suit à la lettre. Une petite amie, un logement correct, des amis, un quotidien bien rôdé. A...