CHAPITRE 6 : QUI ES-TU ?

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Nova

Le train avait stoppé sa course infernale en direction du château si brutalement que le choc m'avait projeté en arrière, me laissant m'écraser sans ménagement sur la banquette, l'accoudoir enfoncé dans la chair molle de mes côtes.
Il ne fallut que quelques secondes pour que Fred me rejoigne dans ma chute, affaissant le cuir souple sous son poids. L'obscurité était profonde, mais je pouvais sentir sans peine sa présence me surplomber. Il était si proche que son parfum, un sucré mélange de pralines et d'écorces de cannelier, donnait l'impression de s'imprégner sur mes vêtements.
Je ne connaissais que trop bien cette odeur. Je profitai de l'obscurité pour en humer le plus possible, ce fut comme si, involontairement, j'avais retrouvé un morceau de la personne que j'étais avant.
Un vague souvenir balayé par la douleur qui commençait à s'intensifier et me pousser à me dandiner afin de libérer mes côtes de ce supplice.

Quand la lumière se ralluma, rependant sa faible lueur à travers les quelques ampoules qui avaient résisté au choc, je lui fis face, son visage constellé de taches de rousseur occupait la totalité de mon champ de vision.
Une rivière pourpre coulait le long de sa joue rougie, et venait goutter au niveau de son menton. Il était placé de telle façon que les gouttelettes vinrent s'écraser sur ma joue.
J'aurais dû me dégager, j'aurais dû réagir et peut-être même m'excuser, mais j'étais frappé par son regard. Presque paralysée de ses iris aux éclats verts noyés dans la teinte noisette qui dominait. J'étais comme un oiseau pris dans les phares d'une voiture volante.
Fred me fixait comme si nous venions de nous rencontrer, comme si j'étais apparu soudainement et que ces quatre dernières années n'avaient jamais existé. Mais la réalité s'y reflétait parfaitement et je cru même à l'instant y voir une forme de désillusion.

Sa réaction n'avait rien d'étonnant, il fut un temps où nous étions amis. Où nous partagions nos nuits à scruter les étoiles dans l'espoir de croiser la route d'une étoile filante, et que nos rêves ne soient plus de simples songes. Mais on a fauté et il a fallu désigner un coupable. J'étais la cible parfaite. Leur cible.
Or, le gibier avait revêtu sa plus belle parure, pourvu de ses plus beaux crocs et était devenu le chasseur. Car il était plus simple pour moi d'être le bourreau, que de me retrouver à l'abattoir encore une fois. Me voir ainsi était nouveau pour lui.

Il finit par détourner les yeux et s'écarter de moi, approchant de la porte sans un mot, essayant sûrement de doser l'absence d'agitation dans le couloir. Mais Fred ne fit confronter qu'à son reflet sanguinolent dans le reflet sombre des vitres. À tâtons, il passa en revue l'intégralité des poches de son pantalon en revue avec un calme presque délicat, à la recherche d'un mouchoir.

Je n'étais pas la seule que les années avaient transformé, il avait lui aussi changé. L'ancien Fred aurait sûrement perdu son sang-froid, me forçant à faire face à la stupidité de mon acte. Ou laisser son naturel loquace apaiser la situation, me proposant une de ses créations, afin de m'humilier pour me rendre la pareille. Mais il m'ignorait, et ce même quand je lui tendis un mouchoir en soie aux armoiries de ma famille. Et j'étais forcé d'admettre que l'ignorance était plus dure à affronter que la colère ou tout autre émotion.

Ne sois pas idiot et prend ce mouchoir, imposais-je en prenant possession de sa main pour l'y glisser de force.

Sa peau était brûlante, et sans attendre, il me repoussa, laissant le tissu se poser délicatement sur le bois verni et marqué par des années de service.

Fred, je ne te reconnais pas là, depuis quand es-tu devenu une tête de mule ?

L'audace de mes mots me valut un bref haussement de sourcil de sa part. Qui étais-je pour dire de telles choses ? Notre amitié était précieuse mais aussi éphémère que la floraison des cerisiers japonais.

𝗡𝗢 𝗧𝗜𝗠𝗘 𝗧𝗢 𝗗𝗜𝗘 || 𝐹𝑟𝑒𝑑 𝑊𝑒𝑎𝑠𝑙𝑒𝑦Où les histoires vivent. Découvrez maintenant